Sommes-nous prêts à nous politiser ?
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Restée abattue un moment à la suite des commentaires des articles qui relayaient l'info du recul de Mélenchon, retrait peut-être de l'arène médiatique, je voudrais ici faire un point. Tout ce que j'ai lu était, bien sûr l'expression d'opinions et en ce sens légitime, mais toutes ces opinions m'ont paru être posées sur de l'ignorance, l'acceptation de désinformation ou filtrées par l'habitude actuelle de ne rien approfondir, ne rien chercher à comprendre. Le résultat de cette lecture, n'est pas un enrichissement, ne serait-ce que voir ou comprendre les opposants, mais bien un dégoût, un découragement.
Dans le même temps où nous avons honte de notre gouvernement, que certains osent encore dire « de gauche », que l'opposition à ce gouvernement qui a mis à mal notre pays cette dernière décennie est en train de s'autodétruire, écrasée par le poids de sa cupidité et ses malversations, il apparaît que n'importe qui, de droite ou de gauche, crache sur Mélenchon, sûrement très influencé par l'image médiatique imposée par un PS ennemi ou par les dissonances profondes au sein du Front de Gauche. Je n'ai aucune envie de faire ici une propagande ni même une réhabilitation, juste exprimer ce que je sais, et puis ce que je pense.
Je passerai sur les vomissures telles que, Mélenchon est pour l'OTAN, qui a signé la guerre en Libye, pro européen, pro système,etc. À lire ce genre de choses, je me demande, vraiment, si les gens sont bien informés ou si, l'étant, ils sont honnêtes ! J'en doute. Certains le traitent de capitaliste ? Je pense que lorsqu'on propose un programme politique que l'on a envie d'appliquer, et non pas des utopies irréalisables ou peut-être dans trois mille ans, je le vois comme du pragmatisme ; d'ailleurs « capitaliste » n'est peut-être pas le premier qualificatif qui vient à l'esprit quand on pense à lui. Je ne m'attarderai pas sur les erreurs que certains pensent qu'il a commises, puisque j'en partage, pour certaines d'entre elles, ce jugement ; et je n'évoquerai même pas les délires sur son fric, son train de vie et ses déplacements en première classe !
Il semble que beaucoup, sinon tous, soient bien conditionnés à voir la politique par le petit bout de la lorgnette, à relever la moindre phrase sortie de son contexte ( je passe sur son racisme anti blonds aux yeux bleus !! sachant bien sûr qu'on peut être raciste et en épouser une !!) ; il semble qu'il y ait une incapacité à écouter et comprendre une phrase qui fasse plus de dix mots. D'un autre côté, nous savons bien que nous ne pouvons rien contre l'aversion politique, moi-même n'ayant jamais pu écouter un discours de Hollande ! Avec Mélenchon, il s'agit de tout autre chose ; mis en avant comme seul et unique représentant du Front de Gauche, par les médias chez qui on ne va pas si on veut mais si on est invité, tiraillé sinon déchiré entre les convictions des uns et celles de son propre parti, Mélenchon s'est laissé piéger ( c'est mon point de vue) jusqu'à être inaudible ni par les uns ni par les autres citoyens. Dans l'extrait d'un longue interview donnée à Hexagone, que je vous donne en fin d'article, Jean-Luc Mélenchon explique pourquoi il ne veut plus être l'arbre qui cache la forêt, pourquoi il veut laisser d'autres visages s'affirmer et se consacrer à ce qu'il croit être capable de faire : la transmission idéologique, le travail culturel et intellectuel. Cela contentera certainement ceux qui le trouvait trop loin d'eux.
À ce propos, la politique est-elle le lieu de s'occuper de chacun, comme il est fait depuis déjà un moment avec les résultats que l'on connaît, ou bien mettre au point un programme, une ligne directrice d'un projet de société ? Peut-on cajoler les uns, et oublier les autres ? Peut-on céder aux uns et pas aux autres ? Quel est le but de cette manière de faire ? Il n'y en a pas, sauf peut-être celui de s'assurer sa prochaine réélection ! Ainsi, ceux qui le trouvent loin du peuple, parce qu'il ne nomme pas les uns et les autres, séparément, pourront peut-être réfléchir au fait que vouloir instaurer une société plus juste, c'est établir des principes, des lois, une constituante écrite par le peuple, pour donner le terreau d'une possible réalisation de sa destinée, en toute dignité. À ceux qui disent qu'on ne peut avoir de programme si on veut faire écrire une constituante par le peuple, je réponds qu'une constituante ne peut comporter aucune mention d'injustice, de discrimination, d'abus ou de possibilité d'abus d'aucune sorte.
