Sarkozy : une présidence qui rappelle certains pays africains
La politique de communication de la présidence Sarkozy rappelle celle des dictatures africaines des années 1970 et 1980, assises sur la personnification des chefs d’État en qui les peuples africains croyaient. Et pourtant...
Avec le développement des communications et le prix désormais très accessible des appareils importés de Dubai ou de Chine, les ménages africains, en l’occurrence ceux du Congo, Burundi, Rwanda, etc., sont branchés sur les principales chaînes satellitaires françaises, malgré leurs maigres revenus. Il suffit de parcourir les zones populaires de ces pays pour voir, sur les toits, ces innombrables paraboles capables de capter plus de 2 000 chaînes internationales, dont TF1, France2, TV5...
Les élections françaises furent très suivies, compte tenu de l’histoire entre ces pays et la France. Cette dernière représentait pour eux, un secours et un protecteur. Le spectre du génocide du Rwanda, la guerre en République démocratique du Congo, les troubles politiques au Burundi, faisaient croire à ces peuples que la main américaine, à travers ses alliés rwandais, ougandais, œuvrait derrière ces événements.
Une stabilité relative actuelle dans cette région et le processus démocratique n’ont rien enlevé de la suspicion de ces populations à l’égard des Américains et de leur penchant pour les Français. La langue française contribue aussi à cette proximité entre la France et ces pays.
Bien que la candidate socialiste fut de loin la préférée de ces populations, la réalité est devenue tout autre depuis l’intronisation de monsieur Sarkozy à la présidence de la République française. Le personnage fascine les Africains et rappelle les années de gloire des feus présidents tels Mobutu au Zaïre, Eyadema au Togo, Micombero au Burundi, Habyarimana au Rwanda et autres dictateurs toujours en vie comme Bongo au Gabon, Paul Biya au Cameroun, Sassou Ngueeso au Congo, Kagame au Rwanda, devenus, dès lors, démocrates.
Il est curieux que tout le monde dans la région connaisse Sarkozy après seulement trois mois d’exercice de sa présidence. Jacques Chirac, malgré ses douze années au pouvoir, ne fut connu par toutes ces populations, qu’au moment de la guerre en Irak. Sarkozy n’a pas attendu toutes ces années pour se faire connaître, tant sa présence est remarquée sur les principales chaînes françaises.
Si la politique n’intéresse pas beaucoup de monde en Afrique (en particulier les jeunes de cette région) - d’autres événements, dans des domaines plus inattendus, le sport par exemple (le Tour de France, le football, le jogging...), donnent aux télespectateurs la possibilité de voir le président français.
Alors que, au moment de son accès au pouvoir, bon nombre de personnes ne l’auraient pas reconnu en le croisant pendant son jogging matinal.
D’ailleurs, certains habitants d’un quartier de Bujumbura ont fait un pari d’un montant de 100 dollars sur la question de savoir si la personne vue en train de courir sous les arbres et au petit matin était bel et bien le président de la Républque française. Il a fallu une journée pour que l’on confirme que c’était effectivement le président Sarkozy. Les gens n’y avaient pas cru parce qu’ils pensaient que ce type d’exercice était seulement pratiqué par les présidents américains.
Pendant ce Tour de France 2007, la présence de Sarkozy sur le capot d’une voiture a laissé les gens incrédules, perplexes et dubitatifs.
Ses gestes, ses mimiques, son télephone portable toujours à l’oreille font que les gens le remarquent et le reconnaissent. La libération des prisonniers bulgares en Libye a encore propulsé ce président tonitruant sous le regard des habitants de la région. Radio France Internationlale (RFI), la BBC Afrique, les médias les plus écoutés en Afrique centrale, ne font que parler de cette histoire de prisonniers libérés grâce à Sarkozy. Ces radios, captées dans toutes les maisons, matin, midi et soir ne font qu’accroître la renommée de ce président omniprésent.
