Sens sûr et Internet ?
Ça y est ! Les chiffres sont tombés : la France est première !
Première dans les pays demandant à Twitter de supprimer des messages.
Au second semestre 2013, sur 353 demandes de suppression, 306 provenaient de la France (source : Transparency report, Twitter).
La « régulation »
Assurément, cette nouvelle doit en réjouir certains. Pas les plus nombreux, mais les plus influents.
Il y a plusieurs façons d’interpréter ces résultats : soit les Français sont ceux qui publient le plus de messages à caractère censurable, soit les autorités utilisent leur pouvoir avec beaucoup de zèle.
Les Français sont taquins. L'auteur à l'origine de #UnBonJuif en est un excellent exemple. C'est qu'il a dû bien rire à voir tous les bien-pensants se précipiter sur le sujet ! Ces derniers n'ont d'ailleurs pas manqué de commencer leurs propos en annonçant la couleur par une formule de circonstance "je condamne, bien entendu…".
C'en est suivi un débat sur la censure ou non d'Internet.
Il est à noter que, dans nos contrées bien éduquées, le terme « censure » agressant nos chastes oreilles, nous préférons le terme "régulation" ou « Internet civilisé », tout comme nous préférerions probablement le « raminagrobis » au « chat ». Mais à y regarder de plus près, en d'autres lieux, si cette situation s'était produite en Chine, nous parlerions bien de « censure ».
Et aux censeurs de nous expliquer que tout ne peut pas être dit. Même Internet doit être soumis à des lois dont ils seraient les garants moraux.
Parmi ces garants, nous avons des politiciens et des journalistes, essentiellement.
C'est-à-dire des catégories de personnes qui profitaient - jusqu'à présent - directement de la liberté d'expression.
Un changement de société
Entendons-nous bien ! Jusqu'à l'invention du Web, la liberté d'expression n'était qu'un principe non appliqué car non applicable.
Mis à part les politiciens, les journalistes et quelques autres rares personnes qui avaient un accès direct aux médias locaux et nationaux, le péquin moyen devait se contenter en tout et pour tout du comptoir du bar du coin et de la rubrique des lecteurs. Et c'est tout ! La circulation de l'information se faisait du haut vers le bas, tel Moïse apportant les dix commandements à ses compatriotes.
Et voilà que le Web vient tout bouleverser ! Monsieur Tout-le-monde peut diffuser ses idées avec autant de talent et de succès que les « officiels ». La liberté d'expression peut enfin être appliquée à la lettre, tout le monde peut y aller de sa contribution, de façon horizontale -et non plus verticale.
Et monsieur Tout-le-monde étant frondeur, irrévérencieux et facétieux, ses contributions ne sont pas au goût de tout le monde.
Un problème de pouvoir
Ce qui gêne le plus les officiels n'est pas tant le contenu du message en lui-même, mais simplement le messager, cet inconnu qui s'invite à une table à laquelle il avait été exclu jusqu'à présent. Et les officiels, se rendant bien compte qu'ils perdent du terrain et du pouvoir, cherchent par tous les moyens à le conserver en s’arrogeant le droit de décider ce qui peut être publié ou pas, qui a le droit de publier ou pas.
À ceux-là s'opposent les défenseurs des libertés individuelles, dont la liberté d'expression. Et ils ont bien du mal à se faire entendre. Non pas qu'ils ne crient pas assez fort, mais simplement qu'il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et pour cause ! Puisque le problème n'est, en fin de compte, que le pouvoir, non la liberté.
Après avoir condamné, eux aussi, les messages à caractère censurable, les défenseurs s'agitent et défendent un Internet non bridé et non censuré, les lois actuelles suffisant déjà largement.
Ils n'ont pas tort et, je dirais même plus, ils ont plutôt raison. Mais les lois sont relatives. Ce qui est interdit ici, est autorisé ailleurs. Les USA sont connus pour leur liberté d'expression très large, tout comme la Chine est réputée pour le contraire. À l'époque de l'Internet et du Cloud, pouvons-nous seulement imaginer que les lois locales existent encore ?
Alors les censeurs veulent censurer. Après tout, « la Chine y arrive bien » ! Et s'ils y arrivent, c'est juste grâce (ou à cause de) à une particularité, relative elle aussi, qui a voulu que, momentanément, le fonctionnement d'Internet soit perturbé par l'usage de nœuds centraux le transformant en bon vieux minitel alors que le réseau des réseaux, le vrai, fonctionne de manière a-centrée, capable de résister aux tentatives de sabotage (et donc de censure).
