(Suite)
Staline face à la guerre d’extermination des nazis (1)
Le 26 Novembre 1941, le 30e Corps d’armée, occupant un vaste territoire soviétique, avait ordonné d’enfermer dans des camps de concentration comme otages « tous les individus qui ont de la famille parmi les partisans », « tous les individus suspects d’être en rapport avec les partisans », « tous les membres du Parti et du Komsomol, aussi bien que les stagiaires », « tous les anciens membres du Parti » et « tous les individus qui occupaient des fonctions officielles ».Pour un soldat allemand tué, les nazis décidaient d’exécuter au moins dix otages.
Le 1er décembre 1942, lors d’une discussion avec Hitler sur la guerre des partisans soviétiques, le général Jodl a résumé la position allemande en ces termes :
« Dans le combat, nos troupes peuvent faire ce qu’elles veulent : pendre les partisans, les pendre même la tête en bas ou les écarteler. »
La bestialité avec laquelle les hitlériens ont traqué et liquidé tous les membres du Parti, tous les partisans, tous les responsables de l’Etat soviétique et leurs familles nous fait mieux comprendre le sens des Grandes Purges des années 1937-1938. Dans les territoires occupés, des contre-révolutionnaires irréductibles qui n’avaient pas été liquidés en 1937-1938 se sont mis au service des hitlériens, les renseignant sur tous les bolcheviks, leurs familles, leurs compagnons de lutte.
A mesure que la guerre à l’Est a pris un caractère de plus en plus acharné, la folie meurtrière des nazis contre tout un peuple s’est intensifiée. Himmler, s’adressant aux dirigeants SS, parlera en juin 1942 d’une « guerre d’extermination » entre deux « races et peuples » qui se sont engagés dans un combat « inconditionnel ». Il y a d’un côté « cette matière brute, cette masse, ces hommes primitifs ou plutôt ces sous-hommes dirigés par des commissaires politiques », de l’autre côté « nous, les Allemands ».
Une terreur sanguinaire, jamais pratiquée auparavant : telle fut l’arme par laquelle les nazis voulaient contraindre les Soviétiques à la capitulation morale et politique.
« Pendant les combats pour la prise de Kharkov, dit Himmler, notre réputation d’éveiller la peur et de semer la terreur nous précédait. C’est une arme extraordinaire qu’il faudra toujours renforcer. »
Et les nazis ont renforcé la terreur.
Le 23 août 1942 à 18 heures précises, un millier d’avions commencent à larguer des bombes incendiaires sur Stalingrad. Dans cette ville où vivent 600.000 habitants, il y a beaucoup d’immeubles en bois, des réservoirs d’essence, des réserves de carburants dans les usines. Eremenko, qui commande le front de Stalingrad, écrit :
« Stalingrad fut noyée dans les lueurs d’incendie, entourée de fumées et de suie. Toute la ville flambait. D’énormes nuages de fumée et de feu tourbillonnaient au-dessus des usines. Les réservoirs de pétrole paraissaient des volcans vomissant leur lave. Des centaines de milliers de paisibles habitants périssaient. Le coeur se serrait de compassion pour les victimes innocentes du cannibalisme fasciste. »
Il faut avoir une vue claire de ces réalités insupportables pour comprendre certains aspects de ce que la bourgeoisie appelle « le stalinisme ». Lors de l’épuration, des bureaucrates incorrigibles, des défaitistes et des capitulards furent frappés ; beaucoup parmi eux furent envoyés en Sibérie. Un Parti rongé par le défaitisme et l’esprit de capitulation n’aurait jamais pu mobiliser et discipliner le peuple pour contrecarrer la terreur nazie. Et c’est ce que firent les Soviétiques dans les villes assiégées, à Leningrad et à Moscou. Et même dans le brasier de Stalingrad, des hommes ont survécu, ne se sont jamais rendus et ont finalement participé à la contre-offensive !
Lors de l’agression allemande, en juin 1941, le général d’armée Pavlov, à la tête du front de l’Ouest, fit preuve d’incompétence grave et de négligence. Le 28 juin, la perte de la capitale biélorusse, Minsk, en fut la conséquence. Staline convoqua Pavlov et son staff à Moscou. Joukov note que « sur proposition du Conseil militaire du Front Ouest », ils furent traduits en justice et fusillés.81 Elleinstein se hâte de dire qu’ainsi « Staline continuait à terroriser son entourage ».82 Or, face à la barbarie nazie, la direction soviétique devait exiger une attitude inébranlable et une fermeté à toute épreuve et tout acte d’irresponsabilité grave devait être puni avec la rigueur nécessaire.
Lorsque la bête fasciste commença à recevoir des blessures mortelles, elle voulut reprendre courage en s’abreuvant de sang, en pratiquant le génocide contre le peuple soviétique tombé entre ses griffes.
