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Accueil du site > Tribune Libre > Soyons optimistes, puisque tout est foutu !

Soyons optimistes, puisque tout est foutu !

Il est difficile de saisir l’atmosphère spirituelle d’une période alors qu’on s’y trouve plongé. Le passé offre plus de prise sur les intelligences ; esthétique, éthique, intellectique, autrement dit les formes artistiques, émotionnelles, les dispositifs moraux et spirituels, bien, mal et enfin le sens, la vérité, comment ça résonne de tout un ensemble avec ses consonances et dissonances, ses divergences idéologiques...

Notre présent est marqué au sceau de la rupture, selon l’interprétation du canon élyséen secondé par ses porte-paroles et ses valets de la pensée qui ne pensent que pour leur propre compte, en vérité, mais se racontent des histoires en leur fors intérieur et croient servir la nation. On les appelle les intellectuels. Certains sont de gauche, d’autres sont de droite mais ils partagent ensemble la propriété d’être relativement inutiles et inopérants pour résoudre aux problèmes de la société pour la bonne raison qu’ils se sont coupés de la société, bien plus que les politiciens, les élus, notamment locaux. Et pourtant, leurs écrits et leurs paroles sont pris au sérieux, voire même considérées comme oracles ou prophéties. Un Attali peut nous dire, avec l’aura de sa docte scientificité, ce que seront les cinquante prochaines années. Certains buvent ces paroles, d’autres font semblant de les croire. C’est au bout du compte assez excitant, moins qu’un film catastrophe joué dans une salle obscure, mais plus qu’un roman insipide de la rentrée littéraire. A ce compte-là, lisez Dantec ou Tolkien, c’est plus foisonnant et dépaysant qu’Attali, assez terne au bout du compte, très convenu, plombé par un imaginaire rétréci autant que les puissants qu’il fréquenta sont influents.

Autant dire que l’atmosphère et la tendance d’une époque, elle se dessine mais difficilement, pas plus dans les propos d’un intellectuel que les dires d’un coiffeur, d’un chauffeur de taxi, d’un psychiatre ou d’un sociologue. Chacun voit les traits que son expérience de la vie lui offre, ensuite, il peut réfléchir, méditer, comparer, là c’est différent, mais pas pire, avant c’était mieux, ou c’était pire, chacun son appréciation, sa subjectivité, son filtrage sur les trois plans, éthique, esthétique, intellectique. Chacun son commerce avec le bien, le mal, le beau, le laid, le faux, le vrai.
En conclusion, rien n’est fiable, rien n’est tangible, rien n’est certain, mais toute contribution apporte un peu de compréhension et de sens à notre époque. Alors après ces quelques liminaires, je m’y colle, mais en survol, sans prise de tête, je livre mon sentiment sur le temps présent.

Rien de fulgurant. Votre serviteur aura juste noté que l’atmosphère est délétère, moisie, que les rapports sociaux ne vont pas forcément dans le sens d’un apaisement, du moins dans la vie ordinaire. On note quelques tensions, entre riverains, entre piétons et cyclistes, entre fratries, phratries, souvent dans le monde du travail. Mais, en transposant une notion de Finkielkraut, nous n’en sommes pas à une guerre civile à bas bruit, bien que cela nous pende au nez, avec quelques développements à suivre moins inoffensifs si la barbarie se lâche. Le sens de cette époque, ou plutôt, de ce passage, qui a commencé il y a dix ans ou plus et qui durera quelques années, c’est que l’individualisme est largement installé et, chose nouvelle et paradoxale, la société française a fini de miser sur l’avenir, de croire en elle, d’investir en termes humains. En termes financiers, c’est autre chose. Investir n’est pas forcément la notion adéquate, miser est plus approprié pour désigner le jeu de la finance qui se contrefout de tous les soubassements moraux, humains, éthiques, et qui prend le monde comme un grand casino où se font les profits. Peu importe qui crève ou jouit, le gain est le seul objectif !

Et la société, car c’est elle qui assure l’intendance de ce jeu ? Eh bien je crois qu’elle résiste un peu, dans quelques zones, avec quelques individualités, des citoyennetés, mais que c’est un mouvement qui s’étiole, d’année en année. La rupture arrive. Chacun pense à sauver ses intérêts et la conscience collective, le sens d’un partage républicain, le souci de l’autre, l’espérance pour un autre monde en partage, l’exigence d’équité, la pratique de la solidarité en forme de don, l’aspiration esthétique, l’élan vers l’excellence, tout ça se décompose peu à peu, sous l’effet de différents facteurs que l’on sait très bien cerner, mais pas résoudre en inversant la tendance. L’heure est aux comptes plus qu’à l’avenir. Aux sauvetage des systèmes de retraite, de santé, au salut individuel. L’esprit de rente a gagné la France et le reste du monde occidental. Chacun fait ses comptes et veut sauver ses gains, du moins à partir d’un certain âge sinon un âge certain. Il n’y a plus aucun pari ni dessein sur l’avenir, à part l’icône Sarkozy.

