Sarkozy a pro-voqué une situation de guerre civile
Même si c’est une drôle de guerre, allusion à 1940, et que la bataille tourne à l’avantage du pouvoir, il faudra bien tirer les leçons de la fronde sociale en cet automne 2010. On a à cette occasion retrouvé quelques vieux réflexes de la France des années anciennes. Par exemple, les petits profits réalisés par les vendeurs de fuel et d’essence, jouant sur la pénurie pour vendre plus cher leur marchandise. Comme quoi, il n’y a pas que les méchants spéculateurs qui jouent sur la rareté. On ferait mieux d’interroger la nature humaine et sonder aussi l’Histoire. Pendant l’Occupation, combien de combinards ont réalisé des profits substantiels en trafiquant au marché noir ? Quand le chaos est présent, les réflexes intéressés s’expriment avec force contre la morale qui s’efface. En cet automne 2010, on retrouve quelques ressorts de 1995 mais à travers les images et les mots exprimés, on prend conscience que l’ambiance d’une guerre civile n’a jamais été aussi présente. Il faut remonter à mai 68 pour retrouver ce type de situation. Ou alors dans les années 1930, et même vers 1900, au moment de l’affaire Dreyfus. La France est un pays traversé par le spectre de la tension sociale. C’est sans doute le pays le plus hégélien au vu des oppositions qui font le ressort de son Histoire. Et c’est du reste la France qui a servi de modèle à Hegel pour bâtir ses thèses sur le développement dialectique de l’Histoire.
Sarkozy appartient certainement à cet esprit français autoritaire, source de conflit et d’opposition. Il est de la droite et nonobstant les différences de styles et de valeurs, son action traduit une offensive de la gouvernance contre le peuple. Un pouvoir autoritaire contre un peuple désobéissant. Carrément un classique français. Avec en certaines occasions des tensions et des explosions. Fin 19ème, le boulangisme, mouvement dirigé contre la Troisième République. Evidemment, rien de commun entre le boulangisme et l’idéologie de Sarkozy. Sauf qu’une tension perceptible anime ces deux époques. Les années 1900 seront marquées par le boulangisme. Les années 1930 par Maurras. 1936, Blum, la classe ouvrière contre les bourgeois. 1940. Pétain et l’ordre fasciste, revanche des petits bourgeois, classe sociale dont fut issue Mitterrand, admirateur de Maurras (à bon entendeur). Les situations de guerre civile reviennent tous les 30 ou 40 ans. 1898 et l’affaire Dreyfus, 1930 et la Collaboration qui suivit, 1968 et l’émancipation du peuple. Et qui sait, 2010 pour un nouvel épisode.
Sarkozy est-il venu en créateur de civilisation ou en provocateur ? Quelle est son idéologie si ce n’est rendre corvéable les travailleurs, malléables les citoyens, pour une grandeur perdue mais pour des profits bien réalisés par les plus aisés. Complètement à contre-courant d’Obama, notre président, qui se situe dans la ligne des Berlusconi et autres GW Bush. Sarkozy est venu en provocateur. Non sans arnaquer les travailleurs dans la marge, comme le fit Boulanger à son époque. Tout, que ce soit dans le style ou dans les actes, est marqué sous le sceau de la provocation dans l’attitude de Sarkozy. On serait agacé à moins. Les Français sont lassés et énervés. Tant d’agitation pour le fun médiatique et si peu de résultats. La France est bloquée et se radicalise. C’est une atteinte à la démocratie ont dit les Fillon et autres membres de la caste sarkozienne. La légalité, point barre, dit le gouvernement ! La réforme des retraites est légale c’est vrai mais elle est illégitime comme l’ont dit à juste raison les syndicalistes. Légale et démocratique, encore faut-il se lever tôt pour y croire. Légale du point de vue institutionnel, certes, puisque le Parlement a force de loi mais les médias ont la mémoire courte. Le président Sarkozy n’a jamais parlé de repousser les âges légaux de la retraite dans le programme qui l’a fait élire. La démocratie n’autorise pas qu’on fasse voter des textes si fondamentaux alors qu’ils n’ont pas été présentés pendant la campagne électorale. C’est donc une trahison que ressentent les Français. Le traité européen de Lisbonne n’est qu’un point de détail révélant l’essence sarkozienne. Il n’y avait pas urgence à voter un texte pour une Europe qui ne marchera pas avant un demi-siècle. Cet acte est une défiance à l’égard du peuple qui s’est exprimé dans les urnes en 2005.
La mastérisation des concours de l’enseignement est-elle démocratique ? Pas forcément car repousser à bac plus 5 les études favorise les enfants des classes aisées. Tout ça pour une revanche contre les pédagogues et leurs erreurs passées. Démocratiques (républicains) les discours stigmatisant l’immigration puis les Roms ? Démocratique, le fonctionnement d’un Parlement tel une caisse enregistreuse des réformes émanées de l’Elysée ? On peut interpréter nombre de mesures prises par le gouvernement de Sarkozy comme du pragmatisme, du bon sens, ou à l’inverse comme motivés par une sorte de revanche contre les aspirations du peuple envers un Etat providence garantissant un bien vivre pour tous et les mesures prises par les gouvernements aux maladresses républicaines. Quelque part, Sarkozy semble vouloir faire payer aux Français les erreurs passées remontant à une gauche lointaine, celle de Mitterrand, ou plus récente, celle de Jospin. Si ce sont ces ressorts qui animent notre président, alors autant conclure que ce n’est pas l’esprit de la République qui s’exprime. Sarkozy a mené une politique antisociale, malgré quelques miettes concédées aux plus démunis. En plus, il n’a conduite non pas à pas feutrés, comme sous son prédécesseur, mais en provocant, en gesticulant, en s’affichant de toute sa fierté conquérante. Sarkozy a provoqué le peuple, l’a humilié quelque part. Il est pour une part responsable de la « drôle de guerre civile » actuelle. A la crise économique s’ajoute un chaos social dont on ne voit pas quelle sera l’issue. Il y aura un perdant, il y aura une défaite. Celle du gouvernement ou celle du peuple. Et ça ne se terminera pas dans la sérénité car un peuple défait saura se refaire. Ou abdiquer. Ce sera alors la fin du peuple. Mais n’est-ce pas ce que cherchent au fond tous ces gouvernements du monde. Faire des peuples des instruments dociles de desseins auxquels il n’ont pas droit au chapitre ?
Les bourgeois ont renversé les nobles en 1789. En 2010, il se pourrait bien qu’une nouvelle révolution se dessine, celle des classes moyennes contre la bourgeoisie. Qui sera leur prophète ? Pour être honnête, on ne peut imputer à Nicolas Sarkozy la seule responsabilité de cette fronde sociale tendue. Le contexte économique a joué, la crise incitant le pouvoir à accélérer la réforme des retraites parce que les finances sont devenues atones. L’agitation du pays s’explique comme un abcès qui crève, une charpente qui craque parce qu’elle est usée et supporte trop de coups et de poids. La révolte d’octobre 2010 est le point d’aboutissement des erreurs politiques commises depuis bien des années. Créer, non mais pro-voquer oui, faire apparaître la voie. Sarkozy a indiqué la voie, autrement dit la rue, pour que le peuple donne de la voix !
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