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Tantra, l’aventure de la conscience

Le tantra, une voie spirituelle indienne plurimillénaire d’éveil de la conscience et de l’énergie, contribuera-t-il à l’avènement d’un nouvel art de vivre apaisé ? Sa pratique peut-elle constituer un accélérateur de conscience propice à l’émergence d’une « nouvelle société » pacifiée ? En une ère sombre de désacralisation et de destruction du vivant, où « tout se marchande, se consomme » et se fait anéantir alors que « plus rien ne nourrit l’être profond ni le collectif », une « civilisation tantrique » serait-elle en cours ?

 

Le tantra est vécu par ses pratiquants comme une voie royale de transformation intérieure et une voie d’accès à une humanité consciente voire accomplie. Souvent amalgamée à la sexualité, cette philosophie pratique intègre toutes les dimensions et toutes les énergies de l’humanité, y compris l’énergie sexuelle, parce qu’elle se fonde sur la « non-dualité » (Advaïta en sanskrit).

La vie en tantra est envisagée comme « un seul et même Tout, où rien n’est séparé, tout est relié, rien n’est opposé » rappellent Sophia et Nartan, les auteurs de ce nouvel ouvrage sur le sujet écrit et vécu à quatre mains. « Animateurs certifiés de tantra », ils précisent : «  La voie du tantra est un chemin expérientiel de conscience (Shiva) qui conduit à la perception de l’énergie (Shakti), donc à la perception de la non-dualité ».

Le duo se réfère à l’enseignement d’Osho, connu également comme Bhagwan Shree Rajnesesh (1931-1990), un gourou fort controversé en son temps, qui a remis en vogue des enseignements tantriques millénaires, vécus selon une « approche occidentalisée » par des milliers d’adeptes aimantés par la « liberté sexuelle »...

L’un des sens du mot « tantra » est tisser, c’est-à-dire « relier les fils en une grande trame »... Alors, retisser le lien à soi, aux autres et à la nature fait-il de chacun une « force vive de transformation » appelée à réparer le « grand tissu déchiré du monde humain » (Abdennour Bidar) ?

 

Célébration tantrique

 

Quand « ce qu’il y a de plus intime entre en fusion avec ce qu’il y a de plus universel » (F. Isambert), on mesure la portée transformatrice et émancipatrice de cette voie d’éveil tantrique qui engage notre dimension spirituelle. Pour autant, le bonheur de s’éclairer en s’éclatant peut-il être mis en « acte politique » ? Chacun sait bien que l’on « consomme » pas « l’acte sexuel » comme on satisferait une envie passagère pour la simple raison qu’il engage bien « autre chose », de l’ordre du « partage amoureux », d’un accord des sensibilités, de l'échange des fantaisies comme des fluides voire de la « communion des corps et des âmes » - enfin, pour peu que l’on s’unisse en conscience pour se fasse présent de l’accès à notre être essentiel, aux antipodes de toute domination ou prédation...

La présence à soi, à l’autre et à la vie nous est donnée dans le libre flux d’une énergie désirante, au fondement de toute vie humaine – si l’on sait vivre avec son désir et le transcender sans en précipiter la « consommation » dans une impatience à vivre et jouir aux dépens des autres...

La pratique tantrique est une posture intérieure, une « mise en état d’amour » permettant de relier le corps pensant à l’intelligence universelle et une célébration se nourrissant de la complémentarité des contraires : « Pour les maîtres tantriques, le désir est un mouvement de l’univers, un élan nous reliant à la force vitale du monde. Les tantrikas se servent du désir pour transformer leur corps et énergie, dans l’intention de les intégrer aux forces de l’univers. Ainsi, le désir tantrique n’est pas un désir qui part du manque, nous rendant dépendant de l’objet désiré et contraint à désirer toujours plus ; il est un état d’être en expansion. Ce n’est plus nous qui désirons un objet fixe, c’est la vie qui est désir, qui nous désire.  »

Selon Daniel Odier, le tantra est apparu voilà 7000 ans dans la vallée de l’Indus, sur le territoire de l’actuel Pakistan, chez les peuples dravidiens, comme en attesteraient des fouilles dans l’antique cité de Mohenjo-Daro laissant augurer d’une civilisation pacifique et « éveillée spirituellement » qui se serait étendue jusqu’à la mer Rouge et la Méditerranée, avant « l’invasion de tribus aryennes venues d’Ukraine »...

