Sarkozy, les Shadoks, pomper plus pour pomper plus
Peut-on concevoir un système qui, à partir d’une seule impulsion initiale, continuerait à fonctionner indéfiniment ? Non répond la physique moderne. Oui, lui rétorque Nicolas Sarkozy, quarante ans après les Shadoks. Démonstration.
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Des années après que le lapin Duracell et les Shadoks, ces infatigables défricheurs d’absolu, aient éclairé pour des fous l’étroit chemin menant à l’improbable solution, Nicolas Sarkozy, s’appuyant sur les travaux de ses illustres prédécesseurs, est parvenu au terme de la quête du Graal de la physique : il a découvert le secret du mouvement perpétuel en politique.
A la base, le talent de Nicolas Sarkozy, consiste à se faire passer pour l’homme providentiel. Ca lui a valu une élection. Cet homme triomphe à se rendre indispensable. A l’instar du pompier pyromane, il excelle à créer mille désordres qu’il se propose aussitôt de résoudre, à allumer mille feux qu’il se précipite naturellement pour éteindre.
Son art, notre chercheur infatigable l’a rodé de longue
date, à l’époque où, minuscule ministre de l’Intérieur, il se faisait déjà la pogne,
à grand renfort de condés et de désopilantes métaphores sanitaires, au tréfonds
des banlieues contestataires et déshéritées (on se demande bien par qui).
Depuis, il a formé ses disciples, concoctant au fil des
années un assortiment assez joliment réussi d’hommes et femmes-sandwiches de
ses idées, dont émergent, il faut le reconnaître, certains croquignols
d’exception qui, par la portée considérable de leurs saillies, s’essayent invariablement
à tutoyer le génie du maître et, si possible, à le surpasser.
Bien que cet inventaire « à la pervers » n’ait pas la prétention de refléter la richesse du patrimoine spirituel ou comique de nos gouvernants (ambition dont le lecteur comprendra aisément qu’elle dépasse, et de loin, le propos de cet article, la capacité de synthèse de son auteur et le format d’une chronique Agoravoxienne), on peut songer aux Bernard Kouchner, Rachida Dati, Rama Yade, Christine Lagarde, Christine Boutin, Christine Albanel ou Henri Guaino... Et, plus largement, à ceux qui étant directement entrés en politique par le large portail du palais présidentiel et non par la fente étroite et incertaine des urnes, sont intégralement redevables de leur carrière au chef Shadok, singularité qui leur impose le déploiement d’une ingéniosité de fayotage opiniâtre et féroce pour se maintenir dans la fonction ministérielle et ne pas faire l’expérience du « Goulp », cette brutale nomination consulaire dans un outre-trou atlantique qui a déjà englouti un de leurs porte-parole. Respirez !
Mais cet art de Nicolas Sarkozy, fût-il servi par un volontarisme infernal et une énergie formidable, n’aurait pas suffi à l’élever au rang de génie s’il n’avait su l’associer étroitement à la technique du mouvement perpétuel, Graal incontesté des physiciens que seuls quelques Shadoks et leur pompe à cosmogol 999 avaient réussi à approcher dans les années 70.
En apparence, le principe de Nicolas est aussi simple que génial : plus il agit, plus il fait de dégâts et plus il fait de dégâts, plus se fait sentir l’impérieuse nécessité d’agir. Toutefois, il faut se méfier de ces apparentes simplicités qui recèlent invariablement des mécaniques beaucoup plus complexes à mettre en œuvre qu’il n’y paraît au commun des mortels. Faire fonctionner correctement la pompe à problèmes impose le respect de deux règles-clés.
Première règle : la centralisation absolue des décisions. En effet, selon le postulat formulé par Albert Einstein « On ne peut résoudre un problème avec le même type de pensée qui a créé le problème ». Il est donc impératif, pour entretenir un régime permanent de difficultés, de confier la résolution des problèmes très exactement à ceux qui les ont imaginés et créés. Nicolas Sarkozy l’a bien compris qui préfère éviter la confrontation parlementaire ou (quelle horreur) référendaire, pour s’en remettre exclusivement à lui-même, voire à une garde très rapprochée de conseillers ou, éventuellement, mais c’est plus rare, à un cercle restreint de ministres carpettes évoqués plus haut et sur lesquels il peut copieusement s’essuyer.
Ainsi, la pompe élyséenne s’auto-alimente-t-elle des réactions
suscitées par les désordres qu’elle engendre pour compenser, en permanence,
l’énergie dépensée à entretenir un flot ininterrompu de nouvelles solutions
inappropriées. Bref, à chaque solution,
son problème et ainsi de suite...
Le paquet fiscal ayant mis les finances de l’Etat à sec, ce
dernier ne peut plus améliorer le pouvoir d’achat des Français, augmenter les
minima, les retraites. Alors la consommation chute et les recettes fiscales de
l’Etat diminuent et le déficit se creuse. Pour endiguer le déficit, l’Etat crée
de nouvelles taxes (sept depuis le début du quinquennat) qui mettent le Français
un peu plus à sec et la consommation rechute et les recettes de l’Etat
rediminuent. Il compense alors les moins-values fiscales par des coupes dans
le budget au risque de plonger l’économie française dans la récession et de
laminer encore un peu plus le pouvoir d’achat et la consommation, etc. J’arrête
là parce que c’est pénible et que je n’arrive même pas à me comprendre quand je
relis (selon la logique Shadok, ça signifie que ça doit être intelligent).
