Sarkozy - Le Pen : un étrange pas de deux
Depuis plusieurs jours, les deux candidats de la droite à l’élection présidentielle ont entamé une étrange danse, de défis et sourires en coin mélés. A quelques jours du premier tour, que veulent dire et que cachent ces déclarations surprenantes, ces prises de positions contrastées ? Assiste-t-on aux prémices d’une parade nuptiale ?
Reprenons les faits. Depuis les affrontements qui ont eu lieu gare du Nord à Paris, causant des centaines de milliers, ou des millions d’euros de dégâts pour une bête histoire de resquille, le climat de la campagne a changé. L’insécurité, les agressions, les violences refont surface dans les JT quotidiens. La campagne présidentielle a bien entendu rebondi sur ces sujets que nous savons porteurs pour la droite et l’extrême droite. 2002 est encore dans nos mémoires, dans ma mémoire.
Pourtant, alors que Jacques Chirac a toujours été d’une intransigeance totale vis-à-vis du Front national, le candidat de l’UMP semble cette fois ci beaucoup plus ouvert, voire enclin au dialogue.
Il n’a échappé à personne que le discours de Nicolas Sarkozy avait fait des emprunts majeurs à la rhétorique du Front. Et cela ne date pas d’hier. "Racaille", "Kärscher" sont des mots fréquemment employés dans les meetings du mouvement d’extrême droite, même si Le Pen est allé jouer le numéro du bon père de la nation outré à Argenteuil.
Les choses se sont accélérées récemment avec la sortie de Sarkozy sur le déterminisme génétique en matière de pédophilie et de suicide des jeunes. D’ailleurs, petit aparté, le suicide des "vieux" est-il dû, lui aussi, aux gènes ou est-ce tout autre chose ? Bref, là encore ce discours est familier à l’extrême droite, nettement plus surprenant à l’UMP. Dont certains membres doivent se sentir un peu mal à l’aise ...
En face, Le Pen mène une attaque "en règle" contre le candidat de l’UMP. Critiques, propos outrés, en apparence, le candidat du Front semble toujours porter sur la droite républicaine un regard empli de soupçons, flairant les possibles "trahisons" que l’UMP aurait en tête vis-à-vis de notre belle France.
Et puis, il y a cette sortie - réitérée - sur les origines hongroises de la famille de Sarkozy. Quelle horreur, comment peut-on dire cela du premier flic de France, pardon ex-premier... Si Le Pen avait voulu augmenter le capital de sympathie de son concurrent UMP, il aurait eu du mal à trouver plus efficace. D’ailleurs, que dit-il ? Qu’il ne voit aucun problème à discuter avec Sarkozy. Que ce dernier semble ouvert à l’échange de points de vue.
Récemment, Le Pen a même tenu un propos qui m’a stoppé net. Pour résumer, si des circonstances graves survenaient, il serait prêt à envisager une participation de Front national à un gouvernement d’union nationale.
Ah bon ? Continuons.
Brice Hortefeux, lieutenant de Sarkozy, annonce que l’UMP réfléchit à l’introduction d’une dose de proportionnelle dans l’élection législative, afin d’avoir le représentation des "petits partis", notamment du Front national.
Ah bon ?
Nicolas Sarkozy dément formellement qu’il envisage d’avoir des ministres Front national dans son gouvernement. Je suis sans doute un veau français, mais on ne dément jamais que ce qu’on a déjà en tête. Arlette a-t-elle besoin de démentir qu’elle est contre le système capitaliste ?
Tout cela mis bout à bout commence à m’inquiéter. Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen sont-ils en discussion pour une alliance UMP Front national ? Au gré des "circonstances exceptionnelles", aurait-on en tête de nous vendre un tel gouvernement entre le résultat des élections présidentielles et les élections législatives ? Entre autres, que se passerait-il si l’élection de Sarkozy était ponctuée par une nuit de violence dans les banlieues autour des grandes villes, dont Paris ?
Est-ce une hypothèse si délirante, vu les rapports difficiles qu’entretient le candidat de l’UMP avec cette partie du territoire de la République ?
Je ne peux m’empêcher de penser à la filiation de Nicolas Sarkozy en politique. Beaucoup le voient, ou l’ont vu, comme le fils rebelle de Chirac. On a aussi beaucoup glosé sur ses liens anciens avec Balladur. Pourtant, je subodore que ses racines politiques sont à trouver ailleurs. Dans une ville, Neuilly-sur-Seine, qu’il a conquis au nez et à la barbe d’un autre ministre balladurien. Personnage politique qui fut très longtemps le patron du département des Hauts-de-Seine, poste qu’occupe actuellement notre candidat cumulard. Il s’agit de Charles Pasqua.
Hors, souvenez-vous que notre bon Charles a longtemps été un militant convaincu, sinon d’une alliance, du moins d’un rapprochement net entre feu le RPR et le Front national, avant de quitter le mouvement gaulliste et fonder le RPF avec de Villiers, mouvement dont la proximité avec l’extrême droite lepeniste n’est plus à démontrer.
Maintenant, à nous de jouer. Interrogeons. Enquêtons. Interpellons. Si ce que je viens de vous exposer fait sens pour vous, creusez la question. Diffusez autour de vous. Parlez-en. Alertez.
Dans quelques jours il sera trop tard. La machine à allier le bleu et le brun, une fois lancée, sera difficile à stopper. Et si tel est le cas, réfléchissez à ce qu’un ministre Front national ferait de la liberté de ton qui existe sur les sites Web. Par exemple.
Manuel Atréide
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