Témoignage : 11 août 1999, mon éclipse à moi
Il y a 10 ans presque jour pour jour, la France s’éveillait dans l’attente de l’éclipse totale de Soleil tant annoncée qui devait avoir lieu en milieu de journée au nord de Paris. Cet événement ayant marqué tous ceux qui ont pu le vivre dans de bonnes conditions, j’ai retrouvé un compte-rendu passionné que j’avais rédigé quelques semaines plus tard, et vous invite aujourd’hui à revivre en direct ce grand moment...
Depuis des mois déjà, nous en parlions : cette éclipse totale dans le nord de
Quand le disque lunaire commence à recouvrir le disque solaire, on parle donc de « premier contact ». Encore une heure et vingt minutes et le disque de
Et le temps passait, et la tension montait. En effet, les nuages étaient toujours très présents. Justement, on entendit à la radio quelques minutes avant la totalité, que l’ombre de
Depuis quelques minutes déjà, la luminosité baissait régulièrement. Quand le Soleil fut recouvert à 90-95%, les couleurs commencèrent à changer : on se croyait au soir ou pendant un orage. La luminosité était beaucoup moins forte, mais paradoxalement les couleurs étaient beaucoup plus contrastées. Nous avions un thermomètre, il tomba de 5 degrés entre le premier contact et la totalité (on l’oublia ensuite, pris par le grandiose spectacle). Nous avons dû perdre en tout, une dizaine de degrés.
La tension était vraiment palpable. Autour de nous, presque 100 voitures nous avaient rejoints, quelques télescopes étaient sortis, et l’ambiance était bon enfant.
Et plus que quelques secondes avant le début de la totalité : consciemment ou inconsciemment, on se regroupa face au nord-ouest. Nous voulions voir l’ombre arriver, mais en même temps il fallait guetter le Soleil. En effet, lorsque celui-ci disparaît, apparaissent furtivement les « grains de Baly ». Ce sont de petits points de lumière qui marquent le début de la totalité. En effet, la surface lunaire n’étant pas lisse, quelques cratères vus de profile laissent passer les derniers rayons de Soleil. De la même façon, ils annonceront, de l’autre côté du disque noir, le retour de la lumière.
Au nord-ouest il faisait bien sûr beaucoup plus sombre qu’autour de nous, il semblait même faire déjà nuit. A la radio, les unes après les autres les villes annonçaient d’ailleurs la totalité : l’ombre arrivait. Plus que quelques secondes… nous ne tenions plus en place. Tout à coup effectivement, des flashs crépitèrent au nord-ouest ! Là-bas on y était, ils étaient dans le noir et commençaient à immortaliser le spectacle ! En regardant le ciel, le Soleil était bien recouvert à 99%, et pourtant on ne pouvait toujours pas le regarder à l’œil nu. A cause des nuages, on ne vit pas arriver l’ombre de
L’éclipse était commencée : on criait ! Et on hurlait ! Nous étions en plein sur la ligne de totalité et la nuit venait de tomber à midi 26 ! QUEL PIED !
Et tant de choses à voir ! Quel spectacle dans le ciel ! Un soleil noir illuminait les cieux d’une lumière absolument irréelle. Il ne faisait pas tout à fait nuit, mais il ne faisait pas jour non plus : nous voyions très bien autour de nous. L’astre noir et presque effrayant qui se trouvait au-dessus de nous brillait d’une lumière morte. Au sud-ouest du disque apparut Vénus. A l’œil nu, la couronne solaire faisait le tour de ce Soleil noir, et on voyait même les protubérances solaires : de petites excroissances rouges dépassaient du disque noir.
Ce fut un peu comme le lever du jour (le deuxième de la journée !), mis à part que ce serait sans l’apparition familière du Soleil. Et l’horizon nord-ouest s’éclaircissait effectivement petit à petit… et A. continuait de décompter… et on ne voulait pas que cela se termine… Sous les nuages, l’horizon reprit alors sa couleur première, et nous regardâmes de nouveau le Soleil : deux grains de Baly apparurent, l’astre solaire reprenait vie. Ces deux grains se joignirent alors en un magnifique diamant avant que la lumière ne redevienne aveuglante. « Les lunettes ! Les lunettes ! », criions-nous depuis quelques secondes… et tous mes spectateurs s’agitaient de partout, la lumière revenait !
Deux minutes et quinze secondes, que c’est court ! Nous n’avions évidemment pas vu le temps passer, et déjà, c’était fini. Pendant quelques secondes, voire quelques minutes, nous restâmes tous un peu hébétés, le sourire aux lèvres pour la plupart. On se serrait dans les bras, nous étions heureux, mais il restait comme un sentiment d’insatisfaction : B. me dit même « j’ai l’impression que je l’ai ratée, je n’ai rien vu ! ». Et c’était un peu vrai : il y avait tellement à regarder que l’éclipse était passée trop vite pour que l’on garde le sentiment de l’avoir savourée pleinement. C’était aussi la première pour tout le monde : nous ne savions plus où donner de la tête.
(texte rédigé donc, en 1999)
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