En revanche, on peut vouloir donner l'espace d'une politisation du peuple, par une information non déguisée en propagande, d'une instruction, à l'école, ou pour adultes, sous la forme d'éducation populaire, et donner le droit aux travailleurs d'exiger le respect qu'on leur doit. Pour le contenu proprement dit du programme, je vous y renvoie. Le programme du Front de Gauche, est un « esprit » qui tente de se matérialiser dans les multiples couches, des fonctions d'un État, des besoins sociaux, des exigences économiques,-travail, salaire, répartition des richesses, etc.-, de la remise en état de notre environnement, de la nécessité à favoriser la recherche pour d'autres sources d'énergies par exemple, mais surtout, utiliser les connaissances et les savoirs-faire qui existent déjà. C'est une manière d'impliquer tout un chacun et non pas vendre sa protection aux plus faibles, aux déclassés, aux délaissés, puisque le but est une société ou, de fait, le plus faible pourra vivre dignement et où personne ne pourra se trouver délaissé. Vous conviendrez que ce n'est pas une mince affaire, que des idées émises et retenues, on ne peut guère parler en trois minutes ! C'est pourtant le seul espace donné aux politiques pour le faire.
Les têtes de gondole sont l'invention géniale de la grande distribution, désormais tout ce qui est mis en avant, à grand coup de publicité, de propagande en ce qui concerne la politique, est pour la plupart, la seule chose valable ; c'est curieux de voir à quel point ça marche ; on peut mettre aussi en avant quelqu'un pour le démolir, ça marche également ! Les différends politiques, je n'en ai pas beaucoup vus, tant ils étaient empreints de critique de la manière ; la personnalisation de notre modèle républicain, ce n'est pas faute d'en vouloir la fin, avec l'établissement d'une sixième république.
Se politiser, ce n'est pas forcément adhérer à un parti ; du reste j'aime à rêver d'une société sans parti ; dans laquelle les responsables élus pour garantir la bonne marche des choses ne seraient plus des gouvernants, mais des exécutants, aux mandats assez longs pour acquérir la compétence et l'aise, mais asses courts pour ne pas dériver en professionnalisation. Se politiser peut être juste s'informer, approfondir et échanger, selon ses talents, ses compétences ou ses appétits. S'investir dans des actions, des débats, des décisions ou des initiatives, ou s'intéresser simplement à la vie de son quartier ou de son village, par des associations ou des mandats d'élus. Aujourd'hui, la politique est interdite à qui n'a pas le bagou, le temps, ou l'audace. Un temps devrait être imparti, ni par force ni par contrainte, mais comme une évidence : le bien commun, la vie ensemble concernent tout le monde et notre éducation devrait nous y préparer.
Dès que l'on veut s'attarder à un détail, on divise, et c'est bien logique ! Aussi, quelques initiatives devraient être laissées aux localités.
Il est plus aisé de savoir ce que l'on ne veut pas ; déjà un peu plus difficile de s'y accorder et presque impossible de se mettre d'accord sur ce que l'on veut ; il faut donc bien que quelques-uns s'y collent, quitte à transformer, améliorer le modèle quand il sera question de l'appliquer !
Se politiser ne veut pas dire qu'au bout du compte tout le monde sera d'accord, mais qu'au bout du compte, chacun aura dépasser ses problèmes personnels comme source d'opinion ; du reste, l'opinion n'existera plus que pour le choix de la couleur des rideaux de la cuisine.
L'infantilisation du consommateur a battu son plein, faisant d'énormes dégâts ; il n'est pas si vieux le temps où le peuple était conscient et responsable, même s'il était impuissant, du moins la masse travaillant ensemble dans les mines ou les grosses industries. Dans Le quai de Wigan, Orwell nous dépeint très bien la vie des mineurs, sans le sentimentalisme charitable que l'on trouve chez Dickens ou Zola, et, outre la misère, la conscience politique ; cela est très bien écrit aussi par Ken Folett dans sa Chute du Géant où l'on voit, certes, la colère et le rejet des Russes importés par cargos entiers, pour casser les grèves, mais la haine est pour les briseurs de grèves, par pour le travailleur encore moins bien loti qu'eux.
