SNCM suite est ........ fin !
La SNCM a été placée vendredi en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille. Le tribunal de commerce, qui a "constaté l'état de cessation de paiement" de la compagnie maritime, a fixé au 28 mai la fin de la période d'observation prévue dans le cadre de cette procédure.

En 1969 naissait la « Compagnie générale transméditerranéenne » (CGTM non ce n’est pas un gag), résultat de la fusion de 2 compagnies privée. Cette compagnie reliait alors le continent à la Corse.
En 1976, le gouvernement décida d’instaurer le principe de la continuité territoriale entre la Corse et le continent et en même temps prend le contrôle de la CGTM à hauteur de 25%, par l’intermédiaire de la SNCF. Les 75% étant détenu par la Compagnie générale transatlantique déjà mal en point.
La SNCM devient alors un monopole d’état dans les liaisons maritimes entre la Corse et la France et reçoit chaque année une subvention de l’état pour assurer ce fameux principe de continuité territoriale. Même si par la suite, la gestion de la subvention de continuité territoriale est transférée à l'assemblée de Corse, et même si en 1996, l'ouverture à la concurrence permet à la compagnie Corsica Ferries d’ouvrir des lignes depuis Toulon et sa ligne Nice-Bastia en NGV, avec des services et des tarifs allégés, créant une forte concurrence, le renouvellement de la convention avec l'Office des transports de Corse sera toujours attribué à la SNCM. Malgré la concurrence, en 2000, la compagnie capte toujours 82 % des parts de marché entre les ports français continentaux et la Corse. Malgré son leadership, la SNCM reste toujours déficitaire et l’état procède continuellement à des augmentations de capital. En vertu de l’ouverture à la concurrence, la commission européenne impose des cessions d’actif et oblige la SNCM, qui ne représente plus que 54 % des parts de marché sur les liaisons France continentale – Corse, à vendre une partie de sa flotte (notamment les NGV).
Commence alors le cycle des grèves à répétition.
En septembre 2004, le STC (Syndicat des travailleurs corses) mène une grève qui dure deux semaines pour obtenir une augmentation des salaires et le principe de « corsisation » des emplois. Il en résulte une forte augmentation de la « prime d'insularité » pour les employés résidant en Corse et une priorité à l'embauche pour les Corses (qui représentent 800 employés sur un effectif total de 2 400). Cet accord, contesté par les autres syndicats est le résultat des services du premier ministre Jean Pierre Raffarin.
En 2005 il est décidé de privatiser la SNCM. En fait c’est Bruxelles qui pousse la France. S’en suit une grève lancée par le syndicat des marins CGT et le STC pour s'opposer au projet du gouvernement qui veut vendre la SNCM à un fonds d'investissement (Butler) qui propose de reprendre la société pour 35 millions d'euros. Ce projet prévoit un plan social de 400 suppressions d'emploi (mais pas de licenciement « sec ») et un apport financier de l'État de 113 millions d'euros destiné à apurer les dettes, environ 35 millions d'euros et à financer le plan social. Butler subordonne son accord définitif au renouvellement de la délégation de service public avec l'Office des transports de la Corse (c’est le seul intérêt de cette compagnie).Les marins ne veulent pas de Butler et déclenche aussitôt une grève. Les grévistes bloquent des bateaux présents dans le port de Marseille et plusieurs milliers de passagers qui s’y trouve, séquestrent le PDG de la compagnie. Comme ça ne suffit pas, il procède au blocage général du port de Marseille. Le secrétaire national de la STC, Alain Mosconi qui est accessoirement une figure du nationalisme corse, et ses militants s'emparent du Pascal Paoli et le détournent vers Bastia. Alain Mosconi, déclare : « Nous avons récupéré un outil de travail qui appartient à la Corse et nous le rendons à la Corse ». Le bateau est repris le lendemain matin par le GIGN (en fait ce sont les commandos Hubert) et renvoyé à Toulon. Devant la menace de cessation de paiements de la société, prélude à sa liquidation possible, la fin de la grève est annoncée le 13 octobre. Butler renonce au rachat de la SNCM. C’est Connex devenue depuis Veolia Transdev qui prend le relai à hauteur de 28%. L’état conserve ces 25% et 9% sont attribués aux employés.
Pour faire face aux échéances immédiates et aux pertes dues à la grève, l’état accorde à la SNCM une avance de trésorerie de 25 millions d'euros qui s'ajoute à une avance précédente de 30 millions d'euros. Soit 55 millions d’euro pour l’année 2005.
Les grévistes ont démontré leur détermination, mais la clientèle qui ne considère plus cette compagnie fiable, la déserte. En 2008, la SNCM ne détient plus seulement que 33 % des parts de marché sur les liaisons France continentale - Corse.
La SNCM continue à perdre de l’argent. A titre de comparaison, en 2003, la société a réalisé un résultat courant avant impôts de moins 7,1 millions d'euros pour un chiffre d’affaire de 371,9 millions d'euros, dont 254,1 millions de recettes clientèle, 72,8 millions de subventions. Les charges d’exploitation se sont élevées à 370,7 millions d'euros. Et ce n’est que la cession d’actif qui a permis au résultat net du groupe de s’élever à 21,1 millions d'euros. La raison fondamentale de cette évolution réside dans les coûts de production de la SNCM qui a transporté, la même année, 642 passagers par employé contre 2000 pour Corsica Ferries (qui emploie deux fois moins de personnel). Pour combler son déficit, la SNCM continue de vendre ses navires. Elle vend un NGV à une compagnie grecque et affrète un temps l’autre NGV en Polynésie. Suite à l’échec commercial de ce dernier, il est revendu aussi à une compagnie taïwanaise.