Himmler déclara le 16 décembre 1943, à Weimar :
« Quand j’ai été obligé de donner dans un village l’ordre de marcher contre les partisans et les commissaires juifs, j’ai systématiquement donné l’ordre de tuer également les femmes et les enfants de ces partisans et de ces commissaires. Je serais un lâche et un criminel vis-à-vis de nos descendants, si je laissais grandir les enfants pleins de haine de ces sous-hommes abattus dans le combat de l’homme contre le sous-homme. Nous devons toujours avoir conscience du fait que nous nous trouvons dans un combat racial primitif, naturel et originel. »
Le chef de la SS avait dit dans un autre discours à Kharkov, le 24 avril 1943 :
« Par quel moyen arriverons-nous à enlever au Russe le plus d’hommes, morts ou vivants ? Nous y arriverons en les tuant, en les faisant prisonniers, en les faisant vraiment travailler et en ne rendant (certains territoires) à l’ennemi qu’après les avoir complètement vidés de leurs habitants. Rendre des hommes au Russe serait une grosse erreur. »
Cette réalité de la terreur inouïe que les nazis pratiquèrent en l’Union soviétique, contre le premier pays socialiste, contre les communistes, est presque systématiquement occultée ou minimisée dans la littérature bourgeoise. Ce silence a un but bien précis. Aux personnes ignorant les crimes monstrueux commis contre les Soviétiques, on peut plus facilement faire avaler l’idée que Staline fut, lui aussi, un « dictateur » comparable à Hitler. La bourgeoisie escamote le véritable génocide anticommuniste pour pouvoir afficher plus librement ce qu’elle a en commun avec le nazisme : la haine irrationnelle du communisme, la haine de classe envers le socialisme. Et pour obscurcir le plus grand génocide de la guerre, la bourgeoisie braque exclusivement la lumière contre un autre génocide, celui des Juifs.
Dans un livre remarquable, Arno J. Mayer, dont le père était sioniste de gauche, montre que l’extermination des Juifs n’a commencé qu’au moment où les nazis ont, pour la première fois, subi de lourdes pertes. C’était en juin-juillet 1941, contre l’armée rouge. La bestialité exercée contre les communistes, puis les défaites inattendues qui ébranlèrent le sentiment d’invincibilité des Übermenschen, ont créé l’ambiance qui a permis l’holocauste.
« Le génocide juif a été forgé dans les feux d’une guerre formidable pour conquérir sur la Russie un ’espace vital’ illimité, pour écraser le régime soviétique et pour liquider le bolchevisme international. (...). Sans l’opération Barbarossa, il n’y aurait pas eu et il ne pouvait y avoir de catastrophe juive, de ’solution finale’. »85 C’est alors que les nazis furent confrontés à la réalité des défaites sur le front russe, qu’ils décidèrent d’une « solution globale et définitive » du « problème juif » lors de la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942.
Les nazis criaient depuis de longues années leur haine du « judéo-bolchevisme », le bolchevisme étant selon eux la pire invention des Juifs. La résistance farouche des bolcheviks empêchait les hitlériens d’en finir avec leur ennemi principal. Alors, ils dévièrent leurs frustrations contre les Juifs, qu’ils exterminèrent dans un mouvement de vengeance aveugle.
Comme la grande bourgeoisie juive était conciliante envers l’Etat hitlérien — et dans certains cas même complice — la majorité des Juifs se sont livrés avec résignation à leurs bourreaux. Mais les Juifs communistes, qui agissaient dans un esprit internationaliste, ont combattu, les armes à la main, les nazis et ils ont entraîné une partie de la gauche juive dans la résistance. La grande masse des Juifs pauvres a été gazée. Mais beaucoup de riches ont réussi à se sauver aux Etats-Unis. Après la guerre, ils s’y sont mis au service de l’impérialisme américain et d’Israël, sa tête de pont au Moyen-Orient. Ils parlent à profusion de l’holocauste des Juifs, mais dans une optique pro-israélienne ; en même temps, ils donnent libre cours à leurs sentiments anticommunistes et insultent ainsi la mémoire des Juifs communistes qui ont réellement affronté les nazis.
Pour finir, un mot sur la façon dont Hitler a préparé l’esprit des nazis à massacrer indifféremment 23 millions de Soviétiques. Pour transformer ses hommes en machines à tuer, il leur a inculqué qu’un bolchevik n’était qu’un sous-homme, un animal.
« Hitler avertissait ses troupes que les forces ennemies étaient ’largement composées d’animaux, et non de soldats’, conditionnés à se battre avec une férocité animale. »
Pour pousser les troupes allemandes à l’extermination des communistes, Hitler leur disait que Staline et les autres dirigeants soviétiques étaient « des criminels éclaboussés de sang (qui ont) tué et exterminé des millions d’intellectuels russes dans leur soif sauvage de sang...(et) qui ont exercé la tyrannie la plus cruelle de tous les temps ».
« En Russie, le Juif sanguinaire et tyrannique a tué, parfois avec des tortures inhumaines, ou a exterminé par la famine avec une sauvagerie vraiment fanatique environ trente millions d’hommes. »
Ainsi, dans la bouche d’Hitler, le mensonge des « trente millions de victimes du stalinisme » a servi à préparer psychologiquement la barbarie nazie et le génocide des communistes et partisans soviétiques.
Remarquons au passage qu’Hitler avait d’abord mis ces « trente millions de victimes » sur le compte de... Lénine.
En effet, ce mensonge écoeurant figure déjà dans Mein Kampf, écrit en 1926, bien avant la collectivisation et l’épuration ! S’attaquant au judéo-bolchevisme, Hitler écrit :
« Avec une férocité fanatique, le Juif a tué en Russie à peu près trente millions d’hommes, parfois sous des tortures inhumaines. »
Un demi-siècle plus tard, Brzezinski, l’idéologue officiel de l’impérialisme américain reprendra mot pour mot toutes ces infamies nazies :
« Il est absolument raisonnable (!) d’estimer les victimes de Staline à pas moins de vingt et peut-être même quarante millions. »
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