Tchin Chine !
Dans une lointaine province de Chine, « pour lutter plus efficacement contre le Covid-19 », une usine de papier toilette a décidé d’imposer aux salariés le port d’un badge autour du cou supposé sonner si la distanciation sociale n’est pas respectée entre les salariés. Le volume a été fixé à 85 décibels, ce qui correspond au niveau sonore minimum d’une alarme incendie. La technologie a été fournie par l’entreprise Phil-Data basée aux Philippines, un pays dont le dirigeant, Rodrigo Duterte, appelait en avril dernier les forces de l’ordre à tirer à vue sur toute personne ne respectant pas les mesures de quarantaine.
Tout ceci, après tout, n’aurait rien d’étonnant au pays du crédit social et de la fabrique de citoyens modèles si ce n’est que, justement, ce n’est pas en Chine mais bel et bien en France – où l’on ne s’étonne plus de rien depuis l’accession au pouvoir de Maocron Zedong – que le procédé a été proposé par la direction du géant suédois des produits d’hygiène Essity « pour préserver la santé de ses collaborateurs » pour ses sites du Loiret, de l’Eure, de l’Orne, de la Vienne et du Haut-Rhin. A en voir les premières réactions du personnel, les négociations risquent d’être un peu houleuses. « C'est un système comparable à celui qui dissuade les chiens d'aboyer », a déjà fait observer un représentant canin du syndicat Rantanplan CFDT. Aucun journaliste n’a rapporté s’il avait levé la patte ou remué la queue pour illustrer ses propos, mais il se dit dans les couloirs que la direction, à défaut, pourrait prendre à sa charge la distribution de croquettes de chloroquine pour immuniser ses employés.
Le président Xi Jinping, invité d’honneur du prochain forum de Davos, a déjà promis d’exclure les chiens de la liste des animaux comestibles mais il n’exclut pas, après la grippe asiatique (1957), la grippe de Hong-Kong (1968), la grippe aviaire (1997), le SRAS (2003) et le Covid-19, d’envoyer une autre boule puante aux quatre coins de la planète s’il peut aider l’Occident, d’une manière ou d’une autre, à se rapprocher du niveau de la Chine en termes de démocratie et de respect des libertés.
Les pays voisins (Corée, Japon, Vietnam, Mongolie, Birmanie, Laos, Népal), habitués aux reflux gastriques de leur corpulent voisin, ne lui en tiendront pas rigueur. Avec environ 11 000 décès à eux sept à la date du 21 janvier – soit mille de moins qu’en Ile-de-France (12 853 décès), ils ont à nouveau fait la preuve qu’en gardant son calme et en traitant précocement les malades, toute colline peut être aplanie sans avoir recours à la dynamite. Pour les pays occidentaux, la leçon a été plus douloureuse mais riche en enseignements. Ce qui, deux ans auparavant, serait paru inconcevable même chez les plus cinglés des députés LREM ou des journalistes du Guardian, s’est matérialisé comme par enchantement dans une Europe sombrant corps et âme dans les limbes covidéennes d’un hallucinant diktat politico-sanitaire, réduisant au silence et à l’obéissance servile pas moins de 450 millions d’individus qui pensaient bêtement, encore une année avant, vivre en démocratie.
Aux Amériques, la classe politique s’est écharpée avec une violence parfois si inouïe (Etats-Unis, Brésil) que l’on s’étonne que le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi n’ait pas proposé sa médiation pour calmer les esprits. A charge de revanche, en quelque sorte, lorsqu’on sait quels miracles le libéralisme économique a accomplis en Chine sous l’inspiration des modèles occidentaux.
Goodbye Lenine
Tandis que Joe Biden, nouvellement élu président des Etats-Unis, dépense 500 000 dollars pour faire désinfecter de fond en comble la Maison Blanche – afin de l’expurger des résidus de virus et de l’odeur encombrante de son prédécesseur, le Président Xi Jinping et son ministre du Commerce Zhong Shan en sont déjà à l’heure des comptes qui, ma foi, pourraient être plus mauvais. Les entreprises chinoises sont confrontées à certaines difficultés, mais l’excédent commercial de la Chine a battu tous les records en 2020 grâce à l’exportation, notamment, de produits médicaux. La Chine a par ailleurs été l’un des rares pays de l’OMC à enregistrer une croissance positive ces douze derniers mois, et elle détient toujours pour mille milliards de dollars de la dette américaine, soit 15% des bons du trésor et des obligations émis par l’Oncle Sam pour rafistoler sa collection de chapeaux usés.
