Savoir abandonner les grands projets inutiles, un défi à gauche !
Projet du siècle passé, le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes pourrait bien devenir un de ces conflit emblématiques qui polarise l'espace politique et marque une génération.
En juillet dernier, nous prenions le pari que « nul ne pourrait plus ignorer » à l'avenir ce projet d'aéroport, et qu'il pourrait devenir un « conflit politique national ». L'actuelle grève de la faim menée par plusieurs opposants donne une nouvelle dimension au conflit. Plus grave. Plus poignante. Qui ne peut laisser personne indifférent. Initiée par des paysans dont les terres sont directement concernées par ce projet aberrant, et alors que les ordonnances d'expropriations continuent d'arriver dans les boîtes aux lettres, cette grève de la faim témoigne de leur détermination. Exigeant l’arrêt immédiat des procédures d’expropriation en cours et à venir et le ré-examen de la Déclaration d’Utilité Publique, ils sont prêts à mettre dans la balance leur santé – et sur le terrain à opposer leurs corps aux descentes policières – car, comme ils disent, ils ne « lâcheront rien ».
Ce conflit pourrait bien devenir un marqueur politique emblématique car cette détermination citoyenne se heurte à l'intransigeance des promoteurs du projet et aux petits arrangements entre amis. Ce projet d'aéroport est porté et supporté main dans la main par des collectivités locales dirigées par le PS – Jean-Marc Ayrault (Nantes) et Jacques Auxiette (Région Pays de la Loire) en tête – et par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. « L'ayrault-port » est celui d'un homme qui veut laisser sa trace dans l'histoire, pathologie politique bien connue puisant sa source dans un imaginaire dépassé. Un imaginaire faisant de l'édification d'infrastructures gigantesques (ir)réfléchies la base du (mal)développement économique et de la grandeur du mâle politique.
Imaginé il y a plus de 40 ans, ce projet du passé est donc dépassé. Il est inutile puisque Nantes possède déjà un aéroport international non saturé. Rétrograde et à contre-courant du progrès puisqu'il parie sur la croissance du transport aérien et le développement des vols Low Cost aux pratiques sociales désastreuses alors que la France et l'Europe devraient diminuer leurs émissions de 95 % d'ici 2050. Glouton de milliers d'hectares de terres arables et de centaines de millions d'euros publics, ce projet d'aéroport n'a vraiment rien pour lui.
Ce n'est pas le seul. Partout sur la planète, des infrastructures et autres méga-projets industriels, tels que des autoroutes, aéroports, incinérateurs, centrales électriques fossiles, infrastructures ferroviaires démesurées, pipelines, méga-barrages, grands stades, sont imposés et construits pour satisfaire les intérêts de quelques-uns au détriment des véritables besoins de la majorité d'entre nous. Grandes banques, multinationales et quelques hommes politiques tirent profit de milliards d'euros gaspillés au détriment d’investissements utiles pour la population, tout en sacrifiant l'environnement et l'avenir des territoires et populations concernées.
Devant la prolifération de ces grands projets d’infrastructures en Europe, le mouvement italien No Tav, s'opposant de façon virulente au projet de LGV entre Lyon et Turin, a organisé en août 2011 le premier forum contre les Grands Projets Inutiles. La deuxième édition de ce forum se tiendra du 7 au 11 juillet 2012 sur les terres de Notre-Dame des Landes. Selon l'invitation largement diffusée en Europe, ces « grands projets inutiles et imposés » sont perçus comme « dévastant les écosystèmes et les terres agricoles, détruisant les modes de vie et les solidarités existantes, engloutissant les fonds publics au détriment de leurs besoins essentiels ». L'objectif est clair : « identifier, recenser, combattre ces grands projet inutiles [et] avancer sur le chemin de de la transition sociale, écologique et démocratique ».
Et c'est bien là que le bât blesse et la raison pour laquelle ce projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes divise la gauche et va devenir un marqueur politique. Pour François Hollande, qui ne pouvait imaginer que « l'alternance puisse risquer de ne pas se faire à cause d'un aéroport », la cause écologique est entendue. « Sans croissance, pas de perspective écologique, parce que c'est la condition, l'écologie, pour avoir davantage de croissance ». Le commissaire à l'environnement de l'Union Européenne a été encore plus clair : « Nous devons passer d'une situation où l'environnement était protégé du business au fait d'utiliser le business pour protéger l'environnement ». L'écologie, la nature, les ressources naturelles sont perçues comme des « leviers de croissance », des opportunités économiques et financières et ne doivent donc pas bloquer des projets d'infrastructure tels que l'aéroport de Notre-Dame des Landes. S'appuyant sur une idéologie productiviste et croissantiste incapable de penser le caractère fini de la planète, une telle approche se satisfait d'un peu de label vert ou Haute Qualité Environnementale (HQE), d'ailleurs promis pour cet aéroport de Notre-Dame des Landes, pour verdir un capitalisme néolibéral et prédateur auquel on préfère ne pas s'attaquer.
Face à ces logiques qui veulent faire de la nature un capital à gérer de manière efficace et profitable, il y a besoin d'engagements et d'actes fermes et sans faux-fuyant. Car obtenir l'abandon de ce projet d'aéroport changera la donne et ouvrira une brèche pour s'engager vers d'autres modes de production, de consommation, de transport. Dans cette optique, il faut débusquer les menteurs et les falsificateurs. Jean-Marc Ayrault, maire de la ville qui sera « capitale verte de l'Europe 2013 » et Jacques Auxiette qui va mener une délégation de 18 personnes de la région Pays de la Loire au sommet de RIO + 20 sont deux exemples emblématiques ! Il y en a d'autres. Nombre d'entre eux se sont d'ailleurs donnés rendez-vous lors de cette conférence officielle des Nations-Unies, dite Rio+20, qui entend promouvoir « l'économie verte », leur « économie verte », faite de marchandisation et de financiarisation de la nature et renonçant à placer les choix politiques, la justice sociale et la durabilité au-dessus des logiques économiques. A nous de construire l'alternative. Sans eux ?
Maxime Combes, membre de l'Aitec et d'Attac France, engagé dans le cadre du projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org).
Pour aller plus loin :
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Le site des grévistes de la faim ;
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La pétition pour soutenir les grévistes de la faim :
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Le site du Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés
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Des informations sur Rio+20
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Document 4 pages d'Attac France sur Rio+20.
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Livre Attac : La nature n'a pas de prix, les méprises de l'économie verte, à paraître courant mai, éd. Les Liens qui libèrent.
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