Entre temps, d’autres scandales viennent entacher la société. En 2005, lors des audits réalisés en vue de la privatisation de la SNCM, une affaire de « coulage » perdurant depuis des années à bord des bateaux de la SNCM est révélée. Les recettes des ventes de boissons à bord seraient partagées entre les marins chargés de la gestion des bars. Dans le bilan comptable de la société, il apparaît que ces recettes seraient quasi nulles alors qu'elles représentent près d'un tiers du chiffre d'affaires de son concurrent Corsica Ferries. Les syndicats ont démenti ces accusations et des menaces de mort sont parvenues aux journalistes ayant relaté les faits. En 2013, un trafic d’arme et de cocaïne (24 kilos de cocaïne, 2 kilos de TNT et semtex, des détonateurs, un fusil à pompe, un pistolet automatique, 2 gilets pare-balles et des munitions) orchestré par des marins de la SNCM, dont un syndicaliste CFTC est mis à jour. Des mises en examen sont prononcées et les protagonistes sont toujours en prison en attendant leur procès.
Une société en déficit chronique, gangrénée par les syndicats et les nationalistes corses, un état qui subventionne sans compter pour acheter une paix sociale toute relative. Il n’en faut pas plus pour que Bruxelles enquête sur cette compagnie qui bafoue sans vergogne et avec la complicité de l’état les lois européennes sur la concurrence. L’UE commandite une enquête et la sanction tombe. L’UE saisit la Cour de justice de l'Union européenne contre la France et demande une amende de 220 millions d’euro pour des aides perçues entre 2007 et 2013. Vient s’ajouter une seconde amende de 220 millions d’euro pour des aides perçues entre 2002 et 2006, portant l’ardoise à 440 millions d’euro.
La SNCM et son actionnaire principal Transdev a une épée de Damoclès de 440 millions d’euro sur la tête. Même si la procédure engagée par Bruxelles devrait prendre des mois, voire des années, la menace est réelle, car l’état ne peut justifier les millions d’aide accordées à cette compagnie. Pour Transdev, la seule solution pour ne pas payer cette amende serait de trouver un repreneur qui n’aurait pas l’obligation de la payer. C’est pour cela qu’il considère avec l'Etat, actionnaire à 25%, le redressement judiciaire comme la seule solution pour permettre selon eux de trouver un repreneur et d'annuler les condamnations européennes à rembourser des aides publiques jugées illégales.
Transdev a en effet, en pleine conscience, volontairement provoqué le dépôt de bilan de la compagnie en exigeant le remboursement immédiat de créances que la compagnie n'est pas en mesure d'honorer. Le procureur de Marseille Brice Robin, avait d'ailleurs remarqué le caractère "inédit" de la manœuvre des actionnaires, que les salariés qualifient de "faillite organisée". Il n’en demeure pas moins qu’au vu des difficultés chroniques de la société (200 millions d'euros de déficit cumulé depuis 2001), le redressement judiciaire est la seule solution pouvant conduire des repreneurs éventuels à se manifester.
Avec 220 millions de déficit cumulé, le juge enquêteur, nommé pour étudier la seule question de la cessation de paiement, n’a pas mis très longtemps pour conclure par l'affirmative, considérant qu'il y a bien cessation de paiement.
Le tribunal de commerce de Marseille se prononce vendredi sur la cessation de paiement de la compagnie maritime SNCM, prélude à un redressement judiciaire demandé par la compagnie, mais perçu par les syndicats comme la première étape vers la liquidation.
Les salariés, eux, ont de nouveau contesté le fait que les créances brandies par Transdev soient juridiquement exigibles et demandé "la suspension de la procédure". Mais il faut se rendre à l’évidence, si une société ne peut faire face au remboursement de ses créances dans le temps imparti elle est de fait en cessation de paiement.
"Aller au redressement judiciaire, c'est glisser vers la liquidation", estime à l'instar des autres syndicats, représentant de la CGT, le syndicat majoritaire à la SNCM. Il a raison. Et je serais plus catégorique que lui. La liquidation judiciaire de cette entreprise l’empêchera de renaitre.
Si l’UE est d’accord sur le principe pour annuler l’amende si un repreneur venait à faire une offre, mais si elle estime que la SNCM, même reprise et transformée par un repreneur, restera la même entreprise, elle n’affranchira nullement l'entreprise des condamnations de Bruxelles. La nouvelle SNCM devra donc assumer les condamnations.
De plus l’UE n’est pas d’accord pour transférer automatiquement la délégation de service public (DSP) vers la Corse à l’éventuelle nouvelle société. Ce contrat qui court jusqu'en 2022, de plus 600 millions d'euros, qui lui a été attribué, ainsi qu'à une autre compagnie, la Méridionale (cette dernière a été forcé de s’associer avec a SNCM pour avoir cette délégation) constitue une manne essentielle à sa survie. Dans une étude juridique réalisée en 2013 commandée par Transdev, ce risque est d'ailleurs clairement formulé : "La transmission de la DSP pourrait constituer un indice fort de l'existence d'une +continuité économique+", est-il écrit dans le document. En clair, soit la "nouvelle SNCM" conserve la DSP, mais reste sous le coup des condamnations de Bruxelles. Soit les condamnations sautent, mais la DSP pourrait devoir faire l'objet d'un nouvel appel d'offre. Vu le montant des sommes engagées, ce sera un appel d’offre européen et les corses et les marseillais ne pourront pas magouiller aussi facilement pour accorder à qui mieux mieux cette DSP. Comme la seule richesse de la SNCM est la DSP, qu’elle serait la raison plausible pour qu’un repreneur se manifeste pour reprendre cette coquille vide ?
"Il ne faut pas se voiler la face : il n'y a pas d'offres de reprise possibles tant qu'existe la menace de Bruxelles", estime le représentant de la CGT.
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