Staline ouvre la voie à Hitler et à la liquidation des communistes allemands
Le PCUS devient un parti monolithique
En 1927, Staline ayant réussi à interdire l’Opposition de Gauche dans le PCUS, il ne lui reste plus qu’à faire interdire l’opposition de droite. Ce sera chose faite facilement. Il lui suffit de se retourner contre Boukharine, son allié de la veille. Celui-ci comprend vite ce que veut Staline. Il dit à Kamenev :
« C’est un intrigant sans principe qui subordonne tout à sa soif de pouvoir. (…) Il nous a fait des concessions pour pouvoir nous couper la gorge. (…) Il ne connaît que la vengeance et le poignard dans le dos. (…) Il nous tuera tous ! C’est un nouveau Gengis Khan, il nous étranglera. (…) Les divergences entre nous et Staline sont infiniment plus sérieuses que nos anciennes divergences avec vous. (…) Il change ses théories selon le besoin qu’il a de se débarrasser de quelqu’un à tel ou tel moment » (« Le parti bolchevique » de Broué. p. 282).
Boukharine résiste un moment (voir le chapitre « l’opposition de droite » dans « Le parti bolchévique » de Pierre Broué) mais il est finalement exclu du Bureau Politique en novembre 1929. Toute l’opposition de droite capitule. Elle fait une déclaration qui préfigure ce que seront prochainement les aveux des accusés lors des procès de Moscou.
« Nous estimons de notre devoir de déclarer que, dans cette discussion, le parti et le comité central avaient raison. Nos vues, présentées dans des documents connus, se sont révélées erronées. En reconnaissant nos fautes, nous ferons pour notre part tous nos efforts pour mener en commun avec tout le parti une lutte résolue contre toutes les déviations de la ligne générale et en particulier contre les déviations de droite et la tendance conciliatrice, afin de surmonter toutes les difficultés et d’assurer la victoire la plus rapide de l’édification socialiste »
Quelques mois auparavant, en février 1929, Trotsky a été exclu de toute l’Union Soviétique. Il quitte donc Alma Ata pour se réfugier en Turquie sur l’île de Prinkipo, dans la mer de Marmara, à proximité d’Istanbul.
Désormais, le PCUS est un parti parfaitement monolithique qui ne tolère aucune « déviation de la ligne générale ». Ce sera bientôt un modèle pour tous les partis communistes. En particulier, dans le PCF, les militants continueront à parler du « centralisme démocratique » pour justifier l’obéissance aveugle envers la direction. L’indispensable « fidélité au parti » sera pour tous la stricte interdiction de critiquer quoi que ce soit. Les militants avaleront sans broncher les pires abominations. Bientôt ils obéiront aux ordres et même aux plus débiles d’entre eux. Il leur sera ordonné de ne pas adresser la parole aux trotskystes voire même parfois de passer à des agressions physiques…
Staline ne veut plus de révolutions socialistes victorieuses
Quand la deuxième Révolution Allemande (1923) a échoué, Staline n’y était pour rien. Il n’avait pas d’autorité particulière sur la troisième internationale. Il commence à prendre en main l’Internationale communiste lorsque Boukharine, à la fin de 1926, est désigné par le bureau politique du parti russe pour succéder à Zinoviev à la tête de l'IC. Staline s’était en effet allié à Boukharine pour écarter Zinoviev et Kamenev. Staline écartera ensuite Boukharine de la direction de l’IC dès le lendemain de la clôture du VIème Congrès de l’Internationale Communiste, en septembre 1928.
Jusqu'à 1923, Lénine et Trotsky considéraient que des dirigeants de l'internationale commettaient des erreurs avec une politique souvent trop sectaire-gauchiste. Ce fut notamment le cas en Allemagne. C'était pour cela que Lénine avait écrit : "La gauchisme, maladie infantile du communisme."
