Retraite Génétiquement Modifiée : ce que doivent savoir les 7 à 77 ans et +
Les retraites en France sont assurées par deux systèmes qui sont usuellement mis en concurrence. Le système par répartition et le système par capitalisation.
Le premier est dit vieillissant et condamné à s’affaiblir alors que le second est présenté comme le seul viable ; il a le vent en poupe et pourtant !
En fait le système par capitalisation est condamné à disparaître à moyen ou long terme et seul le système par répartition pourra assurer la pérennité des retraites. Les motifs sont exposés ci-après.
Pour s’en convaincre il faut commencer par regarder comment fonctionnent l’un et l’autre de ces systèmes.
I/ Le système par répartition.
Le principe général consiste à financer les retraites qui sont versées au cours d’une période par des fonds encaissés sur la même période. C’est un système collectif basé sur la solidarité entre un groupe qui perçoit et un groupe qui finance.
En France, le financement est assuré pour l’essentiel par des cotisations sur les revenus d’activité et les produits du capital. Il n’y a pas un équilibre parfait chaque année entre les fonds encaissés et les prestations versées ; la différence est affectée ou prélevée sur des réserves constituées pour niveler et stabiliser le régime dans le temps. Le système se décline chez nous en deux régimes légaux avec des modalités de fonctionnement légèrement différentes – le régime vieillesse de Sécurité Sociale et les régimes complémentaires.
On le voit, ce système dépend directement du rapport entre les cotisations encaissées et les prestations versées. Sachant que l’essentiel des cotisations est versé par les actifs on a tendance à considérer comme déterminant, le rapport entre les nombres d’actifs et de retraités. Cette approximation n’est pas satisfaisante.
. Plus de cotisants mais avec pour chacun un niveau de cotisations moindre peuvent conduire à un encaissement global plus faible et donc mettre les régimes en difficultés. Le niveau des cotisations dépendra de la capacité de financement des cotisants, c’est-à-dire de leur richesse. C’est pourquoi l’augmentation des taux de cotisation parfois imposée pour rééquilibrer les régimes peut s’avérer douloureuse en termes de pouvoir d’achat.
. Officiellement les chômeurs cotisent également aux régimes de retraite, mais dès lors que leurs cotisations sont prélevées sur les prestations chômages, elles mêmes financées par des cotisations prélevées sur les actifs, (et pour une faible partie par l’impôt), il est évident que cela revient à faire supporter l’intégralité des cotisations retraite par les actifs.
La véritable comparaison ne s’établit pas entre retraités d’une part et actifs + chômeurs d’autre part, mais en réalité entre retraités + chômeurs d’une part et pouvoir d'achat des actifs d’autre part.
On voit ainsi que le cloisonnement des régimes sociaux en ‘’régime vieillesse’’ et ‘’régime chômage’’ est fictif et qu’ils sont intimement liés, comme des vases communicants. Déplacer les cloisons comme se sont plu à le faire les générations de dirigeants qui se sont succédées, ne sert strictement à rien d’autre qu’à lever des écrans de fumée en attirant l’attention sur tel ou tel régime, sans considérer l’impact inévitable en sens contraire sur l’autre plateau de la balance.
Le système de retraite par répartition est donc bien dépendant du niveau d’activité et de richesse du pays, d’autant qu’aujourd’hui des cotisations sont également appelées sur les revenus du capital ; cela n’a pas toujours été le cas.
Depuis quelques décennies le système est décrié. Le poids des régimes de retraite et de chômage croit beaucoup plus vite que la population active qui doit le supporter. La principale cause n’est pas démographique comme on le prétend, ni même un manque de croissance. C’est la répartition de la richesse produite et la mécanisation qui l’expliquent le mieux.
Lorsqu’une entreprise remplace des salariés cotisants par des machines et outils non-cotisants, elle sape les ressources des régimes sociaux. Par ailleurs trop de richesses échappent encore à la taxation sociale, ou dans de proportions insuffisantes (immobilisations, niches, profits captés par des capitaux étrangers, sphère financière spéculative, …)
Ce qu’il est important de retenir c’est que le régime par répartition dépend uniquement de la richesse réelle produite, de sa répartition entre les différentes catégories d’acteurs cotisants et non cotisants. Le rapport actifs/retraités n’est pas le bon indicateur. Seul le rapport cotisations encaissées/ prestations versées est significatif.
L’avantage du système par répartition est que cotisations et prestations sont concomitantes, ce qui permet de démarrer le versement immédiat de prestations sans avoir engrangé préalablement des réserves importantes ; c’est ce qui a déterminé les politiques à retenir cette solution au sortir de la guerre quand l’économie était au plus bas. C’est le seul moyen qui permet de réactiver des systèmes de retraite après une crise.
