Stigmatisation assumée : jusqu’où ira l’UMP pour contrer la montée du FN ?
Le climat politique est effrayant. C’est le but, en ces temps d’élections cantonales et maintenant présidentielles. Rien de tel que la bonne vieille recette politique : agiter la peur de l’étranger, effrayer le citoyen pour qu’il vote et de préférence UMP. Retour sur la "croisade" de Claude Guéant.

Depuis 2007, la majorité se targue de siphonner les voix du Front National. Pourtant, l’arroseur semble être arrosé comme le traduisent, si une traduction en est possible, les sondages qui donnent Marine Le Pen très bien placée aux élections de 2012.
Depuis que Claude Guéant a remplacé Brice Hortefeux au ministère de l’Intérieur, la stratégie a changé et se veut beaucoup plus féroce. Jusqu’à présent, les propos stigmatisants, dignes de l’extrême droite, étaient portés par les seconds couteaux de l’UMP. Certains députés comme MM. Vanneste, Luca, Mariani, ou l’ancien porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre (Voir encadré), qui faisait part de son désir que « les afghans soient renvoyés chez eux » pour combattre les talibans. Mais, à quelques exceptions près (à l’instar de Brice Hortefeux et des arabes qui « posent problèmes »), le gouvernement s’interdisait de tomber dans les clichés xénophobes.
Contrer le FN en assumant son discours
La pseudo sagesse d’antan n’est cependant plus de mise, et la presse relaie presque chaque semaine les propos stigmatisants voire racistes du nouveau ministre de l’Intérieur.
Un peu plus de deux semaines après sa prise de fonction place Beauvau, Claude Guéant souhaite montrer qu’il peut, tout comme le FN, adopter une diatribe plus que contestable sur l’immigration et les musulmans.
Ainsi, le 17 mars Claude Guéant déclarait sur Europe 1 :
« Les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux, ou bien ils ont le sentiment de voir des pratiques qui s'imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale », a déclaré Claude Guéant. « Nos compatriotes veulent choisir leur mode de vie, ils ne veulent pas qu'on leur impose un mode de vie ».
Ces déclarations qui ont suscité de vives polémiques n’ont pas empêché le ministre de faire parler de lui la semaine suivante.
Pendant « Le Talk du Figaro » du 21 mars 2011, le ministre de l'Intérieur a déclaré :
« Vous me permettrez de dire que par rapport aux critiques qui ont été émises contre le Président, mais c’est systématique dans notre pays, aujourd’hui, tout le monde se rend bien compte que heureusement qu’il était là. Heureusement le Président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de Sécurité des Nations Unies, et puis la Ligue Arabe, et l’Union Africaine. »
Puis invité d’I-Télé et Radio Classique, le ministre a fait cette déclaration, à propos du débat sur la laïcité : « Les agents des services publics évidemment ne doivent pas porter de signes religieux, manifester une quelconque préférence religieuse, mais les usagers du service public ne doivent pas non plus ».
Après ces propos infondés juridiquement, certaines rectifications ont été faites par l’entourage du ministre. Selon le figaro.fr, pour le ministre « Il ne s'agit pas d'interdire à un usager des transports en commun de porter un voile, une croix », mais de préciser qu’un usager ne peut pas récuser un médecin ou quelqu'un d'autre pour un motif religieux.
L'entourage du ministre explique avoir détecté plusieurs cas de refus de soin et qu'« un recensement est en cours ».
Pourtant, comme le rappelle Rue89 : Dans un entretien donné à France-Soir, le sociologue des religions Olivier Bobineau qui forme les futurs cadres musulmans de la République (aumôniers, responsables d'associations) à l'Institut catholique de Paris et enseigne à Sciences-Po, réduit la voilure des chiffres :
« Cinq plaintes, en tout et pour tout, ont été déposées l'an dernier pour refus d'auscultation. »
Enfin, comme il n’existe pas de semaine sans la petite phrase de Guéant, l’on n’échappe pas à sa remarque du 3 avril, qui pourrait cette fois-ci tomber sous le coup de la justice (le MRAP a porté plainte) :
« C'est vrai que l'accroissement du nombre des fidèles de cette religion (NDLR : musulmane), un certain nombre de comportements, posent problème », a-t-il déclaré en déplacement à Nantes (Loire-Atlantique).