Maintenant, Staline veut pouvoir décider de l’orientation de tous les partis de l’internationale et plus particulièrement de l’orientation du KPD. Ce parti est réorganisé de fond en comble. Les assemblées générales, vieille tradition démocratique, sont interdites. Tous les « fonctionnaires » doivent être désormais des camarades qui se placent sur la ligne du parti. Le parti est domestiqué. Thaelmann, sauvé par Staline, sera son homme de main, jusqu’à la fin, avec Walter Ulricht. La politique du KPD sera maintenant une politique criminelle délibérée impulsée par Staline pour mettre en échec le mouvement ouvrier, faire obstacle à la révolution. L’échec de la révolution chinoise inaugure la nouvelle politique internationale de Staline. Celui-ci ne veut plus de révolutions socialistes victorieuses pas plus en Allemagne qu’en Chine et nulle part ailleurs car il veut asseoir le « socialisme dans un seul pays ». Staline va donc imposer un nouveau cours à l’Internationale Communiste.
Staline a fait cyniquement cet aveu plus tard lorsqu’il a été interviewé le 11 mars 1936 à Moscou par Roy Howard, l'un des plus grands journalistes de la fameuse chaîne américaine « Scripps‑Howard Newspapers ». Ses déclarations avaient suscité beaucoup de commentaires.
L'Humanité en avait publié une traduction intégrale dans son numéro du 6 mars 1936. En voici un extrait (Publié dans « Les déclarations et les révélations de Staline »).
- Howard : « Votre déclaration signifie‑t‑elle que l'U.R.S.S. renonce dans une mesure quelconque à ses plans et desseins de faire la révolution mondiale ? »
- Staline : « Nous n'avons jamais eu de semblables plans et desseins. »
- Howard : « Mais (…) »
- Staline : « Ceci résulte d'un malentendu. »
- Howard : « D'un malentendu tragique ? »
- Staline : « Non, comique, ou plutôt tragi‑comique. »
Ignace Reiss fait référence à cet interview quand il parle dans sa dernière lettre des « confidences à Howard. »
La ligne « de la troisième période »
Rappelons que le KPD (Parti communiste allemand) semblait en 1923-24 être l’organisation la plus porteuse au niveau mondial des intérêts de la classe ouvrière. Les militants du KPD avaient d’apparentes bonnes raisons pour détester le SPD. Ils s’étaient battus contre lui notamment au cours de « la semaine sanglante » du 6 au 13 janvier 1919. L’écrasement de cette révolte et sa répression menée par le ministre du SPD Gustav Noske fut terrible. Les grands leaders du mouvement ouvrier, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg avaient été assassinés le 15 janvier soit deux jours après « la semaine sanglante de la révolte spartakiste ». On peut dire que les militants du KPD avaient plus de raisons de rejeter le SPD que quiconque n’en a aujourd'hui pour rejeter Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel ou Jean-Christophe Cambadélis. Et pourtant, ce fut une politique criminelle dictée par Staline de ne pas chercher l’unité.
Le VIème congrès du Komintern de juillet/août 1928 a défini la ligne ultra-gauche de la « Troisième période » en complète contradiction avec la stratégie et les tactiques développées par les quatre premiers congrès de l’Internationale communiste sous la direction de Lénine et Trotsky. En même temps, ce VIème congrès place le Komintern sous la domination exclusive de Staline. Depuis 1914, Boukharine et Staline distinguent trois périodes : la vague de guerre et de révolution (1ère période), suivie d’un reflux (2e période) et, depuis 1926, la troisième période qui serait une « période d’édification ». Ce congrès a décidé que la politique révolutionnaire était incompatible avec toute forme de collaboration politique avec les partis sociaux-démocrates de masse, même dans l’intérêt d’une défense mutuelle contre l’Etat bourgeois et le fascisme. D’après Staline, la social-démocratie était la jumelle du fascisme. Elle en était l’aile gauche. D’ailleurs, il indiquait qu’il n’y avait guère de raison de craindre le fascisme qu’il convenait de ne pas diaboliser. Dans un article intitulé « Sur certaines fautes du PCA dans la lutte contre la social-démocratie », Thaelmann écrivait :
« Nous-mêmes, fascinés quelque peu par le problème du fascisme, nous avons été trop souvent enclins, au lieu de ranger le fascisme parmi les multiples formes de la dictature de la bourgeoisie, à le placer parmi les formes les plus hautes de cette dictature. Quelle erreur ! Il y a des gens à qui les arbres du national socialisme cachent la forêt de la social-démocratie (…) Pour triompher des fascistes, il faut dénoncer devant les travailleurs le parti social-démocrate allemand, son alliance avec le fascisme. »
En dépit de la menace montante du fascisme, les staliniens se sont opposés à toute forme d’action de front uni de la part des forces combinées du Parti communiste et du Parti social-démocrate contre Hitler. Les staliniens ont affirmé que la victoire de Hitler était préférable à la collaboration avec les « sociaux-fascistes ». Ils affirmaient qu’un régime nazi s’effondrerait rapidement et la voie serait alors ouverte à une victoire du Parti communiste.