II/ Le système par capitalisation
Il ne fait pas appel à la mutualisation pour stabiliser le système. Il relève de l’initiative personnelle seule, ce qui explique qu’il soit le favori de l’économie libérale.
Le principe est simple :
Durant sa période d’activité l’individu met en réserve une partie de ses revenus et se constitue ainsi un capital financier.
A son départ en retraite il transforme ce capital en une rente viagère illimitée qui lui assurera une pension sa vie durant.
Durant la première période, dite de contribution, la constitution progressive du capital ne présente aucune difficulté de principe, peu importe les modalités pratiques et financières, ce n’est qu’une opération d’épargne classique.
La problématique vient de la seconde période (dite ‘’de restitution’’). L’objectif étant de verser une pension aussi longtemps que le retraité sera en vie, il faut connaître sa durée de vie pour définir le montant de la pension correspondant à son capital.
Cette information n’est bien sûr pas connue à l’avance. Le retraité ne peut pas prendre le risque de définir seul sa pension et voir ce qu’il adviendra. Décès précoce et capital non utilisé en totalité ? ou à l’inverse capital épuisé alors qu’il reste de nombreuses années à vivre ? La solution ne peut pas être individuelle et il faut revenir à une solution collective, mutualiste et solidaire, comme pour la répartition. La retraite individuelle pure n’existe donc pas non plus avec le système par capitalisation. Seule la phase de constitution de l’épargne relève de la pensée libérale.
La solution utilisée est la statistique, traduite en probabilité. On regarde dans le passé ce qu’il s’est produit.
On considère par exemple un groupe de 1000 individus, tous nés la même année et partant en retraite au même moment alors qu’ils sont tous âgés de 60 ans. Plusieurs dizaines d’années plus tard lorsqu’ ils sont tous décédés, on regarde combien de mensualités de pension ont été versées.
Tous les retraités n’ayant pas vécu aussi longtemps, certains auront perçu un nombre de mensualités plus important que d’autres. Ce qui importe c’est le nombre total. Si par exemple on a compté 243 600 mensualités versées, on retiendra que les 1000 retraités ont touché en moyenne 243,6 mensualités (ou 20,3 annuités).
Ce sont ces informations qui sont ensuite retenues pour l’appliquer aux générations futures. Le capital de chacune des personnes qui partiront en retraite à 60 ans sera ainsi divisé par 243,6 pour calculer le montant qui pourra lui être versé chaque mois.
Les calculs réels sont plus compliqués car il faut tenir compte de beaucoup d’autres paramètres comme l’âge de départ, la réversion, les périodicités de versement, l’escompte financier, etc. mais cela ne modifie en rien le principe.
La clé de voûte du système par capitalisation n’est pas l’aspect capitalistique lui-même mais les tables de mortalité (ou survie) qui vont proposer une prédiction de la durée de service des pensions.
Il y a un côté très hasardeux dans cette pratique car rien ne garantit que le constat futur sera conforme aux statistiques relatives à des personnes parties en retraite un demi à un siècle plus tôt.
Toute modification touchant à la mortalité des individus sera lourde de conséquence, mais ces modifications sont rarement brutales et c’est le rôle des actuaires que de piloter le système sur le moyen et long terme.
L’aspect économique, pourtant toujours mis en avant, n’entre que pour le niveau d’épargne pendant la phase de constitution. Il ne suffit pas à prédire, et donc encore moins garantir un niveau de ressources contrairement à ce qu’affirment les vendeurs de ces produits.
A l’inverse du système par répartition, il n’est pas possible de verser des pensions à la création du régime de retraite puisqu’il faut attendre une phase de constitution longue. Au sortir d’une crise économique (inflation galopante, crack boursier, etc.) il n’est pas possible de compenser immédiatement les pertes et la retraite risque d’être inexistante, même s’il a été procédé à une épargne durant de nombreuses années.
III/ La mise en compétition
Les deux systèmes sont constamment mis en compétition pour des raisons plus psychologiques ou intéressées, que rationnelles.
Les organismes financiers qui recueillent et gèrent les fonds dans le système par capitalisation sont à l’origine de cette compétition ; c’est eux aussi qui pointent du doigt en permanence les difficultés que connaît le système par répartition comme expliqué plus haut.
Le système par répartition est fondé sur la solidarité. L’individualisme et l’égocentrisme qui se développe dans nos sociétés modernes, fait craindre une désaffection des systèmes s’appuyant sur la mutualisation. Pour fonctionner et survivre le régime par répartition doit être imposé afin de préserver au mieux les équilibres. Aucun actif cotisant ne doit pouvoir s’exonérer de sa contribution.