L’expérience tantrique est présumée mener à l’orgasme énergétique, sans érection ni éjaculation, par un travail combiné sur les chakras et sur le souffle : « Dans la vision du tantra, faire ou ne pas faire l’amour n’est ni bien ni mal, il s’agit plutôt d’être en conscience de ses désirs (et désirs refoulés) et d’oser les vivre dans cette conscience, pour qu’ils puissent réellement se transformer. Sans cela, ce qui reste dans l’ombre non seulement ne se transforme pas, mais nous encombre et nous dissocie. Alors sans la réprimer, nous pouvons transcender la sexualité, en l’intégrant à notre plus haut niveau de conscience. Une conscience qui n’est pas séparée du cosmos, et qui vit dans une forme de béatitude, d’orgasme continu.  »

Ainsi, cette pratique méditative suppose le lâcher prise, un abandon confiant dans ce mouvement d’expansion de l’être vers un grand « Oui » à la vie, dans un état d’ouverture réceptrice et accueillante. Elle se vit dans un esprit de « tissage et de totalité »... Si elle utilise le plaisir, elle est bien au-delà de la sexualité, dans le rapport aux autres, à soi-même et à la vie.

En nous libérant de nos conditionnements et encombrements, elle pourrait bien « offrir une transformation aussi bien de notre vie intime que de nos sociétés humaines  » par une réintégration de l’énergie sexuelle, une reconnexion de « notre dimension animale à notre dimension spirituelle »... L’approche tantrique, holistique et en conscience à partir du ressourcement par nos énergies vitales, retisse les liens entre des centres énergétiques souvent séparés, en une célébration de la « continuité entre énergie sexuelle, énergie d’amour et énergie de conscience ». Une spiritualité pleinement incarnée, prenant sa source dans une sexualité assumée et transcendée, peut désamorcer bien des bombes à retardement internes et mèner à une guérison intime comme à celle d’un corps social dysfonctionnel, contre-productif et atomisé, dévasté par nombre de souffrances indicibles et de perversions de plus en plus affichées...

 

Vers un vaste « réseau de conscience » ?

 

Chacun peut se créer ainsi un « espace tantrique » à chaque instant et en toute circonstance, à partir de son centre de gravité, et faire « l’expérience directe de la transcendance, d’une reliance profonde à plus grand que soi ». Il suffit de le désirer – et de renoncer à toute volonté de domination, de possession comme de puissance « en manque » perpétuel d’avoir. Toute situation peut, dans cet esprit, être « opportunité de communion ».

Le tantrisme n’est pas la maîtrise d’une technique de plus ou un mode d’emploi de « développement personnel » voire de « mieux-être », mais une qualité d’être, une acceptation de la puissance transformatrice de la vie au-delà de la vérité exprimée des corps accordés, entrés en résonance avec le monde – et avec ce qui le fait tourner...

Ses pratiquants rêvent de généraliser cet art de vivre en un vaste réseau de conscience : « Lorsqu’on rêve seul, ce n’est qu’un rêve. Alors que lorsqu’on rêve à plusieurs, c’est le début de la réalité  » (Dom Helder Camara).

Pour l’heure, la pratique est marginale, alors que domine encore la vision mortifère d’un monde « composé uniquement de matière exploitable et consommable  », où chacun se perçoit séparé des autres – diverti et abstrait de lui-même, c’est-à-dire coupé de l’essentiel...

Fondamentalement, la quête de Soi ne se pratique « pas que pour soi »... Si le mythe du « progrès » (pas pour tous...) et de la « modernité industrielle » ne sont plus des forces d’avenir dans un monde dévasté, le tantra « là où il se fait sans y penser » pourrait bien ouvrir une voie initiatique d’émancipation, « entre transition individuelle et transition collective », en résonance avec la « pulsation créatrice à l’origine de l’univers tout entier  ».

En somme, une « force d’amour en mouvement » vécue dans une totale présence à soi et aux autres - comme un retour à la paix toujours invoquée et jamais advenue, toujours contrariée et combattue mais pourtant à portée de tous, dans le secret des consciences et la convergence des actes...

Sophia & Nartan, Et si le tantra changeait le monde ? – De l’intime au politique, éditions Yves Michel, « Enjeux de société », 290 pages, 19,90 euros


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28 réactions à cet article    


  • Epsilone 26 novembre 2024 10:48

    Celui qui connaît le Tout,
    s’il est privé de lui-même,
    est privé du Tout.

    évangile de Thomas logion 67

      Lire les 5 réponses ▼ (de karibo, Jean Keim)

    • Eric F Eric F 26 novembre 2024 19:08

      ’’en résonance avec la « pulsation créatrice à l’origine de l’univers tout entier »’’

      Le reste de l’univers, matériel soumis aux lois de la physique, se contrefiche de nos élucubrations. M’enfin, si ça peut conduire à être bienveillant avec autrui et soucieux de préserver l’environnement, l’intention est louable.

        Lire les 14 réponses ▼ (de lephénix, Eric F, Jean Keim)

      • Seth 26 novembre 2024 20:22

        Tantra ou tantra pas ? smiley


        • lephénix lephénix 26 novembre 2024 22:01

          @Seth
          bien prévisible et néanmoins incontournable, celle-là...
          tantra pour le meilleur et le rire...


