Syrie / la géopolitique du coït interrompu a échoué
Le doute s’installe sur les intentions profondes de l‘occident au Moyen Orient et en Syrie. Peut-on vraiment lutter contre l’islamisme si en même temps on soutient par tous les moyens les Etats du Golfe qui financent l’islamisme radical ? Attendait-on en occident la chute de Damas pour négocier avec nos amis du Golfe la mise en place en Syrie d’une république islamiste sunnite « modérée » digérant l’actuel Daech ?
L’accusation est grave mais elle est porté par de nombreux syriens comme B. TAHHAN. Comment expliquer l’inefficacité des « frappes » ? Certains mettent en doute la technique du « coitus interruptus » pratiqué par François Hollande. Il ne s’agit pas de se mêler de la vie érotique du président de la République mais de comprendre pourquoi des centaines d’heures de reconnaissance sont nécessaires avant de lâcher une seule bombe. Pour ne pas se tromper d’Islamiste ? Pourquoi avoir laissé Daesh s’emparer de Palmyre ? A qui fera-t-on croire que les colonnes islamistes n’étaient pas des cibles faciles lorsqu’elles traversaient le désert ? Chacun sait que Palmyre prise Homs devait tomber et la Syrie de Bachar el ASSAD coupée en deux ne pouvait que s’effondrer. Il faut dire que le QATAR et l’Arabie Saoudite sont des partenaires commerciaux, comment leur faire plaisir ? Un tel scénario pouvait il y a encore quelques semaines relever de la théorie du complot, mais de nombreux experts militaires l’évoquaient avec sérieux car il permettait de rétablir l’ordre dans la région sans envoyer de troupes au sol. Le géopoliticien américain Emile Luttwak a brillamment démontré l’enjeu de la stratégie dans les conflits et l’intérêt à diviser ses ennemis. Appliquée de manière pragmatique depuis le départ de Bush cette approche permet de comprendre comment les Américains sont sortis du bourbier iraquien. Dans ce pays à majorité chiite, ils ont abandonné le pouvoir à un gouvernement chiite qui combat les sunnites en lieu et place des GI. La Syrie est un pays à majorité sunnite, les mouvements islamistes sunnites foisonnent. Pourquoi ne pas s’appuyer sur certains d’entre eux comme Al qaeda et le Front islamique en leur offrant la possibilité de parvenir au pouvoir à la condition de combattre leurs jumeaux de Daech. Cet objectif clairement affiché par le Qatar et les pays arabes de la coalition était-il également celui des Américains mais aussi de Laurent Fabius et de François Hollande ? Quid des minorités chrétiennes ? Nous ne répondrons pas à la question car nous n’avons pas la réponse et elle n’est plus d’actualité car Vladimir Poutine a brouillé les cartes. Aujourd’hui il semble peu probable que le régime syrien s’effondre, tout est donc remis en question Redoutant la débâcle géopolitique de l’Occident dans la région, les Emirats et l’Egypte se rapprochent de la Russie, Israël de même preuve d’une extrême prudence. Les historiens de demain retiendront certainement le début du mois d’octobre 2015 pour fermer la parenthèse ouverte en 1991 avec la fin de l’Urss et du monde bipolaire. Depuis quelques jours en effet deux blocs s’affrontent clairement avec les risques d’une conflagration mondiale majeure. D’un côté une alliance eurasiatique russo chinoise, de l’autre les démocraties occidentales avec le Moyen Orient comme zone de partage. Vladimir Poutine a réussi à constituer une coalition cohérente autour de la Fédération de Russie. L’Iran, la Syrie, le monde chiite et le régime syrien seront-ils rejoints par la toute puissante Chine ? Au moment où nous écrivons le porte-avions chinois LIAONING serait présent en Méditerranée près de la base russe de Tartous en Syrie, avions et troupes seraient en cours d’acheminement via l’Iran. Les troupes de la coalition seraient coordonnées depuis l’Irak et l’on mesure alors les conséquences que pourrait avoir le basculement complet du régime iranien chiite dans la coalition. Poutine, héritier de la doctrine Jdanov reprend habilement au Moyen Orient le flambeau du combat contre l’impérialisme occidental mais il le modernise en s’appuyant sur l’organisation des BRICS. Depuis de nombreuses années le rapprochement se met en place. Qui a remarqué lors de la dernière coupe du monde de Football au Brésil, la rencontre des pays émergents. Le 9 mai dernier la presse soulignait l’isolement de Vladimir Poutine lors de la cérémonie de « la grande guerre patriotique », François Hollande était absent de la manifestation. A mieux y regarder la presse aurait pu noter la présence des BRICS et d‘un invité d’honneur, XI JINPING. L’Otan, organisation née de la guerre froide aurait dû disparaitre avec elle, mais le choix a été fait de la maintenir pour refouler l’ours russe le plus loin possible de l’Europe. Cette logique a eu pour réponse la mise en place de l’ORGANISATION Du TRAITE de SECURITE COLLECTIVE et l’OCS, organisation de coopération de Shanghai. La Chine et la Russie sont militairement alliées, l’Inde et l’Iran se rapprochent de l’organisation. Le Monde est bien devenu bipolaire et nous ne le savions pas. L’Occident a précipité Poutine et la Russie dans les bras de XiJinping. Nous payons le refus d’aider Gorbatchev en 1990, et surtout les promesses non tenues de ne pas élargir l’Otan à l’Est. Nous payons l’intervention au Kosovo contre la Serbie. En obligeant l’Ukraine à choisir entre le partenariat avec l’UE et l’union eurasiatique de Poutine nous avons précipité ce malheureux pays dans la guerre civile. Pour Vladimir Poutine l’occasion était trop belle de faire oublier ses déboires économiques en incarnant la revanche d’un peuple humilié. Impasse en Ukraine, impasse au Moyen Orient, le bilan de la géopolitique occidentale est exécrable. Le désastre est patent au Moyen Orient. L’intervention américaine en Iraq en 2003 est directement responsable de la guerre civile dans ce pays et de la naissance de Daesh. En ce temps-là Jacques Chirac tenait la France à l’écart avec le soutien de ses précieux soutiens Gerhard SCHROEDER et… Vladimir POUTINE. Il y a dix ans la France et l’Allemagne s’appuyaient sur l’amitié russe… Depuis Laurent Fabius a remplacé Hubert Védrine et Dominique de Villepin. Depuis la France a réintégré l’OTAN, et en 2013 François Hollande désignait notre ennemi principal celui qu’il fallait bombarder, Bachar el ASSAD.