Et le gouvernement s’entête à le défendre
Attaqué par le PS lors des questions au gouvernement, François Fillon a tenté de défendre son collègue de l’intérieur :
« Il y a quelques semaines, une publication du Parti Socialiste présentait le président de la République caricaturé en Adolphe Hitler. Je n'ai vu aucune condamnation du PS. La première secrétaire du PS a signé une pétition avec Tariq Ramadan, un homme qui s'était prononcé contre un moratoire sur la lapidation des femmes. »
Dommage que le premier ministre ait oublié de dire que le gouvernement actuel a aussi, comme Tariq Ramadan, demandé un moratoire (sur une question semblable à celui de la lapidation) plutôt qu’une abolition pure et simple, au régime Iranien.
En effet, le 16 août, la France a officiellement demandé aux autorités iraniennes « d’établir un moratoire général sur les exécutions, en vue d’une abolition à terme de la peine capitale ». Comme le préconisait Tariq Ramadan à l’époque sur la lapidation, c’est un procédé qui permet de ne pas froisser les dictatures, tout en interrompant d’urgence la lapidation ou la peine de mort. Les attaques contre le Parti Socialiste sont donc à réviser.
Cet article devra sans doute être rapidement réactualisé puisqu’encore hier, jeudi 7 avril, le ministre de l’intérieur s’en est pris à l’immigration en déclarant au Figaro Magazine :
« J'ai demandé que l'on réduise le nombre de personnes admises au titre de l'immigration du travail [20 000 arrivées par an. NDLR] », explique le ministre de l'Intérieur, également chargé de l'Immigration. « Et nous allons continuer à réduire le nombre d'étrangers venant en France au titre du regroupement familial [15 000. NDLR] », poursuit-il, précisant avoir demandé « une étude sur la pratique des pays d'Europe sur l'application du droit international ».
A chaque élection ciblons l’immigration
Hélas, chaque veille d’élection connaît son lot de stratégies politiques. Et l’UMP, plutôt en mal d’innovation, prend les mêmes et recommence. Nicolas Sarkozy souhaitait lancer un « grand débat sur la place de l’Islam » et l’a annoncé juste avant les élections cantonales.
Auparavant, à la veille des élections régionales, il souhaitait un grand débat sur l’identité française. Débat, qui comme on le sait, a fait l’objet de dérapages magistraux, entre déversement de bêtises, de haine et d’absurdités politiques.
- Retour sur ces calculs politiques et ces dérapages racistes
Il fallait trouver d’autres équations...Si un gouvernement est capable depuis le 6 mai 2007 d’utiliser ce calcul :
un fait divers choquant = une loi sur-le-champ
Alors il est certain que cette algèbre gouvernementale cachait d’autres mystères. En effet une autre équation existe :
Election = Loi anti-immigration
En effet, on remarque que l’immigration est un problème français considérable seulement en période d’élection. C’est mathématique ! Aborder l’immigration en France est un moyen de monter dans les sondages.
D’abord, lors de l’élection présidentielle de 2007. La baisse dans les sondages de Sarkozy et la hausse concomitante de Ségolène Royal eurent sur Sarkozy l’effet d’un puissant stimulant. Selon l’institut C.S.A, Sarkozy chutait de 33 à 26% d’intentions de vote entre le 15 février et le 7 mars. C’est à ce moment là qu’il a proposé la création d’un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale, alors que toutes les enquêtes d’opinion montraient que, depuis de longues années, l’immigration n’était plus aux yeux des français qu’un problème secondaire, loin derrière les difficultés économiques.
Le 22 mars, d’après un sondage CSA, Nicolas avait rattrapé Ségolène, ils étaient alors à égalité. Le thème identitaire montait en puissance. La gauche incapable de lutter sur ce terrain-là se sentit obligée de proposer des solutions telle que le drapeau ou la Marseillaise remis en avant, pour répondre à la dérive de la droite.
Plus tard entre les législatives et les municipales, la droite recommence, et propose une nouvelle mesure. Celle-ci visait à contraindre les migrants à effectuer un test ADN pour attester de leur filiation biologique avec leurs enfants dans le cadre du regroupement familial.
Cette loi vide de sens ne concerne qu’une minorité, mais fait polémique et confirme le clivage bien français entre ceux qui ont les moyens d’y voir une violation des libertés fondamentales, une violation des droits sur la bioéthique, et une incitation à soupçonner tout étranger ; et les autres qui demandent seulement à avoir un emploi, de l’argent et qui ne voient ni l’absurdité ni l’inutilité de cette loi.
