Si on faisait « boum » avec la bulle de la dette publique
Deux mille milliards d'euros ! 100 % du P.I.B. ! "La France est en faillite !" "Il faut accélérer les réformes". "Nous vivons au dessus de nos moyens, il faut se serrer la ceinture". Voilà ce que nous martèlent du matin au soir ceux qui depuis des lustres se gavent sur le dos des petites gens et des classes moyennes et ont négligé de participer à la hauteur de leurs moyens au fonctionnement d'un Etat et des services indispensables à l'émancipation de tous.
Cette dette, c'est l'accumulation de déficits successifs du budget de l'Etat. Budget élaboré par des gouvernements alternativement de droite comme de gauche qui , année après année, par duplicité, lâcheté, clientélisme, ont négligé de lever l'impôt en quantité suffisante pour assurer les services que l'ensemble de la nation est en droit d'attendre en matière d'éducation, de santé, de sécurité, de solidarité et d'investissements publics.
Gérer le budget de l'Etat ce n'est pas, comme certains voudraient nous le faire croire, gérer un budget familial en "bon père de famille" car les contraintes sont inversées. A la maison ce sont les recettes qui sont imposées, mois après mois, en fonction des salaires et des revenus divers que perçoit la famille ; on se doit donc d'ajuster les dépenses sur les recettes. Pour le gouvernement c'est bien l'inverse. La contrainte c'est le coût des missions que le peuple a confiées démocratiquement à ses représentants. Ceux-ci doivent trouver les moyens financiers de les réaliser en levant l'impôt et/ou en reprenant la main sur la création monétaire, pour ne pas devoir s'endetter auprès du secteur financier privé et rogner ensuite sur les services rendus à l'ensemble de la population.
Cessons de culpabiliser. Non l'Etat ne vit pas au dessus de ses moyens, Monsieur le Premier ministre, quand il doit assurer à tous et dans tout le territoire la même qualité de service dans les missions qui lui incombent et qu'il le fait à des coûts de fonctionnement bien moindre que le secteur privé ( Les mutuelles de santé privées ont des frais de gestion pouvant aller jusqu'à 35 % ( lien ) alors que pour la Sécurité Sociale c'est autour de 3% ). Il faut démonter les mécanismes de cette propagande qui ne vise qu'à usurper à des fins privées les fruits de la richesse produite qui elle ne cesse de croître. Comme les journalistes et les médias nous cachent la réalité, il nous reste à faire éclater ce ballon de baudruche qu'est cette fameuse dette publique.
DETTE BRUTE OU DETTE NETTE ?
Il faut d'abord préciser : dette brute ou dette nette ? 2 000 milliards d'€, c'est la dette brute de l'Etat. En totalisant tous les budgets des administrations publiques c'est pire encore (2412 milliards en 2012). Mais la sphère publique a aussi des actifs financiers comme par exemple des actions (981 milliards en 2012) ; En conséquence la dette nette de toutes les administrations publiques était en réalité de 1428 milliards en 2012 soit autour de 70 % du P.I.B et non 100%, brandi comme un épouvantail.
Lorsqu'un ménage emprunte 200 000 € pour l'achat d'un logement et qu'il ne dispose plus d'actifs financiers, sa dette nette peut représenter plus de 200 % de ces revenus. Le banquier ne trouve rien à redire et applaudit des deux mains car il sait que la banque va au cours des 20 ans de durée du prêt extorquer à son client plus de 100 000€ d'intérêts qui s'ajouteront à la somme à rembourser.
UN PAYS EN FAILLITE ? A VOIR
Observons l'évolution du patrimoine économique national de 2000 à 2012 ( 1 ) de tous les acteurs économiques qui composent la nation.
1° Le solde financier de 2000 à 2012 (milliards d'€ ) (milliards d'€ )
- pour les administrations publiques : -539 (-889 ) -1428
- pour les ménages : 1930 ( 917 ) 2847
- Pour les sociétés non financières : -1493 (-871 ) -2364
- pour les sociétés financières : 312 ( 223 ) 535
- TOTAL 210 (-620 ) -410
Ainsi, depuis le début du XXIème siècle, ce sont les ménages, la sphère privée (en réalité 1/3 des plus aisés ) qui se sont enrichis aux dépens de l'Etat et des entreprises. Si les intérêts versés par l’État aux détenteurs d'obligations ont contribué à cette situation la diminution de la pression fiscale pour les plus nantis a certainement accéléré le phénomène.
Allons plus loin et observons l'évolution de l'ensemble du patrimoine, financier et non financier.
2° le solde du patrimoine total de 2000 à 2012 (Milliards € ) (Milliards € )
- Pour les administrations publiques : 280 ( 46 ) 326
- pour les ménages : 4900 ( 5644 ) 10544
- Pour les sociétés non financières : 473 ( 1426 ) 1899
- pour les sociétés financières : 416 ( 105 ) 819
- TOTAL 6069 7519 13588
C'est la magie des chiffres, depuis un peu plus d'un lustre la France a vu sa richesse augmenter de 123 % et la part affectée aux ménages est de plus de 75 %.