Ok, admettons. Nous censurons Internet. Et puis ? Que passera-t-il ? La même chose qui s'est passé avec la HADOPI ou PRISM. Les citoyens apprendront à contourner la censure, Internet en « devenant » plus décentralisée, plus anonyme. Et même si nous éteignions Internet, la technologie actuelle permettrait d'un reconstruire un facilement. Songez qu'avec 50 euros seulement, j'ai construit un bout de réseau qui relie 10000 personnes de ma commune. Et que pour 50 de plus, je pourrais en arroser 15000 de plus. Sans compter mes voisins qui pourraient avoir la même idée.
Mais devant la croissance apportée par Internet, l'éteindre - à compter que ce soit possible, mais il n'existe pas encore de bouton on/off - serait une catastrophe économique, surtout dans une période où l’État cherche désespérément à trouver des sous en vidant les portefeuilles de ses administrés et en ratissant les fonds de tiroirs.
Même pas cap'
Vous voulez censurer. Chiche ! Ne vous gênez pas ! Et dans deux semaines, un autre service existera, un service qui ne pourra pas être censuré. Il sera donc encore plus difficile d'écouter les conversations des gens, y compris celles des pédo-nazis.
En fait, certains de ces services existent déjà.
Prenons en un, par exemple : Bitmessage. Un système de messagerie reposant sur le même principe que le Bitcoin. Une adresse anonyme, des expéditeurs, des destinataires et un protocole qui garantit le transport des uns aux autres, de façon chiffrée. Le compte est anonyme. On peut en créer autant qu'on veut, sans avoir besoin de justifier d'une quelconque identité. On peut même créer des canaux ce diffusion (chaînes).
C'est un exemple mais il en existe d'autres.
C'est un peu court, jeune homme…
La seule chose que nous pourrions éventuellement reprocher à Twitter est la limitation des messages à 140 caractères. Pour certains messages, c'est trop peu.
Pour un message à contenu censurable, c'est trop peu. En 140 caractères, il faut être expéditif et caricatural... La colère mérite notre attention. Un gazouillis n'est pas suffisant.
Personnellement, je ne condamne pas celui qui poste un commentaire à caractère raciste. Il y aura toujours une personne pour lui répondre avec pertinence. Et tant qu'il n'agresse personne, c'est une opinion. Pour ma part, Il a le droit d'avoir une opinion, tout comme on a le droit d'être associable, radin, ou de pisser debout - peut-être plus pour longtemps : certains politiciens ont tenté de légiférer sur ce sujet, sans succès… pour l'instant.
Le racisme, contrairement à ce qu'on aimerait croire, n'est ni une cause, ni une conséquence, mais un prétexte.
Et l'expression à caractère censurable est souvent le résultat d'une colère. La colère vient très souvent d'un problème de vocabulaire. Soit de ne pas avoir les mots pour s'exprimer, soit d'en être interdit. Or, en interdisant aux gens de s'exprimer, nous n'aurons en retour que toujours plus de colère.
C'est pourquoi, au lieu de condamner les messages censurables, j'invite les auteurs à ne pas se limiter à quelques caractères, mais à m'expliquer, à moi, en quelques pages, pourquoi ils en sont arrivés là.
Exercice pratique
Et pour démontrer à quel point il est aisé de contourner la censure et vain de vouloir contrôler les pensées, nous allons faire un petit exercice.
Plutôt que de répondre au bas de cette page, installez Bitmessage et créez une adresse. Ensuite, exprimez-vous, sans peur et sans reproche. Vous pouvez être honnêtes. Étant donné que je suis déjà misanthrope, vous ne risquez pas de me décevoir.
Faites ce que vous savez faire de mieux : soyez frondeurs et facétieux. Mais restez courtois, tout de même !
Pour cela, il y a deux façons de procéder : soit en envoyant votre message en mode privé, à cette adresse :
BM-2cX1D3XCawj4xzDeqvXVqUhyxyMGAsnJbc
Je suis le seul et unique destinataire et donc, échange de correspondance à caractère privé oblige, nous n'enfreignons aucune loi.
Soit en créant votre propre canal et en diffusant ce que vous avez à dire, à ceux qui veulent l'entendre, loin des chastes oreilles des autorités zélées.
Ensuite, je m'engage à lire tous les messages que je recevrai directement, sans exception, et de voir ce que nous pouvons en tirer. Si des choses intéressantes peuvent sortir de ces échanges, alors je m'engage à en faire une synthèse et la publier.
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