En matière d’économie, Nicolas Sarkozy propose une synthèse raffinée
de deux postulat Shadoks selon lesquels « Ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir...
En d’autres termes... Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche »
et « Quand on ne sait pas où on va,
il faut y aller... Et le plus vite possible ! ». Il n’y a qu’à
constater le nombre ébouriffant de projets de réformes bâclées et de lois approximatives
qui déferlent, en ce moment, sur le Parlement comme une nuée de CRS sur un
parcours de flamme olympique.
Et, en matière de fiscalité et réduction des déficits publics, il est l’inventeur du
vase communicant sans eau, ingénieuse robinetterie qui, si elle fait
moyennement sourire nos partenaires européens, peut assurément lui valoir le
premier prix au concours Lépine (du pied).
Seconde règle : ne pas hésiter à dire une chose et son
contraire. L’incohérence systématique et la contradiction en boucle procurent
en effet un combustible quasi inépuisable pour alimenter le foyer du mouvement
perpétuel. De nouveau, cela peut paraître simple. Encore faut-il y mettre la
manière. Sur le fond, peu importe que vous ayez tort ou raison. Seule la forme
compte.
Il faut absolument éviter le véhément, le surabondamment
notifié, mode trop souvent adopté par Rachida Dati ou Rama Yade, sous forme de démentis
cinglants et virulents. Exemple : les fameuses « conditions » supposées par la France à la
participation de Nicolas Ier lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin.
Position dont, entre parenthèse, l’humanité entière, à
commencer par les Chinois qui en forment un bon cinquième, se fout comme de
connaître le bruit et l’odeur du string d’un moine tibétain après huit jours de
poursuite intense par les troupes gouvernementales chinoises à travers
l’Himalaya.
Quelle grossière pirouette Rama ! Il valait mieux vous
appuyer sur cette autre devise Shadok « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ».
Ainsi, vous auriez gagné à utiliser le mode « embrouillamini » privilégié
par votre patron de président qui sait si bien nous expliquer (accrochez-vous) qu’il
fait ce qu’il a dit qu’il fera et son contraire... aussi... qu’il a pas dit, parce
que les Français (nous ?) lui en tiendraient rigueur s’il ne le faisait
pas.
Accepter l’entrée de la Turquie dans l’UE, renforcer la
présence de la France en Afghanistan, décréter un plan de rigueur, supprimer la
carte famille nombreuse, la rétablir. J’en passe des non remboursées par la Sécu et des meilleures. Une chose et son contraire... Faire, défaire mais agir, toujours.
C’est que, de nos jours, l’incohérence est à l’homme
politique ce que le carbone est à la plante. Et croyez-moi, ça pousse
dru ! Prenez sa sinuosité Nicolas en chef et le dossier chinois. A Pékin, quand
on l’entend, en avril, chipoter sur sa participation à la cérémonie d’ouverture
des Jeux, claquer un abscons « je ne ferme la porte à aucune éventualité », puis la chenille qui redémarre et la
clique de ses ministres qui s’emmêlent les baguettes derrière en durcissant le
ton avant d’être contredits, on se demande où est passé l’honorable VRP
qui, lors de sa visite officielle en novembre, réaffirmait qu’il n’y avait pour
Paris qu’une seule Chine, et que l’île de Taiwan en faisait partie.
Il ne faut
pas s’étonner si, même en leur déterrant notre armée pour mettre la flamme
olympique sous cloche si peu tibétaine, même en transformant Paris en cité
interdite, le président Hu Jintao se montre à présent aussi peu jovial à l’idée
d’honorer les 20 milliards de contrats qu’à entamer une partie de mah-jong avec
un yack népalais.
A défaut, vous auriez pu, Rama, tout aussi bien prendre
exemple sur Bernard Kouchner, spécialiste incontesté en matière de volte-face et
quadruple boucle piquée. Nicolas Sarkozy avait déclaré sur France 2 le 26 avril
2007 qu’il « retirerait nos troupes
d’Afghanistan s’il était élu ». Kouchner 2.0 justifie aujourd’hui l’envoi
de 700 soldats français supplémentaires en expliquant que « c’est la seule façon que nous aurons,
légitime, de nous en aller de cette guerre »... Bignolles ! Le
professeur Shadoko n’aurait pas trouvé mieux. A côté de tels sommets, l’Everest
passe pour une termitière.
Partir c’est... revenir un peu, aurait pu écrire un autre
Bernard : (je précise que la réponse Laporte,
en un mot comme en deux, est un contresens). Seulement Kouchner sait y mettre la
manière quand il se lance dans une de ces bouleversifiantes et interplanétaires
envolées dont il a le secret. A côté de sa mine déconfite, la détresse absolue
d’un All Black devenu subitement amnésique au moment du Haka, passerait pour de
la joie intense. Au final, on hésiterait presque à le plaindre sincèrement.
Quant à nous simples citoyens, les données sont simples « À droite du ciel, il y a la planète Sharkodok... Elle n’a pas de forme spéciale, ou plutôt elle change de forme tout le temps. À gauche du ciel, il y a la planète Royal Gibi, mais on ne la voit presque plus. Au centre du ciel, il y a la planète orange qui penche, soit d’un côté, soit de l’autre ». Alors fuir, je veux bien... mais de quel côté ? En moins d’une année, on nous a englués en perplexité, on nous a chamboulé les tangentes !
Hélas, mes amis, j’ai bien peur qu’il faille nous résigner à adopter la sage devise Shadok « pomper pour vivre et donc vivre pour pomper ». Et mieux encore si on en croit notre président... pomper plus pour pomper plus !
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