Sang neuf à gauche : faut-il une transfusion totale ?
Et maintenant, on fait quoi, à gauche ?
On
est mal, là. À gauche. Et je mets tout le monde dans le panier : du PS à
LO, des réformistes les plus timorés aux gauchistes les plus échevelés,
on est mal. Et ça fait quelque temps qu’on ne se porte pas très bien,
il faut l’admettre. Mais avec le double coup de shotgun électoral qu’on
vient de se prendre en pleine tête, là, on est tous, autant que nous
sommes, dans une situation très pénible...
Ce qui est dramatique, ce n’est pas seulement la victoire de la droite ; c’est spécifiquement la victoire de cette
droite, qui a laissé définitivement tomber les derniers oripeaux
gaullistes dont elle se parait encore de temps à autre, pour se tourner
radicalement vers l’atlantisme néolibéral le plus « décomplexé ».
Cette droite pour qui draguer sur les terres du FN ne pose plus
problème, et qui assume sa politique de classe à coup de cadeaux pour
les nantis et le patronat. Pour employer un concept qui ne date pas
tant que ça, elle a fait son grand bond en avant... qui va tous nous
propulser en arrière.
Mais au fond, ce qui est le plus atterrant,
c’est la victoire idéologique, qui est totale. Les ouvriers ont voté
Sarkozy. Les classes populaires et les chômeurs, ceux qu’on peut encore
et toujours qualifier d’exploités et d’opprimés ont voté pour celui qui
leur promet le fouet. Le divorce semble consommé entre la gauche dans
son ensemble et les prolos. C’est cela qui reste en travers de la gorge
: ce recul brutal, ce rejet des idées progressistes de partage et de
solidarité, au profit d’un individualisme de petit propriétaire, de
consommateur replié sur ses intérêts à effets immédiats, cette
installation dans une mentalité du « moi d’abord », qui est l’antithèse
exacte de ce que nous et nos anciens avons cherché à construire. Et
avec cette régression se développe une passivité politique qui s’en
remet complètement à la bourgeoisie pour mener la barque, tant les
esprits sont imprégnés de l’idée qu’on ne peut rien faire, qu’on ne
peut plus agir collectivement sur l’Histoire, et qu’il faut accepter
son impuissance...
Le bilan est accablant à tous points de vue.
Alors, comme disait l’autre, « Que faire » ?
Oh, ça, finalement, c’est simple.
Recommencer.
Oui, recommencer, encore. Et le chantier est d’autant plus gigantesque que nous repartons quasiment de zéro.
Recommencer
en s’installant d’abord dans une perspective de long terme. Comprendre
que reconstruire ne se fera qu’en se projetant dans un horizon de 10,
20, 30 ans peut-être, et accepter cette idée : il nous faudra une
génération, au moins, pour rebâtir la maison Gauche. Oui, je ne pense
pas que ce soit exagéré. Une génération.
Comment ?
En s’appuyant
sur les nouvelles générations militantes qui ont émergé ces dernières
années. Dans les mouvements altermondialistes, le Non au TCE, le CPE,
il y a une jeunesse, souvent prolétarisée, qui comprend de plus en plus
que son avenir est confisqué par des nantis qui ne la voient que comme
chair à canon du marché. Employables et corvéables à merci, rompus à la
précarité, aux MacJobs et aux agences d’intérim, ils n’ont connu qu’une
gauche de renoncement et de compromis. Ils existent, ils sont au lycée,
à la fac ou déjà dans la vie active, et sans doute que certains qui me
lisent en font partie. Et c’est ce sang neuf, cette génération qui ne
veut pas de l’avenir qu’on lui impose, qui descend dans la rue et
surtout qui veut autre chose que l’horizon soi-disant indépassable du libéralisme qu’on veut lui vendre, qui va recommencer.
Ce
sera aussi ceux qui viendront dans les prochaines années, dans les
manifs et dans les grèves qui ne manqueront pas face aux ignobles «
réformes » à venir.
Ce sera tous ceux qui refusent et refuseront de
vivre dans une société dominée par l’argent, ou tout sera « marchandise
», un monde de comptables et de boutiquiers, et qui sont suffisamment «
irréalistes » pour exiger non seulement que la vie soit autre chose
que la poursuite d’un faux bonheur de supermarché, pour affirmer que «
nos vies valent plus que vos profits », et en plus trouver des voies et
des solutions neuves pour vivre dans une société plus juste, plus
égalitaire, en un mot, réellement démocratique, au sens plein du terme.
Et
pour ça, lutter au quotidien. Tous les jours, partout, avec toujours en
tête l’objectif à atteindre, et une détermination sans faille, une
volonté de fer, et la conviction inébranlable que cette idée d’un autre chose est juste, et qu’elle mérite plus que toute autre qu’on se batte pour elle.
Oui, ça va être long. Oui, ça va être difficile. Et oui, c’est gigantesque.
Et c’est ce que nous devons faire.
Là, très clairement, ça dépend de nous. C’est entre nos mains.
C’est maintenant.
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