On connait, depuis la mort du Grand Timonier (en 1976), le chemin parcouru par l’Empire du Milieu pour rattraper son retard sur les pays occidentaux et faire entendre sa voix au grand concert des nations. Le capitalisme à marche forcée, impulsé par un volontarisme d’Etat ne laissant rien au hasard, a transformé la Chine en véritable machine de guerre. Entrée à l’OMC en 2001, devenue en 2013 première puissance commerciale, la Chine avance désormais à pas de géant vers le titre de première puissance économique tout court. La méthode choisie : une économie mixte pilotée par l’Etat mais laissant une part importante à l’entreprise privée et aux capitaux étrangers qui affluent par milliards de dollars dans un pays devenu l’usine et l’atelier du monde, ce qui a permis l’émergence progressive de champions nationaux à l’échelle mondiale. Le capitalisme d’Etat d’inspiration gaullienne a ainsi relégué dans les égouts de l’histoire le rêve marxisant d’une propriété collective des moyens de production. Comme le dit Pierre Haski dès 2002 : « Du communisme, il ne reste que la structure politique qui quadrille le pays, un appareil policier aux doux relents staliniens et la phraséologie du marxisme-léninisme. »
Difficile de retracer précisément l’origine de ce ralliement au modèle yankee qu’on pourrait considérer comme contre-nature, puisqu’il est l’ennemi honni – du moins sur le papier – de la rhétorique socialiste du Parti Communiste Chinois. Elle est clairement le signe, en tout cas, d’un pragmatisme à toute épreuve. Force est de constater, si l’on juge un arbre à ses fruits et non à ses racines, qu’une bonne partie du pays a basculé sans la joie et la bonne humeur de l’autre côté de la barrière, où les lendemains qui chantent riment avec Coca Cola, Carrefour et Ikea. Des marques qui, pour mieux s’implanter, se sont d’ailleurs trouvé un patronyme chinois taillé sur mesure : Keke Keke (‘bonheur dans la bouche’) pour Coca Cola, Jia Le Fu (‘la famille heureuse’) pour Carrefour, Yi Jia (‘la famille idéale’) pour Ikea, avec une mention particulière pour Volskwagen dont la filiale chinoise répond au nom mélancolique de Da Zhong : ‘le grand peuple’.
Un temps pour accueillir et ouvrir son marché, suivi d’un temps pour apprendre, imiter puis concurrencer ouvertement les conquistadores du capitalisme global. La Chine n’ayant aucune intention de subir le même sort que l’empire Inca, elle contre-attaque depuis une vingtaine d’années avec un esprit de compétition digne des plus grands westerns capitalistes. La société Dangdang, après avoir pris Amazon pour modèle, est devenue numéro 1 du commerce chinois en ligne sous la conduite de sa présidente, laquelle a vécu dix ans aux USA et ramené un MBA et un accent américain dans ses bagages. Avec à sa tête un membre éminent du comité central du Parti, le fabricant de PC Lenovo est allé jusqu’à acquérir la branche ordinateurs personnels d’IBM. TCL, le géant chinois de l’électronique, a pris en 2004 le contrôle de la branche téléviseurs de Thomson avant de racheter la filière téléphones portables d’Alcatel. L’enjeu est simple et la méthode bien rodée : accéder à des technologies ou à des centres de recherche pointus pour opérer un transfert de compétences et bénéficier de points d’entrée dans les marchés occidentaux.
Les grandes multinationales chinoises qui ont su mêler habilement subventions d’Etat, autoritarisme et pratiques occidentales n’ont aujourd’hui plus à rougir devant leurs cousines américaines, et certaines vont même jusqu’à surjouer, au niveau du management, les méthodes de la Silicon Valley en infusant un esprit informel aux réunions de travail des cols blancs pendant que les prolos s’échinent, pour quelques yuans de l’heure (ou même de la journée), à faire tourner des chaînes d’assemblage en chantant dans leur tête des tubes de Cui Jan et Rihanna.