Les Congolais par exemple, font souvent le parallèle entre le pouvoir de Sarkozy et celui de feu Mobutu, tout aussi omniprésent et dont les moindres déplacements, moindres discours, étaient rapportés quotidiennement dans les journaux. Au début de chaque journal télevisé, il apparaissait sur le petit écran de la télévison zaïroise. Mobutu était considéré par la majorité de la population comme la personne la plus apte et capable de tenir et conduire ce Congo, ex-Zaïre ; sa personne et son image étaient présentes chez tous les Congolais ; il était parvenu à conquérir le subconscient de la majorité de la population ; personne ne pouvait imaginer que Mobutu pouvait être chassé du pouvoir par un petit pays comme le Rwanda ; il était considéré comme un dieu vivant, ou un sauveur venu sur terre. Il pouvait tout et avait tout ce qu’il voulait : les solides opposants de cette période furent récuperés et promus dans le gouvernement, avant d’être salis et rejetés par la suite.
Ce qui se passe en France avec le débauchage des grands ténors du Parti socialiste français, rappelle aux Africains les méthodes des dirigeants africains : récupérer les opposants de taille pour bien régner et asseoir son pouvoir pour longtemps. Les présidents africains avaient l’habitude de dire qu’ils étaient au-dessus de la mêlée, c’est-à-dire au-dessus des partis, motivés par les intérêts partisans plutôt que les intérêts nationaux. Une démarche connue de bien des dirigeants africains pour pérenniser leur pouvoir.
Les dirigeants africains faisaient comprendre que tous devaient s’unir derrière un seul homme, un seul programme pour le bien-être de tous. Une politique de mise par la présidence française actuelle, rappelant les années sombres de l’Afrique centrale où les ambitions personnelles et la recherche de la gloire primaient sur tout.
C’est pour cette raison que même les intellectuels de renom n’ont pas survécu à la sirène et aux appels de ces régimes corrompus, qui ne faisaient que les discréditer et confondre avec les systèmes en place. On se rappelle les éminents professeurs d’université, souillés par les dirigeants africains pour avoir accepté d’intégrer le pouvoir.
En Afrique les gens n’arrivent pas à réaliser que les médias devenus les relais des pouvoirs en place n’avaient fait que renforcer et fait perdurer beaucoup de régimes. L’omniprésence de ces dirigeants africains font croire aux gens qu’ils sont les seuls capables de concrétiser leurs rêves et relever le défi du développement. Or, ce n’est pas toujours le cas parce qu’il s’avère que ces méthodes de séduction et de communication ne servaient que ces hommes avides de pouvoir et de leur marque sur les affaires du monde.
Et les Africains l’ont payé cher. Le résultat est là. Ces présidents n’ont laissé que des guerres et des situations sociales catastrophiques. Ceux qui sont en vie aujourd’hui ne tiennent qu’avec le soutien des Occidentaux et leur longévité ne relève que de la volonté des grandes puissances et non de celle de leurs peuples.
La France ne bascule-elle pas dans cette même réalité avec le pouvoir de Sarkozy ? Non, bien sûr et comparaison n’est pas raison. D’ailleurs, les institutions françaises n’ont rien de comparable avec celles d’Afrique noire. C’est d’abord une des grandes démocraties du monde occidental où l’indépendance des médias et de la justice est scrupuleusement respectée et où l’alternance politique est un dogme respecté par tous. Mais ces médias ne font-ils pas le jeu du pouvoir en place ou ne sont-ils pas en train de façonner un personnage à l’image d’un roi ?
Pour le président français, tous les moyens sont bons pour asseoir sa popularité, sa renommée. Et personne ne fait le poids vis-à-vis de Sarkozy ; la facilité avec laquelle il puise dans les rangs des socialistes fait croire aux Français qu’il est vraiment fort et capable de relever le défi et, pourtant, ce n’est pas vrai.
Les personnalités politiques ont toujours cette tendance à faire croire aux gens qu’ils sont plus à même de relever le défi que leurs prédécesseurs...
À force de parler, à force d’apparaître dans la vie de tous les jours, on fait croire aux gens qu’on est la personnes capable de relever le défi. On croirait, en France que l’ex-président Jacques Chirac ne valait rien et que c’est Sarkozy qui aurait dû être à sa place depuis longtemps.
Tous ces tapages sur le changement, le style, ne sont que le résultat des méthodes de communication de Sarkozy ; puisque la pratique du jogging se faisait avant lui, les réformes aussi ont existé avant lui...
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