Ce magot représente donc presque 7 fois le PIB. Où est donc la France en faillite ? Pourquoi répéter sans fin que nos enfants devront subir le fardeau de notre dette qui est en réalité enfouie dans les patrimoines privés ?
En plus dans cette compétition mondiale, la France est un des pays où le patrimoine médian par habitant est parmi les trois pays où il est le plus élevé au Monde avec 141 850 USD . En Allemagne, "pays modèle " pour les experts, c'est presque 3 fois moins avec 49 500 USD, aux USA le patrimoine médian est de 44 911 USD.(Observatoire des inégalités- lien ).
UNE DETTE FABRIQUEE PAR LE SYSTEME FINANCIER
Pour dégonfler définitivement cette baudruche il faut rappeler que depuis 1973 c'est auprès des banques privées que l'Etat, comme n'importe quel client, doit emprunter et payer des intérêts qui évoluent au gré de la conjoncture.(Voir l'article de AV : "deux mille milliards de dette, c'est du bidon" lien ) Cette dette qui roule au fil du temps, ce "fardeau", est ainsi composée à plus de 80 % d'intérêts que le système financier exige de l'Etat, véritable dîme injustement imposée à tous, qui ne cesse de grossir année après année. Aujourd'hui c'est quasiment l'ensemble de l'impôt sur le revenu que l'on mobilise pour le paiement annuel des intérêt de la dette. La totalité de cette contribution est détournée vers les banques pour être ensuite, en partie, reversée aux créditeurs ( pour 1/3 français) ce qui accentue encore les inégalités . Pour diminuer cette maudite dette, l'Etat doit aussi impérativement reprendre la main de la création monétaire et cesser de payer des intérêts indus au système bancaire privé.
UN PATRIMOINE PRIVE TRES INEGALEMENT REPARTI
Le problème est que ce patrimoine privé, qui ne cesse de gonfler, est de plus en plus concentré entre quelques mains. En 2010, 10% des plus riches possédaient la moitié du patrimoine et les 30 % les plus pauvres ne possédaient quasiment rien. (observatoire des inégalités - lien ).
De 2004 et 2010, la concentration des richesses s'est encore accrue.
- Les 10 % des ménages les plus fortunés ont vu leur patrimoine moyen augmenter de 400 000 euros, passant de 840 000 à 1,2 million d’euros (+ 47 %) alors que les 10 % des ménages les moins fortunés ont gagné 114 euros (de 1 237 à 1 351 euros), soit moins que l'inflation.
- Les 1% les mieux dotés détiennent 20 % du patrimoine total. ( lien )
Ces inégalités croissantes dans la répartition des richesses devraient être corrigées en partie par la mise à disposition pour tous de services publics gratuits et efficaces qui permettent à chacun, quelles que soient ses origines, de pouvoir avoir accès aux soins, à l'éducation et à la sécurité pour, par son travail, pouvoir s'épanouir. La seule question que devrait se poser tout responsable politique est comment faire, avec une telle richesse dans la sphère privée, pour éliminer la précarité et donner à l' Etat les moyens d'assurer ses missions. Le courage politique n'est pas dans les coupes budgétaires ni dans la remise en cause d'acquis sociaux arrachés par de longues luttes. Ce serait de cesser de faire les poches des pauvres en affirmant haut et fort qu'avec la crise on n'aurait plus les moyens d'assurer les missions publiques indispensables à la cohésion de toute communauté.
La seule alternative est de faire contribuer à la hauteur de leurs moyens ceux qui, par leur talent, leur position, grâce aussi à tout ce que le pays a mis à leur disposition, ont beaucoup plus que le nécessaire et le superflu inclus (2) . Pour cela il faudrait cesser de diminuer régulièrement le taux marginal de l'impôt ( celui-ci est passé de 81 % pour les revenus supérieurs à 86 800 € en 1967 sous le Général De Gaulle à 40 % pour des revenus du même ordre en 2012- lien) et de miter l'impôt de nombreuses niches fiscales qui font la joie des "optimiseurs fiscaux".
Dénoncer un taux moyen de "prélèvements obligatoires " trop élevé ne doit pas autoriser les plus argentés de continuer à avoir le privilège de contribuer bien en deçà de leurs possibilités comme le montre le graphique ci-dessous.
Source : http://www.revolution-fiscale.fr/
Continuer à agiter le chiffon rouge de la dette c'est vouloir poursuivre le travail de déconstruction de notre appareil d'Etat et de démantèlement des services publics au profit du seul secteur privé. Politique ultra-libérale qui ne fera que restreindre l'accès à ces services à des pans entiers de la population. Ne pas s'attaquer à cette très inégale répartition des richesses et à l'iniquité du système fiscal, c'est contribuer encore à l'émiettement de la société, à la ségrégation sociale dans la cité, à la discrimination,à la violence et à la régression.
_____________________
(1) postjorion:dettes-brutes-et-nettes et INSEE
(2) : Les 0,01 % les plus riches ont gagné 243 000 euros de revenus annuels supplémentaires entre 2004 et 2011. Un gain équivalent à dix huit années de Smic ( Observatoire des inégalités )
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