A ce rythme effréné, Datang s’est transformée en capitale mondiale de la chaussette, Macao est devenu le Las Vegas de l’Asie tandis que Pékin et Shanghai se sont offert un relooking moderniste à faire passer Londres et New-York pour des cités étrusques. Les compteurs de vente s’affolent, les modes de vie s’ajustent et la nouvelle classe moyenne chinoise jubile. Un peu trop vite, un peu trop frivolement selon Zhen Jiadong, professeur et directeur du département de philosophie chinoise à l’Académie des Sciences sociales à Pékin et qui confiait à Pierre Haski lors de son périple en Chine : « La société va à grande vitesse vers l’occidentalisation et ce n’est pas compatible avec une structure confucéenne. Quand les jeunes vont au McDo, ce n’est pas seulement un changement alimentaire, c’est une manière de manger très individualiste. Les jeunes rejettent la tradition. »
Un peu plus haut dans la pyramide, la richesse décomplexée des nouveaux self-made men s’affiche en Une des magazines et des journaux où l’on voit des Li Ying, 26 ans, héritière de l’entreprise de son père, passer des petites annonces pour se trouver à la fois un mari et un investisseur prêt à injecter un million de yuans dans la boîte familiale. Répondant à un billet du 29 juillet 2005 sur le blog de Pierre Haski, l’internaute Lao Cai résumait clairement la nouvelle donne, embrassant dans un même regard le matérialisme nihiliste qui ronge tous les pans de la société chinoise : « Par rapport aux années 1980, même les étudiants et les intellectuels sont très dépolitisés. On est sans doute plus riches, mais les soucis de la vie quotidienne sont plus grands et plus complexes. On est réalistes, tout simplement, focalisés sur des critères de réussite personnels dont l’argent est dominant. Le désenchantement sur l’économie de marché, sur la propriété privée, sur l’ouverture à l’extérieur a succédé au désenchantement sur le communisme maoïste. Dans une société sans rêve, les discours, les idées des intellectuels ont beaucoup moins d’audience. Les liens et les mécanismes qui ont pu transformer les idées en mouvement d’étudiants ou en protestation sociale n’existent plus ou sont très faibles. »
Monnaie d’échange
Cette analyse correspond si bien, à la virgule près, à ce qui s’observe en Europe et en Amérique depuis bientôt trente ans qu’on pourrait se demander s’il nous reste encore quelque chose à leur offrir. Mais la question, en vérité, doit désormais être inversée. En quoi la Chine de Xi Jinping peut-elle aujourd’hui se rendre utile pour nous rendre la pareille et aider nos pauvres sociétés à se sortir du marasme intellectuel, spirituel, politique, économique et sociétal dans lequel elles pataugent comme des cochons dans leur bauge ? Et bien tout simplement en leur fournissant clé en main un kit complet de contrôle des populations et d’asservissement des esprits, afin que la doctrine de l’Avenir unique, chère aux marxistes-léninistes de la première heure, recolore à l’encre rouge nos sociétés pré-uniformisées par le consumérisme et l’individualisme, mais encore trop timorées pour basculer d’elles mêmes dans une gestion purement totalitaire du cheptel humain.
Il y a encore, pourrait-on dire en paraphrasant Maître Yoda ou Obi-Wan Kenobi, trop de colère, trop d’humain et surtout trop d’espoir en nous pour accomplir pleinement notre destinée. C’est sur ce point très précis que la crise du coronavirus a mis la puce à l’oreille de nos dirigeants (de l’ombre) et de leurs exécutants, eux dont toutes les décisions, depuis bientôt un an, témoignent d’un renouveau conceptuel dans l’idée même de gouvernance et de rapport aux peuples. Contrôler pour mieux protéger ou protéger pour mieux contrôler ? Telle est la vraie interrogation qui émerge de ces états d’urgence sanitaires prolongés à l’envie par les autorités, et qui piétinent l’Etat de droit comme d’autres piétinent les droits de l’homme.
