Sur la notion de race : Morano - De Gaulle
Comme j’ai évoqué très brièvement Nadine Morano sur mon blog la semaine dernière, plusieurs personnes m'ont demandé ce que je pensais de la polémique suscitée, autour de ses propos datant du 26 septembre 2015 dans l’émission télé On n’est pas couché. Cette politicienne a dit : « La France est un pays judéo-chrétien, de race blanche. » Expression en allusion à une citation du général De Gaulle (qui est mort il y a pile quarante-cinq ans aujourd’hui) que Morano a bien mal utilisée. Car, en premier lieu, De Gaulle n’a pas, dans ladite citation, parlé de « pays judéo-chrétien » pour désigner la France mais de peuple de « culture grecque et latine et de religion chrétienne ». Ce qui se comprend très bien car — même si le Christ était juif et qu’en outre nous pouvons sérieusement juger que le Nouveau Testament ne serait pas ce qu’il est sans l’Ancien Testament —, la « première naissance » de la France peut se retrouver dans le baptême de Clovis — un baptême catholique — et la « seconde naissance » dans le sacre d’Hugues Capet — un sacre catholique. Le royaume des Francs puis de France devient une entité civilisatrice, une unité politique, à part entière autour du catholicisme. D’autres croyances se croisent sur le territoire français depuis la naissance de la France en raison de ses traditions païennes. En résumé, la France est, dans son histoire, principalement catholique et païenne ; n’en déplaise à ceux qui, par idéologie notamment, tronquent l’histoire et jugent, tout-à-fait arbitrairement, qu’avant 1789 la France était une terre obscure, sur laquelle vivaient des gens également obscures et indignes — en somme, non civilisés — n’ayant pas encore découvert la Lumière…
En second lieu, De Gaulle a bien parlé, par contre, de « race blanche ». Si le mot race signifie « couleur de peau », il est un fait, là aussi, que le peuple de France soit principalement constitué, depuis toujours, de gens blancs.
Certes, le mot race peut avoir un autre sens : l’ethnie. Il existe l’ethnie de type caucasien. Les Français sont principalement caucasiens. Un fait là encore. Parler d’ethnie, dans tous les cas, semble plus politiquement correct que parler de race. Et pourquoi donc ? Car, dans les fichiers du F.B.I. (principal service étasunien de police judiciaire ainsi qu’un service de renseignement intérieur) nous sommes classés par ethnie ? En somme, ce qui est politiquement correct semble plus d’une fois concorder avec ce qui est usité aux États-Unis, un pays dans lequel nous pensons forcément bien et juste, qui guide culturellement les Français depuis plus d’un demi-siècle à présent ; ces derniers seraient de formidables ignares s’ils n’avaient pas, autrefois, adopté le jean, le flipper et le rock’n’roll…
Je n’ai rien de particulier, bien sûr, contre le jean, le flipper et le rock’n’roll. Même si je ne porte pas le premier, le second nourrit quelques souvenirs d’enfance et j’aime le troisième. Quant au mot race, je ne l’emploie pas spécialement. Il peut m’arriver de l’utiliser en privé en l’associant surtout au sens de « couleur de peau ». J’ai conscience, sinon, que son usage est totalement diabolisé. Parler de race sous-entendrait forcément une conception raciste.
Or, avant le racisme, il existe le racialisme ou encore l’ethno-différentialisme. En outre, il ne faudrait pas confondre distinguer et discriminer ; à moins qu’aujourd’hui oser distinguer, préférer une chose ou une personne à une autre, soit déjà discriminer… Mais c’est alors négliger la diversité du monde, des cultures, des compétences, des arts, des couleurs, etc.
Personnellement, dans tous les cas, je me fiche de la race… Cela ne doit pas aider à reconnaître ou non un Français quand entre autres nous nous rappelons que — même si, à côté, nous pouvons critiquer le colonialisme — les Antillais ont été français avant les Savoyards. A l’époque, être catholique suffisait pour devenir sujet du roi de France. En vérité, le racisme a nourri des idéologies propres à la modernité.
Morano, pour moi, en a trop dit ou pas assez. Cette femme a voulu faire sa maligne dans une émission qui, quoi qu’il en soit, ne permet pas le débat de fond ni une quelconque explication historique. Il est bien logique, alors, qu’elle ait engendré un malaise.
La France est, dans l’histoire occidentale, l’un des pays les moins ethnicistes et aussi les moins xénophobes. La France, autrefois, a eu comme régent « l'Italien » Cardinal Mazarin. Si De Gaulle avait trouvé la mort durant son mandat de président de la République, le Guyanais Gaston Monnerville, alors président du Sénat, l’aurait automatiquement remplacé dans cette fonction jusqu'à l'organisation de nouvelles élections, selon les modalités constitutionnelles. Ainsi, la France aurait été la première nation occidentale à avoir un chef d’État métisse. Avant les États-Unis, donc, et son Obama, impérialiste comme ses prédécesseurs... Comme quoi, ni la noblesse ni la bassesse n'a de couleur de peau...
PS : le mot race pouvait tout simplement prendre, autrefois, le sens de peuple.
Ainsi, nous pouvons nous donner le droit de vibrer aux mots suivants du syndicaliste révolutionnaire Édouard Berth qui, au début du siècle dernier dans l'un des Cahiers du Cercle Proudhon, comparait l’esprit du peuple de France au mouvement « pur et souverainement libre » ; esprit « d'une race essentiellement artiste, guerrière, chevaleresque et révolutionnaire ; race qui a produit tout ensemble la société la plus polie et qui faisait de la vie sociale un art véritable aux nuances les plus exquises et les plus variées, et le peuple le plus révolutionnaire, et qui même semble le seul à avoir la vocation de la Révolution ; […] race unique, faite des contrastes les plus aigus, qui semble la plus prosaïque et la plus bourgeoise du monde […] ; peuple […] le plus libre d'esprit, le plus fanatique de la liberté d'esprit ; où la tradition gauloise et libertine chevauche perpétuellement la tradition précieuse, romanesque ou mystique, le plus clérical et le plus anticlérical, le plus chrétien (il compte même un saint parmi ses rois […] ) et le plus païen, le plus pacifiste et le plus belliqueux, le plus patriote et le plus antipatriote, le plus conservateur et le plus révolutionnaire ».
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