Rythmes scolaires : revenir à l’école de 1950 ?
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C'était le bon vieux temps parait-il. Celui de l'école de la sélection et du dressage républicain. Dans la classe de papy ils étaient 40, le maitre était respecté et on allait à l'école cinq jours par semaine samedi inclus. Ils sont nombreux les internautes - âge moyen élevé des utilisateurs du net oblige - à regretter cette époque révolue, qui ne fut qu'idyllique que dans leur tête. En période de crise on a la nostalgie du passé, c'est humain... seulement il est utile de rappeler quelques réalités.
Les temps ont changé ; l'école d'autrefois n'avait que pour objectif d'apprendre des rudiments de lecture, d'écriture et de mathématiques à un public qui n'avait pas vocation à atteindre le lycée. Il y avait un examen d'entrée en sixième, une sélection terrible. Il faut se souvenir qu'à l'époque la grande masse des écoliers avait vocation à intégrer les usines à la majorité légale...
En classe la pédagogie était frontale et magistrale. Celui qui suivait était récompensé, l'élève en difficulté prié de se tenir à carreau sous peine de châtiment corporel accepté par la société patriarcale de l'école. Pas de RASED ou de psychologues avant 1968. Oh il y aura toujours un paquet de rigolos qui affirmeront que le niveau était meilleur qu'aujourd'hui : Faux. Aujourd'hui un enfant normalement constitué sait lire en fin de CP comme il y a 50 ans. Observez autour de vous les "seniors" : Sont-ils plus érudits que les jeunes ? Non. Beaucoup souffrent d'illétrisme, d'un manque de culture générale... surtout dans les milieux populaires où le brave ouvrier commençait à trimer dès quatorze ans faute de possibilités d'études.
Les temps ont heureusement bien changé. La massification de l'accès à l'enseignement secondaire a permis d'élever le niveau scolaire et culturel des jeunes, n'en déplaise aux beaufs de comptoir. L'objectif de 80% d'une génération au bac (1989) n'est pas encore atteint. Si l'objectif était utopique il faut aussi comprendre qu'il correspondait à l'évolution des mentalités : les jeunes boudent les métiers manuels déconsidérés et peu rémunérés (à voir me direz-vous sur ce point)... c'est le principe du collège unique : même bagage pour tous, fin des orientations précoces. On peut le regretter pour deux raisons : des élèves en difficulté depuis la maternelle s'épanouiraient mieux dans une formation manuelle et concrète, et il y a le problème de ces métiers traditionnels (bouchers, plombiers...) où les difficultés d'embauche sont réelles. Problème d'évolution des mentalités...
Le niveau des élèves n'est pas plus mauvais qu'il y a 25 ans : on parlait déjà de 20% d'élèves en difficulté de lecture à l'entrée en 6ème à l'époque. Là-aussi il est utile de rappeler qu'un enfant sait lire au plus tard en CE1 mécaniquement et qu'il s'agit de difficultés de compréhension : en clair beaucoup d'élèves ne comprennent pas ce qu'ils lisent, manque de culture littéraire oblige. La télévision, les consoles de jeu et le désintérêt des jeunes de milieux modestes pour la culture traditionnelle sont passés par là. A Aubervilliers (93) 40% des élèves sont en difficulté - inutile d'en commenter les raisons - contre 5% à Carnac (56).
Alors les rythmes scolaires dans tout cela ? Revenir à une conception de l'école ou la classe est un troupeau est heureusement impensable. Chaque enfant, aujourd'hui, est pris en considération : d'où les classes à effectifs limités (en général à 30 ; 25 en ZEP). Chez nos voisins allemands, hollandais et scandinaves c'est plutôt 20 par classe. Idem à New York parait-il (à confirmer). Prendre en considération la chronobiologie des enfants pourquoi pas ? Les enseignants confirmés savent qu'on apprend efficacement que le matin à l'école. Pourquoi ne pas adopter les rythmes italiens : 8h30-12h30 du lundi au samedi ? Mais les habitudes françaises sont autres (voir mes articles précédents).
Seul l'avenir compte. Les enfants sont l'avenir. On ne reviendra jamais 40 ans en arrière. Et les enfants d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier, leurs habitudes culturelles et leur rapport aux adultes ont changé. Les instituteurs ? La profession désormais féminisée à 90% a elle-aussi bien changé. Plus de logement de fonction, retraite passée de 55 à 60 et bientôt 62 ans, métier déconsidéré et peu rémunéré par rapport à nos voisins européens. Un turn-over très marqué, 40% des stagiaires qui renoncent à leur titularisation, beaucoup de démissions... l'école primaire n'attire plus les diplômés.
Alors l'avenir sera-t-il aux écoles à horaires décalés pour mieux garder plutôt qu'enseigner ? A des instits' étudiants recrutés en contrat court ? Aux enfants délaissés qui feront des consommateurs soumis une fois adultes ? L'école de 2050 fait aussi peur que celle de 1950 quand on y réfléchit.
Mais tout est une question de volonté collective. Payer des împôts pour financer une école de qualité à nos enfants n'est pas une charge mais un devoir. Plus tard ce sont eux qui créeront la richesse... Alors mobilisation générale. Je pense à tous les grincheux grabataires qui repassent mes articles pour se payer un intello... investissez-vous dans les temps péri-éducatifs et rejoignez des groupes de soutien scolaire. Râler est une chose, agir en est une autre... il n'y a pas que la feuille d'impôt dans la vie.
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