Les promoteurs des solutions par capitalisation, ne cessent de mettre en avant le caractère contraignant de cette obligation. Ils alimentent par ailleurs la peur de la faillite des régimes par répartition, faillite qui n’est conceptuellement pas possible (alors qu’elle l’est pour la capitalisation).
Ils jouent sur la psychologie sociale ambiante et prône l’individualisme.
Le secteur des retraites par répartition se sentant en danger, il a cru devoir réagir et entrer dans la compétition, utilisant souvent des arguments plus que contestables.
Pourquoi, les deux systèmes ne pourraient-ils pas créer une synergie, plutôt que s’exclure mutuellement ?
Les régimes par répartition sont essentiels pour garantir une retraite de base minimale à tous et les régimes par capitalisation permettraient à chacun d’améliorer et façonner soi-même sa propre retraite selon son besoin, ses capacités et/ou son envie.
IV / Evénement déterminant attendu et conséquences sur le devenir des retraites
Contrairement aux idées reçues la répartition s’appuie fondamentalement sur le niveau et la répartition de la richesse de la nation et donc son activité économique. La solidarité et la mutualisation permettent d’assurer la souplesse, la durabilité et l’équité du système. Les variations démographiques liées à la mortalité influent évidemment sur les tailles respectives des populations d’actifs potentiels et de retraités potentiels, mais elles ne sont pas déterminantes, comme le sont le niveau et la répartition des richesses.
Un effet sur les cotisations impacte directement les prestations. C’est donc l’ensemble des populations d’actifs et de retraités qui est concerné.
Les produits de retraite par capitalisation n’ont pas vocation à procurer des profits mais intervenant sur le long terme ils doivent être revalorisés pour maintenir le pouvoir d’achat de l’épargne puis des pensions. Ce sont les intérêts des placements qui jouent ce rôle dans une optique prudentielle.
L’espérance de vie est le pilier du système. Elle s’est accrue de façon non négligeable au cours des dernières décennies ce qui a déjà conduit à un tassement des performances des contrats de retraite par capitalisation. L’évolution a toutefois été suffisamment douce pour que les contrats aient le temps de s’adapter. Par ailleurs elle progressera d’autant moins qu’elle se rapprochera de la durée de vie maximale, estimée par des biologistes à la fin du siècle dernier, aux alentours de 120 à 130 ans.
Or les progrès gigantesques de la biologie dans la compréhension du fonctionnement des cellules viennent remettre en cause cette limite. La connaissance des mécanismes du vieillissement cellulaire, la maîtrise de techniques de manipulation de l’ADN et des cellules souches, et l’apport des nanotechnologies permettent déjà de réparer des cellules endommagées, dysfonctionnant, ou simplement vieillissantes.
La possibilité de réparer ou seulement maintenir à l’infini dans un état optimal des cellules qui normalement dégénèrent avec l’âge, va entraîner un allongement très important de la durée de vie humaine, dans des limites impossible à fixer aujourd’hui. 150 ans, 200 ans, 300 ans ou plus ? nul ne sait encore…et ce dans une forme physique et mentale comparable à celle d’un jeune adulte.
Quand, cela sera-t-il possible ? Là non plus personne ne peut le prédire mais cela pourrait être à court terme 30 ans, 50 ans, la fin du siècle ? Des espèces animales ont montré récemment cette aptitude à s’auto-régénérer naturellement, ce qui prouve que cela est biologiquement possible (Turritopsis Nutricula, rat taupe, planaire, etc). Des essais sont déjà en cours sur des humains pour tester les découvertes déjà réalisées.
Dès lors que l’espérance de vie aura explosé, il deviendra impossible de proposer des régimes de retraite par capitalisation, les tables de mortalité correspondantes n’existant pas.
Le système par répartition ne sera pas touché sur l’instant puisque cet allongement se mettra en place dans le temps sur du très long terme. Peu importe d’ailleurs l’espérance de vie dès lors que la seule question consiste à équilibrer les cotisations avec les prestations. Cet équilibre ne pourra plus être maintenue si l’âge de départ en retraite reste fixé à l’âge actuel.
Ce sont donc les paramètres du système qui devront être ajustés, mais il va sans dire que cette évolution de la durée de vie aura de profondes répercussions sur le fonctionnement de la société. Tant que les individus atteignant des âges canoniques seront en bonne santé pourront-ils prendre leur retraite ? Tant que l’on ne connait pas les limites de cette espérance de vie, il sera difficile, voire impossible, de fixer un âge de départ. La notion même de retraite doit certainement être revue et d’autres organisations sociales sont à imaginer notamment pour ajuster l’activité humaine à ses nouveaux besoins en qualité et en quantité, et répartir l’activité entre les acteurs potentiels.
Seul le système par répartition a la capacité d’opérer les ajustements nécessaires au fil de la transformation de la société.
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