Social-libéralisme. Un peu de sémantique
Le président de la République française, relayé ou précédé par son premier ministre, affirment aux électeurs de gauche qu'ils n'ont trahis, ni les promesses de la campagne présidentielle, ni ce que l'on pourrait appeler avec un peu d'emphase l'idéal socialisme. Pour en donner la preuve, ils disent s'inspirer de ce qu'ils nomment le social-libéralisme.

Le social-libéralisme est un nouveau venu dans la panoplie des expressions par lesquelles cherchent à se désigner ceux qui ne veulent pas confondus avec de simples capitalistes – même si dans la pratiques ils se comportent comme ces derniers. Il n'y a pourtant rien de blâmable à être capitaliste, non plus d'ailleurs que chef d'entreprise ou patron. Dès qu'un particulier investit dans une affaire quelconque un peu de capital personnel, il devient ipso facto un capitaliste. Mais tout au long du 20e siècle, l'expression, accompagnée des abondantes caricatures qui l'illustraient, a désigné celui qui non seulement disposait d'un abondant capital, mais qui exploitait sans vergogne les salariés travaillant pour lui. Elle a aussi désigné le régime politico-économique qui donne tous pouvoirs aux capitalistes.
La doctrine communiste avait, dès 1848, affirmé que l'économie pouvait se passer de capitalistes. Les expériences de pays se disant communistes n'avaient pas cependant été considérées comme concluantes par une partie de la gauche. Il lui fallait donc inventer un terme désignant un régime qui tout en retenant l'idéal consistant à confier à l'entreprise publique un certain nombre de secteurs économiques-clefs, affirmait la nécessité de maintenir les institutions politiques dites démocratiques dont l'Europe s'est faite le champion après la seconde guerre mondiale. Il s'agissait de la social-démocratie.
La gauche française, au moins au niveau du discours, a longtemps hésité à se dire social-démocrate. Pour elle, le concept évoquait trop les réalisations, certes intéressantes mais jugées un peu « plan plan » de l'Europe du Nord. Mais depuis la Libération jusqu'aux très récentes dénationalisations, elle s'était satisfaite de ce que l'on avait aussi nommé l'économie mixte : des entreprises privées, des entreprises publiques et une législation du travail protectrice. Elle était donc social-démocrate sans s'en vanter.
Un président social-démocrate ?
Au début du quinquennat de François Hollande, celui-ci, pour rassurer l'électorat de droite, avait refusé d'être considéré comme incarnant une majorité socialiste. Où en effet se serait arrêté ce socialisme ? N'aurait-il pas versé insensiblement dans le communisme économique et dans un recul progressif de la démocratie politique tournant à la dictature de la rue de Solférino ? Il s'était donc présenté explicitement (à la manière peu explicite qui est la sienne) comme social-démocrate. Il rejoignait en cela la totalité de la gauche européenne, qu'elle soit au pouvoir ou non. Mais c'était encore trop.
Le patronat (ou plus exactement la partie la plus droitière du patronat) voulait davantage. Il lui fallait des mesures politiques montrant clairement que le gouvernement se refusait à tout interventionnisme, que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine social. Il lui fallait donc que François Hollande s'affichât résolument libéral. Autrement dit qu'il s'engage à laisser les forces du marché, au sein d'une concurrence libre et non faussée, se substituer à tout ce qui restait de socialisme et de social hérité des gouvernements précédents
La terme de libéralisme s'imposait donc. Mais les conseillers en communication ont expliqué qu'il était trop explicite. Il faut être libéral mais il est inutile de l'afficher à la face du monde. Donc il fallait ajouter au concept de libéralisme celui de socialisme. Autrement dit se dire social-libéral. Mais que signifie ce curieux mariage ? Le socialisme économique étant définitivement abandonné, le socialisme social l'étant aussi progressivement (à voir les déclarations de M. Macron, pas encore ministre mais ancien conseiller du Président, concernant les 35 heures), que restait-il de social ? Rien, sauf une étiquette que l'on pouvait toujours brandir sous le nez des syndicalistes et électeurs de gauche n'ayant pas encore compris qui gouvernait dorénavant la France, non pas le seul Medef, mais Wall Street et la City de Londres.
Il nous faut donc lire dans le terme social-libéral celui de libéral, point à la ligne. Encore heureux que les idéologues de droite n'aient pas encore imposé au pauvre François Hollande de se proclamer social-néolibéral, voire pourquoi pas, social-capitaliste.
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