La Xème assemblée plénière de l’Internationale, en juillet 1929, achève de préciser la ligne, esquissée au VIème congrès, avec l’élaboration de la théorie du social-fascisme, qui fait de la social-démocratie l’ennemi numéro un des communistes. Manouilski, devenu président de la IIIème Internationale, affirme dans son rapport :
« De plus en plus, la social démocratie prendra à la bourgeoisie l’initiative de la répression contre la classe ouvrière. (…) Elles se fascisera. Ce processus de transformation de la social- démocratie en social-fascisme a déjà commencé »
Au début des années 30, le KPD traitait les socialistes du SPD de sociaux-fascistes au moment même où le parti nazi se développait. Les nazis pouvaient faire de l’humour cynique du style : « Ces crétins ne savent pas ce qu’est le fascisme. Ils vont le découvrir quand nous serons au pouvoir. Nous les enverrons tous dans des camps de concentration ».
Voici une citation exacte de ce qu’ils écrivaient dans leur journal le « Nationalsozialist » :
« Mais ce qui est plus comique et grotesque que toutes les injures est [...] l'hommage tout à fait injustifié fait aux sociaux-démocrates désignés comme des fascistes. Présenter la masse petite bourgeoise de la IIème Internationale, la bande juive, les ennemis mortels du fascisme italien, comme fascistes, il faut pour cela une gymnastique cérébrale peu ordinaire... Mais patience ! Communistes et socialistes, autrement dit marxistes, auront bientôt l'occasion d'apprendre ce que signifie le fascisme ».
La politique stalinienne interdisait au KPD de s’unir avec le SPD pour faire face à la montée du nazisme. KPD et SPD avaient d’ailleurs chacun leur organisation de combat : le « front de fer » pour le SPD et le « front rouge » pour le KPD. Trotsky a lutté de toutes ses forces contre cette politique démente et défaitiste. Il proposait la politique du FUO (Front Unique Ouvrier) pour unir le SPD et le KPD contre les nazis telle qu’elle avait été élaborée dans les quatre premiers congrès de la IIIème internationale.
Thaelmann, le principal leader du KPD tonnait : « La création du prétendu "Front de fer" social-démocrate [...] est la tentative d'une plus grande activité fasciste ». Il assimilait donc l’activité du « front de fer » (des socialistes) à une activité fasciste. Il écrivait : « Sans la victoire de notre lutte contre la social-démocratie, nous ne pourrons vaincre le fascisme ». Il donnait la priorité au combat contre le SPD plutôt qu’à la lutte contre les nazis. Il fallait selon lui commencer par battre le SPD avant de lutter contre le nazisme.
En dépit de la menace montante du fascisme, les staliniens se sont opposés à toute forme d’action de front uni de la part des forces combinées du KPD et du SPD contre Hitler. Les staliniens ont préféré aller jusqu’à affirmer que la victoire de Hitler était un moindre mal que la collaboration avec les « sociaux-fascistes, » parce que, d’après les théoriciens du Kremlin, un régime nazi s’effondrerait rapidement et la voie serait alors ouverte à une victoire du Parti communiste.