Dans ce tunnel sans fin creusé au jour le jour par des taupes au QI de hamsters, des milliers de lemmings masqués abrutis par la propagande s’engouffrent allègrement en se répétant à l’oreille les mots d’ordre des Comités de Salut public qui ont émergé aux quatre coins du monde occidental. A chaque pause dans la construction du tunnel, une nouvelle menace (clusters, métastases, nouvelles vagues, mutants séparatistes, résistances au vaccin…) vient claquer comme un fouet et remettre le train à bestiaux dans le sens de la marche. A équidistance du pouvoir et de la fourmilière humaine, le corps intermédiaire des Khmers blancs et des carpettes du système occupe l’espace médiatique et fait office de zone tampon d’où filtrent à mots couverts les nouvelles directives du Comité central. Dernière recommandation en date de l’Académie dite de ‘médecine’ : rester silencieux dans le métro « pour diffuser le moins possible de particules dans l’air. »
Selon la logique désormais bien installée de réponse à une crise sanitaire par des moyens sécuritaires, le chantier, comme on le voit, avance plus vite encore que le virus lui-même, lequel peine à suivre la cadence imposée par les contremaîtres de la gouvernance mondiale. En France, surtout, le programme de rééducation atteint des sommets vertigineux de crapulerie et de sadisme. Deux-mille sept cent personnes en réanimation en plein hiver pour un pays de soixante-cinq millions d’âmes, diriez-vous que ce n’est pas assez ? On vous en promet cinq mille pour mars et le double si vous n’êtes pas sages ! L’originalité du chantier étant, au demeurant, qu’il ne s’agit point d’un chantier de construction comme à l’époque du grand boom chinois, mais d’un chantier de déconstruction où l’on massacre comme à Tiananmen la vie des indépendants, des intérimaires, des petits commerçants, des cafetiers, des restaurateurs, des enfants, des étudiants, des artistes, des professionnels de l’évènementiel et du monde du spectacle, sans compter le bonheur, la dignité et tout ce qui fait sens dans une société libre.
Le résultat de tout ça : un pays zombifié, dépossédé de son avenir et placé sous intraveineuse par une injection d’aides pernicieuse au possible, fondée sur le concept marxiste de revenu minimal de subsistance et destinée à dénaturer l’essence même du travail humain, tout cela à l’ère où ce n’est plus la religion qui est l’opium des peuples, mais plutôt Internet et l’assistanat.
La réseausphère, en particulier, offre une lame à double tranchant aux paranoïaques « progressistes » de l’alliance public-privé qui se sont subtilement emparés du pouvoir. Internet offre certes des outils de réinformation et de mise en contact propres à contester la version officielle des régimes covidistes, mais il agit aussi comme un anesthésiant puisqu’il suffit, pour se révolter, de poster un commentaire incendiaire dans un tweet ou sous une vidéo YouTube. Rien de bien menaçant pour les sieurs Macron, Castex, Véran ou Salomon que de s’y voir traiter de tous les noms par les opposants au Nouvel Ordre Mondial, puisqu’on n’a jamais vu de terroristes en pyjama faire péter une bombe depuis leur canapé ou prendre d’assaut l’Elysée avec des pantoufles aux pieds. A la virtualisation des réalités hospitalières par graphiques, courbes et chiffres interposés – avec, quand c’est possible, une petite interview ou une image choc pour glacer le sang des téléspectateurs – répond une virtualisation quasi symétrique de l’expression du mécontentement, procédant d’un désintérêt croissant des populations pour cette guerre qui n’en finit plus entre l’Empire du mal covidiste et les forces de Résistance à la coronafolie.
Si le combat en venait malgré tout à se prolonger dans la rue, la police de Maocron Zedong a déjà prouvé dans un passé très récent qu’elle savait manier la matraque et la prune et aussi bien que la PAP (Police armée du peuple). L’Angleterre et l’Allemagne – qui s’est prise au jeu sur le tard mais poste désormais des sentinelles en arme à l’entrée des jardins publics pour en interdire l’accès – ont montré qu’elles savaient également y faire. Quant-au cybercontrôle, qui garde son utilité même à l’époque de l’apathie généralisée, la Chine a pavé la voie depuis de nombreuses années et montré à Yahoo, Microsoft, Google, eBay et Amazon comment faire du business tout en respectant le protocole doctrinaire. C’est d’ailleurs Yahoo qui, en 2004, a ouvert officiellement le bal en fournissant à la justice chinoise l’adresse IP d’un dissident chinois, Shi Tao, qui se permettait d’écrire des e-mails inappropriés révélant quelque secret d’Etat. En 2014, Microsoft avait configuré la version chinoise de son logiciel de blogs pour qu’il refuse quelques mots-clés comme ‘démocratie’ ou ‘droits de l’homme.’