Aujourd’hui notre politique est illisible. Le Moyen Orient déstabilisé se vide de centaines de milliers de réfugiés politiques. L’universitaire Fabrice Balanche fait le bilan e la géopolitique actuelle de la France : « La politique de Laurent Fabius sur la Syrie est un échec total. Il a eu tort sur toute la ligne. C’est pour cette raison qu’il a été quelque peu dessaisi du dossier par le Président de la République début septembre. Notre ministre des Affaires étrangère réécrit l’histoire de la crise syrienne pour justifier ses positions. Il affirme ainsi que si nous avions bombardé Damas en septembre 2013, les rebelles modérés auraient pris le pouvoir et Daech n’aurait jamais existé. Hubert Védrine dans une excellente tribune dans Libération a répondu que rien n’était moins sûr. Je partage tout à fait son avis : nous aurions tout simplement eu Daech à Damas. Le communautarisme et le salafisme radical ne sont pas nés en 2011, sous l’impulsion d’un régime machiavélique. Ils sont constitutifs de la société syrienne et ne demandaient qu’à s’exprimer au grand jour. » François Hollande aura-t-il l’intelligence de remplacer Fabius par Hubert Védrine ? La légitimité de l’intervention occidentale en Syrie est déjà bien fragile, elle ne dispose d’aucun mandat de l’ONU, d’aucune autorisation du gouvernement syrien à intervenir sur le territoire syrien. Les occidentaux ne peuvent que se prévaloir de l’appel à l’aide du gouvernement irakien. Que se passerait-il si ce dernier demandait aux américains et occidentaux de plier bagages ? A défaut du droit international nous pourrions arguer de la défense des peuples menacés pour justifier notre guerre mais hélas ce n’est pas aussi simple. Sur le terrain tous ceux qui redoutent les islamistes se détournent du camp occidental. Les chrétiens, les chiites mais aussi de nombreux sunnites de Syrie n’ont pas la subtilité de Laurent Fabius, ils ne parviennent pas à faire la différence entre islamistes modérés (AL QAEDA, Front Islamiste) et mauvais islamistes de Daech, car ils se font égorger par les uns et les autres. Le soutien indéfectible de l’OTAN au régime islamiste turc d’Erdogan pose problème aux Kurdes . Que se passera-t-il si demain l’aviation turque continue à bombarder les Kurdes, si les djihadistes continuent à utiliser la Turquie comme base arrière ? Barack OBAMA et John Kerry ont depuis longtemps compris le danger de la situation, ils sont plus prudent que notre illustre président, ils savent que le pire serait … la constitution d’un axe Moscou-Téhéran-Pékin. Pour l’éviter ils se sont rapprochés de l’Iran, ils ont refusé de suivre François Hollande dans sa guerre contre la Syrie. Ils ont refusé de suivre la Turquie et la France dans leur volonté de mettre en place au-dessus de la Syrie une zone d’exclusion aérienne destinée à empêcher Hassad d’utiliser son aviation. Mais le président des Etats Unis est piégé par le camp des faucons menés par le sénateur McCAIN. L’ancien prisonnier de guerre au Vietnam ne rêve que d’une guerre contre la Russie. Obama doit également tenir compte des mesures de rétorsion du camp islamiste. Comment expliquer autrement la chute du cours du pétrole voulu par l’Arabie SAOUDITE ? Les pétroles et gaz de schistes américains cessent d’être rentables. Comment expliquer autrement les succès du rafale ? L’ancien ambassadeur américain en Syrie Robert Ford fut un de ces faucons dès 2012. Il appelait au soutien des islamistes « modérés ». Aujourd’hui il reconnait son erreur, l’Asl n’existe plus et le opposants à Bachard sont des islamistes interchangeables avec ceux de Daech. Un succès des bombardements russes, rendra plus compréhensifs les monarchies sunnites du golfe, face à la menace chiite elles seront condamnées comme Israël à accepter des concessions, alors Obama pourra négocier avec Poutine un partage du Moyen Orient.
http://www.mcclatchydc.com/news/nation-world/world/middle-east/article24780202.html http://www.franceinter.fr/emission-le-79-hubert-vedrine-on-naurait-jamais-du-ecarter-la-russie
http://www.causeur.fr/syrie-assad-fabius-poutine-russie-34871.html#
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