        • Julian Dalrimple-sikes Julian Dalrimple-sikes 28 novembre 2024 06:47

          Salut, à propos de science , enfin de scientisme, c’est et ca ça restera un moyen.

          Et le moyen fini par se prendre pour un sens x, faute de l’avoir jamais vécu..

          ce sens sera donc de voler, tuer, dépecer, torturer, détruire tout ce qui est possible pour MOI

          C’est censé remplacer, tuer le religieux, je ne parle pas de religion organisée mais de ce lien entre Tout.

          L’humain et son faux hubris , très surjoué et destructeur, qui est juste signe de souffrance constante, issue de la fuite impossible et véhémente d’un fait absolu de la vie : naître = mourir, a une non vie de souffrance permanente entièrement passée depuis des millénaires sur et dans les moyens, moyens de quoi ? d’organiser comme ceci ou cela la vie physique.

          Or demain je suis mort, fini, basta, nil, rien, plus rien..

          Nos non vies, par choix, sont basées sur demain...je serais ci ou ça ferais ci ou ça etc

          le présent ou tout se passe n’est plus sauf de manière mécanique basée sur la mémoire donc le passé..ce passé incluant le futur, mon futur glorieux...

          et la vie dit : mauvaise pioche, demain tu es mort..souffre donc et voit !

          Mais « je » est devenu si gros, ç ses yeux, que « je » va tout refuser sauf ce que « je » veux !

          « je » est devenu en rêve, omniscient, tout puissant, immortel, et se voit quasiment en Origine Ultime etc

          tout est faux, sauf les machines qui marchent , « je » croit en être responsable alors que c’est le programme derriere qui l’est..

          « je » ne sait pas qu’il est un programme limité., qui a un role vital dans ce qui est pratique et uniquement cela ! ..et donc ne se pose pas la question « quel est le programmateur ? » , car voulant être dans la position « je sais tout sur tout », « je » dis que à part lui il n’y a rien...

          dans ce monde glauque dans le meilleur des cas, la haine, la violence, etc dominent, mais « je » ne sais pas que c’est un effet de tentative de fur ma souffrance, ma croix, qui ne peut que être portée par moi même, ceci est une figure de style hermétique car je suis ma croix, je la créé, elle est ce que je suis , un effet de mes choix de fuite de la vie..car naître = mourir et « je » la pensée ne peut rien en faire, ne peut agir dessus..

          or nous en sommes rendus à JE>UNIVERS..

          On tourne dans ce bocal depuis des milliers d’années par refus de la vie et de ce qu’elle nous dit.....avec une haine étrange et destructrice, pour les autres..ce qui cache la haine de sa propre survie relative dans le temps..

          l’homme n’est rien alors il monte sur un tabouret..alors que si je reste avec ça, je ne suis rien de spécifique, que je le vois, la vie peut alors être..

          alors cette espèce ou massacrer est le jeu favoris, comme voler, détruire, torturer mentalement et-ou physiquement essaye de fuir l’inévitable, le cimetière.. etc se met à croire dans ses mensonges, au départ elle le savait que c’étaient des mensonges, là elle ne le sait plus..seule l’assertion inévitablement violente de moi compte, alors je combat tous et tout pour ça..

          suicide, ...

          Et cet hubris si dément , c’est une redondance en fait, est tout ce qui reste à contempler, or il n’y a rien de réel dans ce cas à contempler sauf ce MOA qui se contemple, qui contemple sa grandeur auto illusionnée , je sais tout sur tout..premiere marche avant de continuer avec : donc je te vole, te tue, te détruis, te torture si je veux au nom de ?

          Oui au fait au nom de quoi ? de ceci MOI>UNIVERS..car moi ne voit pas que ma référence c’est ....MOA..un moi qui souffre et essayant de fuir donc de se fuir en devient dément et mauvais..

          MOI ne sait pas que la souffrance est à la fois un symptôme d’erreur, ceci implique que quelque chose x sait en absolu et le communique ainsi ,indirectement dans ce cas, et est aussi un catalyseur pour comprendre et dépasser ce stade d’erreur, on en revient à la croix, porter sa croix...bien sur nous refusons par ignorance et bêtise..

          Mais tout ceci est vide, pas un vide créateur,q un vide créateur n’est donc pas vide, seule la pensée ignorante va dire que c’est vide.. un vide genre nous sommes au sommet du gouffre, genre profond dans le sens de creux, car il n’y a rien, la pensée humaine est telle un marteau, un moyen qui enfonce des clous ou tue, marteau qui ignore qu’ il est un marteau..et ce qu’il fait, pourquoi il le fait, qui a t’il derriere ?

          Comme le chantait Léo Ferré : il n’y a plus rien...

          Lire la suite ▼
            Lire les 4 réponses ▼ (de Julian Dalrimple-sikes, lephénix)

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