La consommation a détruit tout cela, cette conscience de classe qui n'est plus, comme naguère, facilité par la promiscuité et l'égalité des conditions de vie ; il ne tient qu'à nous de la faire resurgir, de la nourrir et de s'y appuyer. Mais l'individualisation brouille la vue, pas de reconnaissance tacite alors que le peuple , s'il a globalement vu sa vie s'améliorer, reste toujours soumis et dépendant d'un pouvoir, devenu dictatorial et tentaculaire. L'idée est donc bien de resserrer les rangs et non de les séparer.
Alors oui, pour l'instant, je ne vois rien d'autre et faisons attention, si on ne voit rien, même d'insatisfaisant, il ne se passera rien ; la dictature se durcira !
( je tiens à préciser que je n'ai aucune autorisation pour publier ici cet extrait d'interview, faute de savoir à qui et comment la demander)
JL.Mélenchon : "Je sais à quoi je peux être utile, je ne peux pas faire tous les rôles"
Mercredi 23 Juillet 2014
Eloise Lebourg - Hexagones.fr
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Interview exclusive de Jean-Luc Mélenchon. Le leader du Parti de Gauche annonce sa volonté de prendre du champ pour pouvoir se ressourcer, estimant qu’il est temps pour lui de passer le relais à d’autres. Il constate l’échec du Front de Gauche, et dénonce le rôle des médias dans la percée électorale du Front national.
Hexagones : En 2012 vous avez mené une très bonne campagne…
Jean-Luc Mélenchon : Ce n’est pas la campagne qui est bonne, c’est le fait que je ne me suis pas trompé sur l’analyse du moment politique. J’ai eu aussi de la chance. Comme personne ne croyait en ce que je faisais, tout le monde m’a foutu la paix, y compris dans ma propre coalition. J’ai démarré à 3,5 %. Beaucoup pensaient que si je faisais 8 %, ça serait méritoire ; on me taperait sur l’épaule, on reviendrait à la popote. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Quand je suis arrivé à 8 %, c’était trop tard, j’étais devenu incontrôlable. De 8 pour bondir à 10, ça a pris deux mois. Et à partir de là, c’est fini, le mouvement était tellement puissant que plus personne ne le contrôlait, ce qui faisait mes affaires. C’est à la fois une campagne et une insurrection. Mon idée était que je pourrais prolonger ensuite l’insurrection en m’appuyant sur le bilan de la campagne. Ce que je n’avais pas envisagé, c’est que cette force puisse être étouffée par le poids du retour aux vieilles traditions partiaires, aux arrangements, aux accords électoraux. Jusqu’à ce néant qu’a été l’élection municipale qui a complètement décrédibilisé ce qu’était le Front de gauche, explosé entre ceux qui ne voulaient pas d’alliance avec le Parti socialiste et ceux qui se sont vautrés dans cette alliance.
Regrettez-vous votre stratégie face aux médias ?
Mais non. Si je n’avais pas ouvert les portes à coups de pieds, qui me les auraient ouvertes ? Personne. Donc je les ai ouvertes à coups de pieds. Mais la violence du bruit, du choc, la violence a attiré les regards, les oreilles et a constitué autour de moi une espèce de garde. Et ceux-là m’ont accompagné, m’ont protégé, m’ont aidé. Mais il y a un inconvénient, il vient rattraper un deuxième effet : c’est le tir à vue permanent pour essayer de m’isoler. Le troisième effet : une ambigüité qui est contenue dans le Front de Gauche depuis le début. Il y a deux lignes en quelque sorte. Celle qui est portée par la direction du Parti communiste, qui est plus institutionnelle, plus traditionnelle, où on continue à penser que la gauche est une réalité partiaire, organisée et qu’on peut rectifier le tir du Parti socialiste. Et puis, il y a une autre qui pense que ça, c’est un monde qui est quasiment clos, qu’il faut construire et qu’on le fera progressivement à condition d’être autonome.
Quel est l’avenir du Front de Gauche ?
Là, on est dans une période où l’on a besoin de se reposer. Parce qu’on vient de passer cinq ans terribles. Nous sommes en échec. Pour moi la séquence a été écrite entre deux européennes : on a fondé le Front de Gauche pour les européennes de 2009 et à la suivante on passait devant le PS. Tout était en place. Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales. À un moment il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide. Et là j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles. Et puis après, il y aura à travailler pour donner un contenu concret à des idées assez générales. J’adhère à l’idée que le système n’a pas peur de la gauche, il a peur du peuple. La question pour nous n’est pas de faire un parti révolutionnaire, c’est d’aider à la naissance d’un peuple révolutionnaire. Vu ce qu’on a à faire, il faut tout changer en profondeur.
