Rythmes scolaires : les français sont-ils plus bêtes que leurs voisins ?
Vu la difficulté à revoir les emplois du temps de nos chères têtes blondes il est utile de rappeler quelques évidences occultées par les grands medias, plus par ignorance que par calcul. Les résultats des petits français sont parait-il inférieurs à ceux des allemands et des scandinaves ; certes, mais les conditions d'enseignement n'ont rien à voir.
3 heures de classe en Norvège, 4 heures en Allemagne, 6 heures quotidiennes en France (record en Europe avec la Grèce)... or c'est ce temps quotidien qui compte. On apprend bien que le matin, fraicheur intellectuelle oblige. La réforme Peillon, maladroite et imposée sans tenir compte des particularisme locaux, n'apportera rien de positif aux enfants (voir mes articles précédents). Il est utile d'expliquer qu'outre les habitudes culturelles et familiales de nos voisins, plus conservateurs en terme d'éducation (les femmes ne travaillent qu'à temps partiel quand elles travaillent dans les pays précedemment cités) l'histoire contemporaine et la géographie humaine jouent un rôle primordial.
Prenons la France et l'Allemagne. La première, restée à majorité rurale jusqu'à une prériode récente est marquée par l'émiettement de ses structures scolaires. Nombreuses sont les écoles à deux ou trois classes en milieu rural, il existe même encore des classes uniques (!), impensable chez nos voisins. Prenons le cas d'une commune de 6000 habitants d'Eure-et-Loir : Deux écoles de 8 à 10 classes menacées de fermeture suite à des baisses d'effectifs. Autour de cette commune, des villages dôtés d'écoles vétustes à faibles effectifs : souvent des classes à double ou triple niveaux, hétérogènes où les enfants sont aussi difficiles qu'ailleurs (cas sociaux, pauvreté culturelle des familles etc.). L'impossibilité de regrouper tout le monde en ville conduit à des abérations, la première étant d'impossibilté de monter les fameux temps périscolaires du décret Peillon : Où et comment recruter des animateurs pour trois heures d'activité en rase campagne ? Gâchis financier en prime, la mutualisation des structures serait plus efficace tant sur le plan financier que pédagogique...
Nos voisins allemands n'ont pas ces problèmes. Leur pays est très majoritairement de culture urbaine depuis la révolution industrielle ; tout le "scolaire" est regroupé dans les villes ; grosses structures dotées de conseils d'administration, parents présents et responsabilisés, enseignants mieux payés qu'en France mais recrutés sous contrats... le matin apprentissages fondamentaux, l'après-midi activités sportives et culturelles. Tout le monde se satisfait de ce système qui profite d'abord aux enfants. L'histoire chahutée des états allemands - du Kulturkampf de Bismarck à la RFA et la RDA à la politique de regroupement scolaire dans les villes du 3ème Reich (où étaient structurées les jeunesses hitlériennes) - associée à une culture restée puritaine ou catholique où la famille suit de près l'éducation de ses enfants, cela explique beaucoup de choses.
La vieille France aux habitudes rurales jusqu'aux années 70, son parisianisme exacerbé où tout vient de la capitale, son public scolaire plus rebelle lié à un égoisme encouragé par une mauvaise interprêtation des droits de l'homme conduisant au chacun pour soi, le rejet de la culture religieuse pourtant fondatrice de nos modèles familiaux, l'impossibilité de regrouper les écoles de milieu rural pour des raisons électoralistes : "il ne faut pas désertifier les campagnes !" et braquer les citoyens contre les autorités. Certains me répondront "convivialité" de ces structures(?) ; pour avoir enseigné quelques temps comme remplaçant de la remplaçante de la titulaire d'une classe à cours unique je vous rétorquerai que ce n'est pas le cas : isolement, manque de moyens pédagogiques, enfants en difficulté comme ailleurs... sans parler des usagers peu courtois, gauloiserie et absence de respect oblige. Il est aussi difficile de nos jours de pourvoir les postes en campagne que dans certaines ZEP... J'ajouterai qu'en France l'instituteur n'a pas le pouvoir de bloquer les allocations familiales comme en Allemagne.
Non, les français ne sont pas plus bêtes qu'ailleurs. Nous n'avons pas la même histoire ni les mêmes habitudes que nos voisins, voilâ tout. Demander à Monsieur et Madame Barratin de venir chercher leurs enfants à 15h00 pour alléger les journées de leur progéniture ? Impensable. Non que ces gens travaillent tous les deux, mais comment va-t-on occuper les gosses ? Et puis madame a ses courses à faire ou est occupée chez la coiffeuse... Je sais que tout le monde n'est pas ainsi heureusement, mais les gens de cette catégorie bloquent toute réforme qui ferait entrer l'école française dans la modernité.
Beaucoup d'enseignants scrutent les appels de poste à l'étranger, je ne suis pas le seul. Faute d'une véritable prise de conscience des blocages culturels, économiques et politiques qui paralysent l'école rien ne changera. Les syndicats d'enseignants au discours ambigu et conformiste, la FCPE qui défend l'école-garderie peu soucieuse de faire prendre leur responsabilité à certains parents, un ministre trop sûr de lui qui a loupé le coche...
L'académie de médecine aurait préconisé quatre heures de classe maximum jusqu'en CE1, cinq heures au-délà. On est bien loin du compte, d'autant que beaucoup de projets municipaux "peillon" ne réduisent pas les journées de l'enfant, au contraire. Mais l'académie de médecine est à Paris... loin des réalités de la France profonde. Allez ne désespérons pas, un jour il fera beau dans nos écoles...
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