Cela a amené à la catastrophe de la prise du pouvoir par Hitler en 1933 après l’élection d’Hindenburg en 1932 qui n’est pas sans nous rappeler l’élection de Macron. En effet, les Besancenot de l’époque avaient appelé à voter pour Hindenburg, en se bouchant le nez, afin, d’après eux, de voter contre Hitler. Être trotskyste s’est aussi avoir assimilé cette leçon. Nous en reparlerons.
Le 30 janvier 1933, Hitler est arrivé au pouvoir sans qu’un coup de feu ne soit tiré et la classe ouvrière internationale a subi la plus grande défaite de son histoire. A partir de ce moment, nazisme et stalinisme vont monter en puissance parallèlement. La répression va s’abattre sur le mouvement ouvrier et son avant-garde.
La nazification de l’Allemagne
En Allemagne le parti nazi (NSDAP) s’impose dans toute la société avec une étonnante fulgurance par des moyens légaux et illégaux et surtout par un recours à la violence. En quelques mois la société allemande s’est métamorphosée.
Les nazis promulguent des lois leur donnant les pleins pouvoirs pour diriger le pays. Joseph Goebbels est nommé, le 11 mars 1933, ministre de la Propagande, et se voit chargé de contrôler et de mettre en place une propagande habile et intensive dans la presse, la radio et le cinéma. Le 10 mai 1933, des étudiants et bibliothécaires « nettoient » les bibliothèques universitaires des ouvrages écrits par des auteurs jugés « indésirables » – libéraux, pacifistes, socialistes et juifs. Dans de gigantesques bûchers, des milliers de livres sont brûlés notamment ceux de Voltaire, Marx, Heinrich, Freud, Einstein, Brecht… L’ensemble des activités culturelles du pays est placé dès septembre 1933 sous l’autorité de la « Chambre culturelle du Reich ».
L’élimination des communistes et une des priorités d’Hitler. L’incendie du Reichstag qui survint dans la nuit du 27 au 28 février 1933 est immédiatement exploité pour accuser les communistes. La thèse du complot communiste a été rejetée lors d’un procès qui s’est déroulé à Leipzig en septembre 1933. Mais, entre-temps, toutes les dispositions ont été prises pour que la répression s’abatte contre les communistes et tout le mouvement ouvrier. Dès le lendemain de l’incendie, Hitler soumet un décret à Hindenbourg « pour la protection du peuple et de l’Etat ». Ce décret est aussitôt approuvé par Hindenbourg en application de l’article 48 de la constitution qui est similaire à l’article 16 de notre constitution de la Vème république. Il mentionne dans son préambule que ses dispositions sont ordonnées pour contrer les violences communistes qui mettent l'État en danger. En son article premier, le décret prévoit que les restrictions à la liberté personnelle, au droit de la libre expression des opinions, y compris la liberté de la presse, les restrictions aux droits de réunion et d'association, les violations du secret des communications [...], les mandats de perquisition, les ordonnances de confiscation [...] sont autorisées au-delà des limites légales. Un autre décret le 1er mars assimile l’incitation à la grève à de la haute trahison. Le 6 mars le KPD est interdit et tous les députés communites sont emprisonnés. Au printemps 1933 plusieurs dizaines de milliers de communistes et sociaux-démocrates sont envoyés dans des camps de concentration
La presse communiste ainsi que quelques journaux socialistes sont interdits et la milice du parti nazi, la SA, obtient le statut de police auxiliaire et se charge de traquer militants et responsables de l'opposition de gauche. Le KPD a été infiltré par les services de renseignements du parti nazi. Pierrre Broué écrit (« Trotsky p. 729) :
« Des hommes connus jusqu'alors comme des dirigeants du Front rouge, des comités de chômeurs et autres organisations de masse, proches des organismes de direction, inflexibles dans la persécution des oppositionnels, apparaissent du jour au lendemain en uniformes de S.A. ou dans un bureau de police, dirigeant personnellement perquisitions et arrestations, interrogatoires même de militants arrêtés grâce à eux et par leurs soins. De telles découvertes, on s'en doute, accélèrent l'effondrement de l'appareil, le découragement et l'isolement des militants qui tentent de maintenir des éléments d'organisation.