Depuis 2020, c’est dans leur propre jardin et contre leurs propres peuples que Facebook, Twitter et YouTube ont retourné leurs armes, flinguant à tout bout de champ la liberté d’expression par le biais de la censure institutionnalisée de tout ce qui déroge – pour ne retenir qu’un seul aspect des choses – au vaccinairement correct. Pour qui a entendu parler du film Hold-Up, de la généticienne Alexandra Horion-Caude, du lanceur d’alerte Jean-Jacques Crèvecœur, du réanimateur Louis Fouché ou même du professeur Didier Raoult (dont un bulletin scientifique a été brièvement supprimé en septembre dernier), la chanson est connue depuis longtemps et le procédé devenu monnaie courante. L’ironie, finalement, est que ce sont des sociétés occidentales comme Nortel et Alcatel qui ont fourni à l’époque à Pékin la technologie de flicage et de contrôle nécessaire à faire taire la cyber-dissidence, et que c’est aujourd’hui la Chine qui regarde toute émerveillée les monstres de la Big Tech faire la chasse aux « fake news » en Europe et en Amérique.
Ombres chinoises
La dernière influence, quasi subliminale, qu’exerce le régime chinois sur nos totalitaristes en herbe (qui commencent à peine, comme Anakin Skywalker, à mesurer toute l’étendue de leur pouvoir), concerne directement la sphère de la représentation politique. Le Parti unique macronien a été une découverte pour les Français, tout comme l’alliance opportuniste, aux Etats-Unis, des Démocrates et des Républicains anti-Trump destinée à éjecter le trublion à grands coups de pieds au cul. Mais ça fait longtemps qu’un peu partout en Occident on a compris que tout ce joli monde voyait la lune au même endroit du ciel.
Il existe à l’heure d’aujourd’hui probablement plus de divergences de vue au sein du Parti communiste chinois à propos de la route à suivre qu’en France entre LREM, le PS, LR, le Modem et Les Verts. A gauche du tas de sable, entre deux dîners à l’Elysée, le camarade Mélenchon ne brille que par intermittence – et jamais sur le terrain du délire sanitaire. Un peu plus en retrait sur la photo, Olivier Besancenot s’imagine donner l’exemple aux métallos en venant rasé et masqué de près sur les plateaux télé. A croire que ces deux-là ont cosigné en secret une nouvelle version du pacte germano-soviétique et qu’ils ne bougeront pas avant que la grand-mère d’Adama Traoré ne succombe au vaccin Pfizer. Marine Le Pen, de son côté, gère comme elle peut son statut de challenger favori de Macron et cherche davantage à ne pas perdre de points qu’à en gagner. Le problème pour elle est qu’avant de remonter sur le ring rejouer les sparring partner face au poulain de la banque Rothschild, il faudra qu’elle se remette de la dérouillée qu’elle a prise en 2017 et qu’elle se demande honnêtement si elle a vraiment quelque chose à apporter au schmilblick, en dehors des ombres chinoises qu’elle projette sur le mur pour faire roucouler les médias et patienter son électorat.
Aucun député RN, en tout cas, n’était là pour s’opposer le 20 janvier à la prolongation jusqu’en juin de l’état d’urgence doctrinaire. Avec à peine 160 votants (sur 577 membres enregistrés au Parlement), le vote de la loi a dû faire se plier de rire les trois mille représentants de l’Assemblée nationale populaire, qui ont tellement pris l’habitude d’approuver, à chaque session annuelle, la politique présentée par le président chinois qu’ils se demandent pourquoi leurs homologues français, anglais et italiens s’obstinent encore à jouer la comédie. Le Parti décide, la chambre s’incline et pof, on passe à autre chose en attendant l’année suivante. Pas de quoi en chier un caramel puisque la paye tombe à la fin du mois qu’on ait dormi ou non pendant les discours des tribuns du peuple.
Au Parlement européen, l’absentéisme est si légendaire que Jean-Claude Junker en avait piqué une grosse colère en 2017 ; certaines mauvaises langues avancent qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, songe à le remplir – maintenant qu’il est carrément vide – de Playmobils géants comme elle en a vus chez sa nièce à l’occasion des fêtes. Aucun Français, aucun Espagnol ni même aucun Luxembourgeois ne serait de toute façon foutu de citer le nom du secrétaire général du Conseil de l’Europe, ni d’aucun autre technocrate qui établit depuis Bruxelles les normes qualité de production du foie-gras et de profondeur maximale des piscines municipales. Qu’on demande à un Chinois qui sont Wang Yang, Han Zheng ou Sun Chunlan (tous membres du Comité central), et il est probable qu’il n’en aura aucune foutue idée. Comment lui en vouloir ? Le système a été pensé pour ça. La bureaucratie chinoise, comme la bureaucratie européenne, engendre une telle anonymisation du pouvoir et une telle dilution de la responsabilité que ces monstres technocratiques sont devenus, avec le temps, de vraies usines à courants d’air.