En scientifique appliqué et consciencieux, poursuivons le raisonnement pour les élections européennes
Eric Besson, en bon élève qu’il est, applique cette petite loi mathématique et décide d’utiliser des méthodes qui se sont hélas déjà montrées efficaces : La délation des passeurs, en échange d’une carte de séjour.
Le thème de l’identité nationale n’intéresse pas les français, les sondages le confirment et la France historiquement n’est pas celle que le F.N voudrait tant. Le problème est que les politiques arrivent à le faire croire et ainsi à masquer l’absence de propositions économiques.
Comme pour le débat sur l’identité française, les hommes politiques et les médias n’ont eu de cesse depuis plus d’un mois de ne parler que de ça. Exit les problèmes économiques, le projet socialiste, la crise du logement. Avec cette équation qui exige que le mot élection soit accolé au mot immigration, que nous réserve l’UMP à l’approche des présidentielles ?
David Perrotin
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Le 13 juin 2007, la Canard enchaîné révèle que lors de la campagne pour les élections législatives, Sylvie Noachovitch, avocate star de l’émission diffusée sur TF1 « Sans aucun doute », et candidate UMP sur la circonscription de Sarcelles, a déclaré :
« Moi, mon mari peut dormir tranquille. Dans ma circonscription, il n’y a que des Noirs et des Arabes. L’idée de coucher avec l’un d’eux me répugne ».
Le 10 novembre 2008, le député UMP des Hauts-de-Seine est interrogé par France 2 sur l’absence d’élus de couleur dans les instances républicaines :
« Les candidats de couleur n’ont pas été élus, je le répète, parce qu’ils n’avaient pas le niveau de l’élection »
Le 21 octobre 2009, le député UMP de Seine-Maritime, Alfred Trassy-Paillogues, à propos des « gens du voyage » : « Ils nous envahissent assez régulièrement de manière brutale à 20, 30, 40 ou 50 caravanes »
Le 1er décembre 2009, le maire UMP de Gussainville (Meuse) lors d’un débat sur l’identité nationale à Verdun :
« Il est temps qu’on réagisse, parce qu'on va se faire bouffer ». « Par qui ? », lui demande un journaliste. « Y'en a déjà dix millions [d’immigrés], dix millions que l'on paye à rien foutre ».
Le 14 décembre 2009, dans les Vosges, Nadine Morano, alors secrétaire d’Etat chargée de la famille, lors d’un débat sur l’identité nationale :
A propos "du" jeune musulman : « Ce que je veux, c'est qu'il travaille, qu'il ne parle pas verlan et qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers ».
Le 15 décembre 2009, le porte-parole de l'UMP prend la défense du ministre de l'Immigration Éric Besson au sujet des expulsion d'Afghans sans-papiers.
« Alors que de nombreux pays du monde, dont la France, sont engagés en Afghanistan, qui pourrait comprendre que des afghans dans la force de l’âge n’assument pas leur devoir, et échappent à la formation que, notamment les forces françaises, leur proposent pour défendre leur propre liberté dans leur pays ? »
Le 9 mars 2010, lors d’une interview sur France Info-LCP : Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat, à propos de la possible nomination de Malek Boutih, secrétaire national du Parti Socialiste, à la tête de la Halde :
« C’est pas le bon personnage. [...] Il vaut mieux que ce soit [quelqu’un issus du] corps français traditionnel » qui prenne la présidence de la Halde. »
Le 25 juin 2010, dans l’émission « L’actu au Kärcher » sur BeurFM : le président des Jeunes UMP, à propos de la désastreuse prestation de l’équipe de France de football :
« Alain Finkielkraut a eu raison de parler d’une équipe de “racailles”. [...] Je pense qu’il y a eu des tensions ethniques dans cette équipe...on voit bien le rejet que Gourcuff a reçu (sic)... Même Emmanuel Petit a parlé de l’islamisation de cette équipe ».
En septembre 2010, dans un entretien au journal d’extrême-droite Minute : Lionnel Luca, député UMP :
« Les expulsions de Roms sont parfaitement normales. Ce qui est étonnant, c’est de s’arrêter à eux ! Ces mesures d’expulsion doivent concerner toute personne étrangère, quelle que soit sa communauté, ne respectant pas les principes de la Nation ».
La député UMP (Seine-et-Marne) lors d’un point presse à l’Assemblée nationale :
« Il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout remettons-les dans les bateaux ! (…) Le temps n'est plus à la parole mais aux actes et aux décisions.
Baromètre publié par Politis.fr
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