Tout s'est déroulé très vite à partir de l'incendie du Reichstag, pièce maîtresse de la provocation au moyen de laquelle Hitler cherche à se débarrasser du Parti communiste dans un premier temps. Ce dernier est interdit le 1er mars, 4 000 de ses membres, des cadres essentiellement, sont arrêtés le jour même et le lendemain. A partir du 3 mars, se déroule, sur une plus vaste échelle, une véritable chasse aux communistes qui ne provoque que peu de réactions. Pourtant, à Oranienburg, un détachement de défense ouvrière organisé par un oppositionnel du P.C., Helmuth Schneeweiss, accueille à coups de feu le commando S.A. qui tente de pénétrer dans le quartier ouvrier. Le même jour, Thälmann, chef du K.P.D. est arrêté dans l'appartement où il se cachait à Berlin. »
Dans ses priorités, Hitler vise aussi le milieu universitaire. Il veut que celui-ci soit contrôlé par les nazis. Ceux-ci s’appuient pour cela sur l’union nationale-socialiste des étudiants NSDStB créée dès 1926 et qui avait donc noyauté le milieu étudiant bien avant 1933. Les nazis ont opéré une véritable « purge » du corps des enseignants. Rien qu’entre 1933 et 1934 environ 1 680 enseignants universitaires ont été licenciés ou forcés de démissionner soit 14,4%. La Gleichschaltung (mise au pas) avait pour but de mettre la formation universitaire au service exclusif des objectifs du national-socialisme en obtenant, d’une part, qu’elle se concentre sur la propagation de la Weltanschauung (conception du monde) raciste et impérialiste nazie en éliminant toute voix discordante et, d’autre part en fournissant à la société totalitaire des cadres civils et militaires loyaux et dévoués.
A partir de 1933, seuls les nazis agréés pouvaient soutenir une thèse et faire l’objet de nominations universitaires. La « nazification » fut totale lorsqu’en 1936 tous les étudiants furent placés sous l’autorité du chef de la NSDStB (association des étudiants nazis). Au départ c’est l’association des étudiants nazis qui est le principal outil de la nazification. Ces étudiants fanatiques se chargent de faire la chasse aux enseignants juifs, communistes, socialistes… Une association d’enseignants nazis (NSDDB) s’est alors mise en place. Dès 1935 celle-ci était en mesure d’épauler l’association des étudiants dans cette « nazification » du milieu universitaire. Un enseignant sur quatre était alors membre de cette organisation nazie très sélective puisqu’en plus d’être membre du parti nazi il fallait être parrainé par deux nationaux-socialistes éprouvés. Cette association jouait un rôle dans les nominations, promotions et mutations des enseignants en épaulant et contrôlant l’administration universitaire. Le zèle partisan des enseignants nazis a eu dès lors plus d’importance que leurs qualités scientifiques et pédagogiques pour ceux qui voulaient obtenir des promotions. Pour les postes supérieurs (doyen, recteur, directeur…), il ne suffisait plus d’être membre du NSDAP. Une sélection plus sévère devait garantir qu’ils seraient prêts à participer activement à cette mise-au-pas de l’université. Parmi ceux qui ont été ainsi sélectionnés, rappelons que se trouvait Walter Hallstein qui sera le président de la CEE.
Le 14 juillet 1933, toutes les formations politiques sont interdites au profit du parti nazi, décrété parti unique. Ce parti avait été un instrument de la prise du pouvoir par Hitler. Il devient dès lors l’instrument de la nazification de la société. Le schéma selon lequel il y aurait eu deux minorités aux extrémités de la société : d’un côté une minorité de résistants et de l’autre une minorité de nazis doit être revu. Avec ce schéma, la grande masse des allemands auraient été des « monsieur-tout-le-monde » qui ne se mêlaient pas de questions de politique. Non ! Nous sommes très loin de ce schéma. Le parti nazi a compté environ 11 millions d’adhérents. J’ai calculé que cela faisait approximativement 1 homme adulte sur 2 et 1 femme sur 10 (voir le détail du calcul dans mon article : « Walter Hallstein était un nazi »).