Le Parti Unique européen, en mission commando depuis le début de la crise, avance désormais comme dans du beurre sans plus se soucier des exceptions locales. Passeports sanitaires, tests PCR à tout bout de champ, commande de vaccins à gogo, QR codes à l’entrée des lieux publics, plus rien ne les arrêtera – et surtout pas la justice. En France, où l’on fait tout mieux que tout le monde pour plaire à la BCE et à la Reine Ursula, on a tout compris une fois qu’on a lu ça : « 6 janvier 2021. Le Conseil d’État a confirmé que policiers et gendarmes pourraient bien ficher les opinions politiques, philosophiques, religieuses, appartenances syndicales et données de santé au nom de la sûreté de l’État. » Le régime chinois appelle ça autrement, « garantir la paix sociale » ou quelque chose du même genre, mais il connaît bien la musique puisque c’est lui-même qui l’a composée. Chaque année, à une date précise, de simples citoyens qui s’estiment victimes de l’arbitraire et de la corruption du régime se rendent ainsi dans la banlieue sud de Pékin dans l’espoir d’attirer l’attention des puissants sur ce qui se déroule à la base, « loin du ciel. » Les requêtes se succèdent pendant trois jours au bien nommé 'bureau des pleurs', et deux plaintes sur mille aboutissent. Un peu comme au Conseil d’Etat, quand on y songe, depuis le début de la crise du coronavirus.
Un rapport de ce même Conseil d’Etat daté de 2006 définissait le concept de sécurité juridique comme « impliquant que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts incommensurables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, et surtout imprévisibles. » Les puristes apprécieront, en particulier au regard de cette facétieuse météo sanitaire qui autorise tout et son contraire.
Les bourreaux de la démocratie ont désormais tous les pouvoirs et il n’est pas exclu que le peuple, dans sa très large majorité, n’y trouve finalement pas grand-chose à redire. Qui applaudit les soignants peut bien applaudir les exécutants, du moment que la farce ne dure pas trop longtemps et qu’on les laisse sortir, un mois sur deux, prendre un bol d’air sur les plages de Deauville. La Chine, qu’on pointe souvent du doigt pour afficher le record du monde d’exécutions de condamnés à mort, n’est pas si imperméable – quoi qu’on en dise – à la pression de l’opinion publique. Et il se trouve justement que devant la montée en puissance de la criminalité, la colère du peuple est forte et que les abolitionnistes, pour le moment, sont très minoritaires sur les forums internet chinois. Quid des Français et des restrictions absurdes et autres humiliations sadiques que leurs dirigeants leur font subir depuis des mois pour « protéger les hôpitaux » ? La question, assurément, mérite d’être posée, mais la réponse risque bien – en tout cas pour certains – d’être effrayante.
« Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité », écrivait Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques en 1955. A l’heure des technocrates et des apparatchiks qui ont fait main basse sur l’Occident et ses démocraties vacillantes, il n’est pas impossible que la Chine, corrompue – ou sauvée, c’est selon – par le mondialisme triomphant, ne trinque aujourd’hui à notre santé en regardant le champ de ruine que sont devenues nos démocraties. Les cadavres électroniques qui s’entassent pas gigatonnes dans les plaines du district de Guiyou, et qui font vivre des milliers de Chinois et de migrants du recyclage de déchets toxiques importés des pays industrialisés (par les ports de Canton et Nanhai), sont comme un temple érigé en l’honneur de notre nouveau rapport au monde. Nos couvre-feux, nos enfants masqués, nos lâchetés et notre soumission n’en sont peut-être, au fond, que la réponse existentielle, la seule que l’on pouvait donner à ceux qui nous ont tant aimés.
https://www.decitre.fr/livres/cinq-ans-en-chine-9782352040064.html
https://www.thebalance.com/u-s-debt-to-china-how-much-does-it-own-3306355
https://www.europe1.fr/international/juncker-sen-prend-aux-eurodeputes-pour-leur-absenteisme-3379853
https://reporterre.net/Le-Conseil-d-Etat-valide-le-fichage-des-opinions-politiques
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