C’est mieux qu’en 1940 parce que c’est plus léger, moins violent, mais c’est moins qu’en 1940 parce qu’il n’y a plus d’élan historique, de valeurs à défendre, de combat à assumer et de nouveau monde à installer. La préoccupation de la majorité, c’est le compte en banque, l’épargne, les sous. Ne soyons pas aveugles, nous en sommes tous là. Et la jeunesse, elle n’a pas la puissance de renverser cette situation et se coule dans le moule de l’adaptation où chacun cherche à sauver son existence. Ce monde paraît effroyable et pourtant, il n’est que le reflet et la résultante de la nature humaine. L’instinct de survie transfiguré en instinct de rentier et de revendication d’avantages et de droits, signe l’atmosphère de notre temps. J’en suis convaincu. Et cela permettra de maintenir en l’état ceux dont l’existence repose sur de la matérialité, en aggravant la condition de ceux qui voudraient accéder à la matérialité. Ceux qui ont quelque commerce avec la spiritualité ont un atout dont ils peuvent se servir diversement, en venant au chevet de cette société qui tombe, ou en prenant quelque distance à l’instar de l’anarque pensé par Jünger. En conclusion, tout est possible puisque la situation est désespérée !


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18 réactions à cet article    


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 14 septembre 2007 12:22

    Paris capitale du monde ?

    Du temps de Baudelaire et Flaubert, comme disait Walt Benjamin,

    Hey, Demian, viens me vois, j’ai construit une machine à remonter le temps avec les plans de Wells, c’est ta seule chance si tu veux revenir dans le 21ème siècle, sinon, tu sera damné, condamné à écouter du Offenbach jusqu’à la fin de tes jours


  • Marsupilami Marsupilami 14 septembre 2007 12:31

    @ Trolliban

    Ma tante était fonctionnaire à l’INSEE, et pourtant je ne suis pas statisticien. Dégage, artiste raté et va te faire mettre dans ton hammam branchouille germanopratin. Ici on évoque un sujet sérieux.


  • Barbathoustra Barbathoustra 14 septembre 2007 18:34

    On raconte que vous auriez proposé de l’argent à Steevy Boulay pour devenir votre ami mais que celui ci aurait refusé, vous jugeant trop vulgaire cher D ; c’est vrai ça ?


  • Marsupilami Marsupilami 14 septembre 2007 12:41

    @ Bernard

    Tu as l’air tout chose alors je te fais un gros Bécaud pour te consoler : « La place rouge était vide, j’ai pris mon Minc, il a souri, il avait un joli nom mon guide, Attali ».


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 14 septembre 2007 13:37

      «  »« Et cela permettra de maintenir en l’état ceux dont l’existence repose sur de la matérialité, en aggravant la condition de ceux qui voudraient accéder à la matérialité »«  »

      résonance avec la question de la situation des jeunes adultes, évoquée ce jour, en synchronicité avec ce billet


    • maxim maxim 14 septembre 2007 14:32

      bonjour Bernard Dugué ..... au fil de tous vos articles ,on perçoit le reflet de vos états d’âmes ,avec cette pointe de nostalgie, : c’était mieux avant ,et ça va de pis en pis ,tout fout le camp ,y’a plus rien ,ce que l’on a toujours entendu à chaque évolutions de la société ,ce que disaient nos parents ,leurs parents ,ce que nous entendions nous mêmes étant plus jeunes et ce que diront nos enfants étant plus vieux ...... alors une bonne fois pour toutes donnez nous votre vision d’une société idéale ........


      • Garp Garp 14 septembre 2007 18:54

        « Sincérement, tout le monde regarde son compte en banque comme vous dites, alors je prefere presque un frimeur égoiste mais energique qui’ s’assume plutot qu’un(e) hypocryte qui pretendrait se soucier de La situation tout en ne pensant qu’a la sienne. »

        J’avais entendu dire que les paradoxes étaient attirant et j’imaginais niaisement qu’une représentante de cette fameuse « gauche-caviar » prétendant aider son prochain pouvait avoir ses chances mais mes compatriotes m’ont prouvé le contraire. Finalement le français moyen à penchant sarkozyste est beaucoup plus pragmatique que ça ; limite cynique. Il préfère se faire entuber sciemment par la france d’en haut ayant perdu tout espoir que les choses changent. Parce que de milieu aisé, Ségo ne pourrait pas prétendre aider les petites gens ? Ca fait hypocrite dit-on ?

        Qu’on fustige Ségo sur son manque d’énergie et d’initiative, je peux le comprendre mais qu’elle soit taxée d’hypocrisie par le simple fait qu’elle est « de la haute » et qu’elle affiche une volontée un peu plus humaniste que notre nain agité et interventionniste ; je comprends beaucoup moins.

        Dans 5 ans quand notre sarko-votant n’aura plus de protection sociale, plus de pouvoir d’achat mais plus de travail pour le même salaire, est-ce qu’il continuera à regarder son voisin moins bien lôti que lui pour se rassurer qu’il a fait le bon choix ? smiley


      • libremax libremax 14 septembre 2007 16:00

        Ce n’est pas cela un réactionnaire ? Allez, attendons nous au pire, nous serons jamais déçu smiley


        • Bernard Dugué Bernard Dugué 14 septembre 2007 16:52

          La conclusion est un clin d’oeil à Gramsci

          Pessimisme de la lucidité mais optimisme dans l’action


        • Barbathoustra Barbathoustra 16 septembre 2007 14:55

          Rien de bien étonnant ; l’action etant par essence opposée à toute tentative de lucidité. Puisque qui dit action dit nécessairement but à atteindre, désir à assouvir, lutte à mener. C’est pas à un nietzschéen que je vais apprendre ça quand même ...

          Même Albert Caraco dans son brévière du chaos faisait encore preuve de quelque optimisme dans son espoir de voir renaitre un jour l’humanité après l’anéantissement des « masses de perdition ». C’est ce qui différencie à mon avis le simple pésimiste du nihiste complet qui ne peut quand à lui qu’exister dans le néant ; j’entends par là en se donnant la mort. Or le nihiste se suicide généralement très peu ( contrairement à Nietzsche qui lui avait par 2 fois tenté de se donner la mort ).


        • Barbathoustra Barbathoustra 16 septembre 2007 14:58

          pésimiste du nihiste *

          péssimiste du nihiliste ... y’a de la relache ...


        • Francis, agnotologue JL 14 septembre 2007 19:26

          Le titre à lui seul résume l’article : « Soyons optimistes puisque tout est foutu’ » ou plus abruptement : « tout est dans tout, et réciproquement ».

          Que peut-on attendre de plus de notre auteur, puisque le pessimisme est antinomique de la foi ?


          • herbe herbe 15 septembre 2007 18:37

            dans cette petite histoire extraite de la bible :

            http://www.zebible.com/zewiki/Luc:J%C3%A9sus_chez_Marthe_et_Marie

            on trouve une illustration sur l’opposition entre spiritualité et matérialité.

            Il faudrait peut-être arrêter de les opposer mais simplement les prioriser ?


            • Christophe Christophe 15 septembre 2007 23:46

              @Bernard,

              Votre constat est très proche de celui de Lucien Sfez : dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même, dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, que des symboles trop usés ne parviennent plus à unifier.

              Certes vous l’attibuez à l’individualisme, mais il me semble que ce terme est galvaudé ; nous sombrons plutôt dans l’égoïsme, voir l’égocentrisme.

              Quant à l’intérêt individuel comme seul vecteur comportemental n’est pas le comportement exclusif naturel en soit ; le véritable comportement naturel est surtout l’adaptation, et la plupart tentent de s’adapter au système dans lequel nous sommes qui ne prône que l’intérêt individuel, même au détriment des autres.

              Le pire dans toute cette affaire est que ceux qui se comportent ainsi se pensent libéraux ; alors qu’ils se comportent dans un pur conformisme ! smiley


              • Francis, agnotologue JL 16 septembre 2007 09:16

                Pour aller dans le sens de Christophe, il y a des dizaines d’années que des chercheurs nous mettent en garde.

                Par exemple, au hasard, « L’homme machinal » sous-titré : « Technique et progrès : anatomie d’une trahison » aux éditions Syros Alternatives, de P. Forget (Dr en philosophie morale et politique)et G. Polycarpe polytechnicien diplômé de l’ENSTA).

                4è de couv. , je lis :

                " Sommé d’être une bête d’agir, immergé dans les béatitudes de son efficience, l’homme court après son annulation. Les idéaux sont décrétés inutiles, les idées impuissantes. Sous les feux du spectacle, la politique plaide pour sa disparition, le juste s’évanouit, dans l’ajustement, la liberté s’éclate jusqu’à la servitude.

                Pourquoi ?

                Efficacité et vitesse : la technique règne, impose ses règles. Appropriation totale de la planète par le calcul, elle transforme la Terre et ses habitants en stocks combustibles, en fluides d’énergie.

                Inexorable, subreptice, le totalitarisme post démocratique enlace l’existence de ses rets. Homme, peuple, droit s’effacent sous l’empire des secteurs et des compétences, des appareils et des connivences. Nous voyageons vers un monde sans fenêtres. Sommes-nous voués à devenir machinaux ?

                Auguste, radicale et sophistique, une République-site doit naître pour maîtriser la logique de ces réseaux et de ces flux en folie qui arasent l’humanité. Vivifiée par les savoirs, mesurée à l’aune d’une écologie politique, elle incendierait la mélancolie technicienne par la jubilation d’un nouveau lien social. Habiter la technique, tel est l’enjeu."

                Pour comprendre ce que les auteurs entendent par République-site, il faut entrer dans le texte.

                Je lis, page 218, entre autres, ce passage si pertinent aujourd’hui :

                « En République, l’Etat ne domine pas la société. Il la sert. Abus de langage que de parler d’Etat sous le gouvernement républicain ; laissons cette dérive au régime de Vichy. Le peuple républicain ne se reconnaît pas de chefs ; il a simplement des commettants et dispose d’administrations. »

                En 2007, non seulement l’Etat UMP dirige la société, mais ses zélateurs dans les médias nous présentent les élus comme « les dirigeants », certains ont même le culot de parler de « dirigés » au sujet des citoyens ! N’invoque-t-on pas régulièrement « les élites » ? Et bientôt les Ilotes ?

                Revenons à l’Homme machinal. Les auteurs terminent leur ouvrage en écvoaquant le mythe de la méduse, qui « loin d’être un rêve obscur, éclaire notre monde ... La Technique a médusé le progrès ».


                • Harald 16 septembre 2007 15:59

                  « (...)Un Attali peut nous dire, avec l’aura de sa docte scientificité, ce que seront les cinquante prochaines années. Certains buvent ces paroles, d’autres font semblant de les croire.(...) »

                  « 50 prochaines années », « buvent » ?

                  bah ! l’humanité n’en a plus que pour 30 ou 40 ans, alors, vidons nos caves, sabrons nos bouteilles de champagne, boivons-les smiley jusqu’à l’hallali,... euh..., non, jusqu’à la lie, et soulons-nous.

                  Soulons-nous pour oublier qu’au cours des 50 dernières années nous avons dévoré 50% des richesses de notre Terre, et que nous dévorerons le reste dans les 25 prochaines.

                  Soulons-nous pour oublier l’héritage que nous laissons à nos enfants :
                  - la stérilisation prochaine des terres cultivables,
                  - une répartition cataclysmique des eaux potables,
                  - des tempêtes, des ouragans, des catastrophes « naturelles » jaillissant de toute part,
                  - des exodes massifs devant la montée des eaux,
                  - la famine et la guerre pour les plus pauvres,
                  - des États policiers et militaires pour les plus riches, ce petit nombre de nantis se protégeant des hordes de gueux.

                  Oui ! Boivons amis ! Boivons à cet avenir radieux et soyons OPTIMISTES ! smiley


                  • Iren-Nao 17 septembre 2007 09:34

                    Avons nous besoin de pretexte pour boiver ainsi, je suis sur que non, mais ca mange pas de pain.

                    Voici revenir le temps ou la barbarie va redevenir necessaire tant le gateau va etre maigrichon a partager.

                    Le sentimentalisme germano pratin va vite etre depasse.

                    La France eternelle en a vu d’autre, mais la periode qui s’annonce va pas etre vacanciere..

                    Il y a belle lurette que des gens dont les noms ne sont meme plus citables annoncent tout cela.

                    Que le Diable marche avec nous les gars.

                    Oui, ca vaut le coup de boiver un bon coup.

                    Salam aleikoum

                    Iren-Nao


                    • Francis, agnotologue JL 17 septembre 2007 11:43

                      "Tout est perdu sauf l’honneur.

                      Le réchauffement planétaire, c’est comme l’alcool, ça tue lentement, et GWB n’a plus le temps. Faire péter la planète pour le compte de dieu, voila qui serait grandiose.

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