Précisons que diverses organisations directement liées au parti nazi ont joué un rôle de premier plan dans tout ce processus. Les plus connues sont sans doute les SA (sections d’assaut) et les SS (SchutzStaffel - groupe de protection). Mais il y en avait d’autres. Voici la liste de celles qui étaient intégrées au parti nazi :
- SA : Les sections d’assaut
- SS : Schutzstaffel. « Escadron de protection »
- NSKK : Corps de transport National-Socialiste (transport de troupes, de matériel, de munitions, déportation des juifs). Organisation para-militaire.
- HJ : Les jeunesses hitlériennes
- NSDStB : Les étudiants hithériens
- NS : Les femmes nazies.
- NSDDB : Association Nationale-Socialiste des enseignants
Elles constituaient la colonne vertébrale du NSDAP. Elles ont joué un rôle majeur dans la montée en puissance de ce parti puis dans la diffusion et la suprématie de l’idéologie nazie dans tous les secteurs de la société. Elles étaient en fait, à elles seules, l'expression du nazisme autant voire plus que le parti lui-même.
Les syndicats sont remplacés par un nouvel organisme corporatiste, le « Front du travail », contrôlé par les nazis. Les discours officiels sont désormais prononcés au cours de grandes cérémonies soigneusement orchestrées, rythmées par des musiques et des défilés.
Les mouvements de jeunesse, aux premiers rangs desquels figurent les Jeunesses Hitlériennes, enrôlent et mobilisent les jeunes Allemands. Au sein de son propre camp, Hitler ne garde que les éléments les plus dévoués et les plus disciplinés. Des militants de la SA sont éliminés lors de la « Nuit des longs couteaux, du 29 au 30 juin 1934 », au profit des SS (Schutzstaffel – groupe de protection) dont le chef, Heinrich Himmler, est investi des pleins pouvoirs de police.
À partir de 1934, les fonctionnaires sont contraints de prêter un serment de loyauté à Hitler.
Une loi adoptée le 14 octobre 1933 permet la détention des individus pour une durée indéterminée, tant que les autorités de police l’estiment nécessaire et sans qu’aucun jugement ne soit prévu. En application de cette loi des camps de concentration sont ouverts dès 1933 : Dachau, Oranienburg et Emsland. Dès leur entrée dans les camps, les Juifs font l’objet d’un traitement particulièrement brutal, beaucoup y sont assassinés ou meurent d’épuisement.
Les réfugiés sont parqués dans des camps avant d’être livrés aux nazis
Dans ce contexte, les communistes, les socialistes, les juifs, les intellectuels écrivains et artistes comprennent vite qu’ils sont menacés et beaucoup essaient de fuir le pays ce qui n’est pas toujours facile. Ce n’est pas d’aujourd’hui, qu’existe dans les États européens, une certaine obsession du « risque migratoire ». Les gouvernements barrent l’accès à leur territoire, des exilés qui fuient en masse le nazisme. Les analogies sont troublantes entre l’attitude des États à l’égard des Juifs et des communistes dans les années 1930 et ce que nous connaissons aujourd’hui. Hitler pouvait faire de l’humour sur « ces juifs dont personne ne veut » car tous les Etats étaient réticents pour accueillir les réfugiés allemands.
Les réfugiés juifs, communistes et sociaux-démocrates qui arrivent cependant à l’étranger sont parqués dans des camps que ce soit en France ou en Russie. Dans ces deux cas, ils seront livrés aux nazis. Staline livrera ceux qui se sont réfugiés en URSS en application d’une clause secrète du pacte Hitler-Staline du 23 août 1939 et le gouvernement français les livrera en application de la convention de l’armistice du 22 juin 1940. Le PCF ne protestera ni dans un cas ni dans l’autre. En effet, jusqu’à l’opération Barbarossa du 22 juin 1941, la direction du PCF couvre la politique d’Hitler.
44 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON