Surhomme Bio ou Techno ?
L’épigénétique et le transhumanisme décrivent l’un un nouvel Homme, l’autre un Surhomme, un Homme Bio ou un Homme Techno. Qu’en est-il exactement ?
Un saumon sauvage ne connaît pas la captivité, il voit le jour dans l’eau douce de l’une des rivières d’Écosse ou d’ailleurs, après avoir traversé lacs et estuaires, il rejoint les eaux salées de la Mer où il peut vivre 4 ans avant de revenir frayer sur son lieu de naissance. Il sera pêché durant son périple.
L’élevage du saumon a lieu en bassin d’eau douce. Sa reproduction en captivité est strictement contrôlée : les œufs sont extraits de la femelle puis fécondés en les mélangeant à la laitance du mâle. Ils sont ensuite placés dans des bassins d’incubation avant de rejoindre des cages flottantes, en pleine mer. Les saumoneaux sont nourris avec des granulés à base de farine de poisson mais aussi des farines végétales (céréales, graines, soja, etc.), des vitamines, des sels minéraux et des pigments caroténoïdes afin de donner à la chair la couleur voulue. Les saumons, souvent infectés par des poux de mer, sont traités avec un pesticide. Lorsqu’il atteint sa taille adulte, le saumon est tué puis traité.
Les saumons qui font appel aux technologies modernes peuvent être produits à une échelle beaucoup plus grande que les saumons sauvages (bio) et à des prix 4 à 5 fois moins élevés. Le saumon représente 1,2 milliard de kilogrammes vendus annuellement, dont 90% en provenance des aquacultures. Ces caractéristiques se retrouveront pour toutes les espèces animales, y compris Homo Sapiens.
Notre lignée s'est séparée de celle des chimpanzés il y a environ cinq millions d'années et depuis suit son évolution par un chemin propre. « Qu’est-ce que le singe pour l’homme ? C’est justement cela que l’homme doit être pour le surhomme ». Deux facteurs essentiels peuvent induire un changement de morphologie ou une transformation des capacités intellectuelles : l’environnement (température, alimentation, mode de vie…) et des mutations qui sont des modifications de l'information génétique portée par l’ADN ou d’ARN. Les mutations naturelles sont aléatoires, mais leur apparition peut être facilitée par des facteurs physiques (rayonnements ionisants) ou chimiques (radicaux libres, peroxydes). Les technologies récentes permettent aussi de provoquer des mutations contrôlées de quelques uns des 30 000 gènes qui fondent un être humain. On sait par ailleurs synthétiser chimiquement des gènes ; le premier gène préparé par voie chimique codait une protéine - l'interféron humain. En 2010, une bactérie, contenant un génome intégralement fabriqué par l'homme a été décrit. Rien n’interdit a priori que tout ou partie du génome humain puisse être synthétisé. Il est possible également de remplacer un gène par un autre ou le modifier grâce à des ciseaux moléculaires génétiques. Les techniques de procréation ou de gestation techniquement assistées sont devenues banales et des utérus artificiels faits de sacs en plastique ont permis à des fœtus d’agneaux de se développer ex utero, ce qui offre des possibilités supplémentaires d’innovation pour la reproduction.
Une mutation ou une modification artificielle de l’ADN peut être héréditaire et les caractères induits peuvent se retrouver plus ou moins complètement chez les descendants. Classiquement, une sélection dite naturelle va favoriser un type de génome sur d’autres, par naturel il faut inclure les aspects pensés comme positifs : un Homme plus fort, plus intelligent, plus attrayant, mais aussi d’autres moins agréables : l’aptitude à s’accommoder aux pollutions, aux situations extrêmes de température, aux agressions physiques, chimiques, biologiques. Des mutations contrôlées par l’Homme sont également devenues possibles : modifier de manière ciblée et viable le génome d'embryons humains est devenu accessible récemment. Et toutes les techniques passeront dans le domaine commun quoi qu’on fasse, les barrières réglementaires n’auront qu’un temps.
Le transhumanisme est un mouvement qui, en s’appuyant sur les progrès de la biologie et de l’intelligence artificielle, prétend surpasser l’homme en créant un Surhomme : plus intelligent, infatigable, avec des puces dans le cerveau pour l’interfacer avec un ordinateur, possédant une mémoire prodigieuse… Le but est de fusionner l’homme et les machines pour les soustraire au vieillissement et à la mort. Le nombre de transistors (élément assurant une réponse non linéaire) par processeur (partie de l’ordinateur qui traite les instructions) augmente régulièrement avec le temps, passant de 5000 en 1970 à 1 milliard aux alentours de l’an 2000. Concomitamment, les systèmes et les algorithmes permettant un apprentissage et l’émergence d’une intelligence artificielle, se sont considérablement améliorés rendant crédible le fait qu’ils puissent être à moyen terme plus performants que l’intelligence humaine. La création d’un surhomme semi-artificiel doté de caractéristiques inconnues jusqu’à ce jour, aussi bien qualitativement que quantitativement, est possible.
L’épigénétique (dérivé du grec épí au-dessus de) tente d’expliquer pourquoi des jumeaux parfaitement identiques génétiquement peuvent cependant présenter des caractéristiques physiologiques extrêmement différentes. Des différences sensibles peuvent survenir du fait du type d'alimentation, de la pratique ou non de sports, de la consommation ou non de tabac ou d'alcool. Plus encore, l'aspect dépend aussi, dans une large mesure, de l'environnement affectif, éducatif ou culturel de chacun des jumeaux. Il semble acquis que les parents ne transmettent pas seulement leurs gènes à leurs descendants mais aussi une partie de caractères acquis. Les modes de vie comme des événements marquants (traumatismes, stress, famine…) peuvent avoir un impact sur la façon dont les gènes hérités s’exprimeront chez les descendants. L’étude de ces phénomènes constitue l’épigénétique. Le rôle joué par celle-ci est connu depuis longtemps pour son importance lors des différenciations cellulaires, mais elle intervient dans maint domaine dont par exemple la plasticité synaptique intervenant dans les processus impliqués dans la mémoire. Ainsi en faisant du jogging, en mangeant 5 fruits et légumes par jour, en évitant toute espèce de drogues, en surmontant le mieux possible les sources de stress, non seulement vous serez plus performant et en meilleur santé, mais vous pourrez léguer une partie des avantages ou désavantages acquis à vos enfants.
Alors ? Les surhommes bio ou techno semblent à la portée de tous. Le choix qui sera fait ne relève pas de la Science, qui ouvre toutes les possibilités, mais d’un choix de société. L’usage plus ou moins intensif des techniques disponibles conduira à une uniformité bien plus grande de l’espèce humaine : sans plus de races : ni blancs, ni noirs, ni jaunes, sans plus de sexe : des mutants intermédiaires plus agressives, moins dominants, sans plus de croyants en Dieu, en la patrie, dans les idéaux humanistes… mais subsistera encore, et plus que jamais, un abime entre les nantis et les démunis, l’argent étant devenu la seule valeur permettant d’avoir accès à toutes les félicités technologiques.
Les saumons seront condamnés à passer leur vie dans des cages car ils n’auront plus le choix. Seule une infime minorité d’élus prédestinés et devenus dieux seront épargnée.
Pourtant, « La vérité n’est pas dans un seul rêve mais dans beaucoup de rêves. »
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