Comment expliquer le fait que le Front national arrive à atteindre autant de citoyens ?
Elle [Marine Le Pen, NDLR] n’a jamais fait plus de voix que Le Pen père. Elle ne touche pas une fraction plus importante de la population. Elle mobilise mieux que tous les autres une fraction de la population. Par exemple aux européennes, elle a remobilisé 4 millions de ses 6 millions d’électeurs. Les listes du Front de Gauche ont remobilisé piteusement un million et demi sur les 4 millions. On doit se demander pourquoi on fait des campagnes aussi mauvaises, aussi lamentables, aussi tardives.
À qui la faute ?
Le FN, ça pousse si certaines conditions sont remplies. Et il y a des gens qui tous les jours travaillent à ça, méthodiquement et sciemment. Les dirigeants du PS, à commencer par François Hollande, travaillent sciemment, avec toute une cohorte de gens, à dire que « le moindre risque pour nous c’est que Le Pen soit le plus fort possible, comme ça je suis sûr de gagner au second tour ». Et elle a aussi du talent.
En 2017, Marine Le Pen n’a aucune chance ?
Bien sûr qu’elle a une chance, elle va y arriver. Le volcan a éclaté, le cratère s’est ouvert du mauvais côté de la montagne. Ce n’est pas la première fois que des inventeurs de martingales magiques se prennent les pieds dans le tapis. Cette fois-ci, ils vont se prendre les pieds dans le tapis. Madame Le Pen récite des morceaux entiers de notre programme. Leur ligne, c’est d’occuper l’espace politique de la gauche. Quel est l’espace politique de la gauche ? C’est le peuple. Quel est le problème de la droite ? C’est le peuple. Voilà pourquoi ils ont toujours fait comme ça. Ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau c’est le degré de violence. Pourquoi elle va y arriver ? Parce que la société est en train de se vider de l’intérieur. Parce que la société est en train de se diriger vers le point « qu’ils s’en aillent tous ».Et quand le point « qu’ils s’en aillent tous » est atteint, tout saute en même temps.
Comment faire…
Une affaire de stratégie politique. Déjà, il faut commencer par se dire ce qu’on ne doit pas faire : on ne doit pas faire d’alliance avec des gens qu’on combat. Et aussi longtemps qu’on fera ça, les gens, qui se disent qu’ils en ont ras le bol, se diront qu’on est comme les autres. Nous, nous avons pu accumuler des forces et nous devons sans cesse les entretenir. Je demande du respect pour tous ces gens, les miens. Il faut savoir que ça va être une bataille très dure. Ce sont les courageux qui vont la mener. Pas les pleutres, ceux qui aimeraient bien que ça se passe sans problèmes. Il y aura des problèmes. Et après, il y a aura les circonstances. Il faut être prêt à rencontrer les circonstances. Je mise sur l’action du peuple.
La personnalisation, c’est l’une des raisons qui vous pousse à vous mettre en retrait ?
J’aspire à ce que le niveau de pression sur moi baisse. Ça fait 5 ans que ça dure et ce n’est pas bon. On finit par ne plus raisonner aussi tranquillement qu’on le devrait. Deuxièmement, il faut aussi que le grand arbre n’empêche pas le reste de la forêt de pousser. Je suis content, car maintenant il y a plusieurs visages qui ont émergé à l’intérieur du Parti de gauche. Il faut qu’ils aient leur espace politique. La troisième raison, c’est que je sais dans quelle condition je peux être utile. Je ne vais pas jouer tous les rôles. Je veux m’utiliser dans ce que je crois être capable de faire : la transmission idéologique, le travail intellectuel et culturel. Et j’ai besoin de reconstituer la couche de terreau. Ce qu’il faut c’est donner des raisons qui donnent envie de se battre et peu importe qui on va trouver en face de nous. C’est ça qui va être le moteur. Pour moi, ce n’est pas de me mettre en retrait, c’est m’utiliser autrement. J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti. J’essaie de cristalliser quelque chose qui existe en dehors de moi. J’ai besoin de temps, je ne peux plus continuer comme cela.
Eloise Lebourg, Hexagones.fr
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