Sarkozy, les assises et les agressions
Notre ministre de l’Intérieur a proposé jeudi soir à la télévision de renvoyer les agresseurs de « policiers, gendarmes et pompiers devant les assises ». Pourquoi ?
Parce que selon ce même ministre, les assises sont partiellement composées de citoyens, seuls capables à ses yeux de juger ce genre de délit. Ainsi ce dernier souhaite incorporer à son projet de loi sur la délinquance un nouveau type de crime qui serait l’agression d’un représentant de l’ordre public.
Plusieurs remarques s’imposent. La première concerne la guerre, acharnée et difficilement compréhensible en dehors du cadre de la démagogie, que Sarkozy mène contre les juges. Après les avoir accusés de démission, après les avoir soupçonnés d’être trop laxistes un jour et d’être trop durs le lendemain (ce qui montre à quel point l’erreur est humaine), M. Sarkozy ne les considère pas aptes à juger l’agresseur de policier. Par contre l’agresseur d’une vieille dame serait encore jugé par un magistrat professionnel. Quelle logique implacable ! A cette logique s’ajoute la dramatique démagogie dont Sarkozy fait son pain béni : les juges sont incompétents, vous en avez peur, eh bien, plus de soucis, dorénavant les citoyens jugeront vos actes. M. Sarkozy passe la majeure partie de son temps à tenter de nous faire peur en attaquant toutes les institutions. A partir de maintenant, c’est nous, les citoyens, qui ferons le boulot. En sommes-nous capables ? Non, pas plus que nous ne sommes capables d’être ministre de l’intérieur. Notre rôle, qu’on le veuille ou non, se limitera toujours à nommer ou à élire des hommes pour faire ce travail mieux que nous. Dire le contraire, c’est tuer le fonctionnement d’un système en attisant la colère et la peur du peuple.
Par ailleurs, pourquoi l’agression d’un policier serait-elle plus grave que celle d’un agent de sécurité, d’un gardien, d’un éducateur, d’un homme politique ou même d’un juge (qui peut souvent risquer gros quand il entreprend de dénicher les coupables de magouilles politiques) ? Je ne défends pas les agresseurs en disant ça, je défends l’égalité face au danger, que tout le monde, à sa manière, peut rencontrer.
Attardons-nous maintenant sur la qualification du crime. « Violences volontaires sur agent de la force publique commise avec arme et en bande organisée », voilà la définition de cette nouvelle infraction. Qu’est-ce qu’une arme ? Un bout de bois, un caillou, un pot de yaourt ? Imaginez trois jeunes, un peu stupides, qui voient de leur fenêtre un policier en contrebas. Imaginez-les jeter volontairement et bêtement un bout de bois sur la tête du policier qui s’en trouve blessé. Imaginez que ces trois jeunes soient passibles d’une cour d’assises. Ils risqueront quinze de prison, douze hommes dont trois magistrats et douze jurés s’occuperont de leur cas au cours d’une procédure très longue.
Nous en venons à un autre point, l’incapacité de M. Sarkozy, dans son tourbillon démagogique, à comprendre la complexité d’une telle réforme. Une cour d’assises est une cour où seuls sont jugés les faits plus graves, les crimes (meurtres, viols, tortures...). Un jugement en cour d’assises est, du fait de la gravité du crime, long et coûteux. Les procédures en assises peuvent durer jusqu’à cinq ans, elles peuvent revenir très cher puisqu’elles nécessitent un grand nombre de personnes.
Enfin, qui peut croire que cette réforme aura un effet dissuasif ? Qui croit encore aujourd’hui que la politique répressive de M. Sarkozy est efficace ? Un jeune de banlieue n’en a que faire que son acte soit sanctionné de dix ou de quinze ans d’emprisonnement, il se fiche de savoir que ce qu’il fait est un crime et non plus un délit. Tout ce que va créer la cour d’assises sera de permettre aux jeunes de passer plus de temps en liberté avant de comparaître en Justice ou de le faire moisir plus longtemps en prison avant son procès si une détention provisoire est décidée.
Peut-être que si les jeunes sont plus agressifs envers les policiers, c’est parce que M. le Ministre demande aux policiers d’être plus agressifs envers les jeunes. Et qu’ainsi ces derniers s’amusent autant que M. Sarkozy à jouer au jeu de l’escalade de la riposte. Ce n’est pas en déclarant la guerre qu’on aura la paix, et cela vaut autant pour Sarkozy que pour ces jeunes.
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