Revisiter le concept de « classe moyenne »

A partir de la fin du 19è siècle, le terme de classe moyenne a été introduit empiriquement comme intermédiaire entre d'une part les classes ouvrières et paysannes et d'autre part la grande bourgeoisie et l'aristocratie, cela recouvrait en quelque sorte la petite et moyenne bourgeoise (commerçants, enseignants, avocats, cadres moyens....)
Désormais, l'approche "métrologique" amène à fixer des "tranches" sur la base de pourcentage de population. En fait, la pyramide des revenus est évasée en bas et étirée en haut, avec naturellement davantage de gens dans les classes populaires que dans les catégories plus aisées.
Le CREDOC évalue la classe moyenne à 50% (ref 1) voire 59% (ref4) et les classes modestes à 30%, ce qui est contradictoire avec la forme de la pyramide des revenus plus évasée à la base (un célibataire smicard serait alors dans la classe moyenne (sic)). Pour Maurin et Goux, de manière plus rationnelle les classes populaires représentent 50% de la population, les classes moyennes 30%, et la classe supérieure 20% (ref 2) (ref3). En France le "revenu médian" est relativement proche du salaire minimum conventionnel, on ne peut donc guère utiliser ce concept comme critère significatif comme le font les statisticiens.
Sur le fond, il faut donc en revenir à des critères de mode de vie et pouvoir d'achat, plus proche de la notion de "middle class" anglo-saxonne, et intégrant le concept "trop riche pour bénéficier de l'aide sociale et pas assez pauvre pour éviter l'impôt" (et pas assez riche pour bénéficier significativement des avantages sur le revenu du capital)
Quelle est la limite supérieure des classes populaires ? en terme de pouvoir d'achat on peut l'estimer 1,3 fois le SMIC net prime incluse (c'est la limite pour toucher la prime d'activité) :
Smic mensuel net decembre 2018 1188€+155€ prime activité = 1343€ +100 €/mois en 2019 = 1443€ (on ne compte pas ici d'autres allocations éventuelles). Donc début de la classe moyenne : 1,3*1443 = 1875 € euros net disponible pour un célibataire -c'est supérieur à ce qu'indique des études des années précédentes, les augmentations de net et la redistribution ont un impact sensible-
Où commence la richesse ? En 2007 François Hollande avait indiqué 4000 euros mensuels au doigt mouillé, précisant par la suite que c'est en revenu net disponible par unité de consommation après impot (ref 5). Cette valeur est au milieu de la tranche d'imposition à 30%, ce qui parait donc intuitivement pas trop haut situé dans l'échelle des revenus. Si on en revient à une référence au SMIC, cela correspond à peu près à 3 fois le SMIC+prime soit env 4330€, on peut retenir cette limite (correspondant à peu près à l'évolution en 11 ans depuis la déclaration de Hollande). Notons qu'un sondage en 2011 avait situé la limite intuitive de la richesse à 5000€, nous sommes donc ici plus bas que ce chiffre.
En résumé, on pourrait appeler "classes moyennes" les populations dont le revenu net disponible tout compris est situé entre 1,3 et 3 fois le fois le SMIC + prime d'activité, soit environ entre 1875 et 4330 euros, les classes populaires sous cette limite, et classes supérieures (riches) au dessus.
J'ai mis ici au pluriel "classes moyennes", car on peut prendre en considération une sous-classe moyenne-supérieure approximativement au delà de deux fois le SMIC+prime (voir notamment ref 6). Une grande partie de la classe moyenne-supérieure paie la taxe d'habitation et le taux de CSG maximal sur la retraite. (Certaines analyses placent la classe moyenne-supérieure encore plus haut en revenus, mais nous ne les suivrons pas sur ce point).
Cette approche est située sensiblement plus haut que les valeurs données par l'INSEE ou le CREDOC, qui "compriment vers le bas" les tranches, et ne prennent pas suffisamment en compte la redistribution -qui divise par deux les écarts- ni la réalité du cout de la vie pour définir l'aisance relative.
Les classes supérieures (riches) représentent alors un peu moins de 10% de la population -on pourrait du reste faire une catégorie "super riche" pour les 1% tout en haut, car on change alors d'échelle de valeurs, les revenus du capital constituant alors l'essentiel, alors que pour la tranche des 5% à 10% le travail constitue encore 90% des revenus (cf Ref 7)-
Cette proposition s'efforce de correspondre au ressenti et aux modes de vie.
Le "déclassement" et la "précarisation" dont il est souvent fait mention concerne en fait les catégories situées vers le haut des classes populaires, à qui la panne de l'ascenseur social ne permet pas d'accéder à la classe moyenne à laquelle elles aspirent (probable raison de leur prise en compte dans les mesures annoncées par Macron et le gouvernement).
Ref 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Classe_moyenne#D%C3%A9finitions
Ref 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Classe_moyenne#Typologie_et_d%C3%A9nombrement
Ref 3 http://www.seuil.com/ouvrage/les-nouvelles-classes-moyennes-eric-maurin/9782021071474
Ref 5 https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/riche-a-partir-d-un-revenu-net-de-203936
Ref7 http://piketty.pse.ens.fr/files/Piketty2001Introduction.pdf
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