Toussez. Ensemble. Toussez !
Nous jouissons, dit-on, d’un modèle « européen ». Il nous vaudrait, redit-on, une harmonisation sociale, commerciale, voire fiscale. Cinquante années après la signature du traité de Rome, Paul-Henri Spaak peine à obtenir la prise en considération de sa bronchite par Jean Monnet.
Pas question, ici, de se livrer à de lyriques envolées sur les bienfaits et méfaits supposés d’une Europe que nous voulions unique. Déjà, le Benelux peine en son minuscule espace préfigurant, nous disait-on, la Grande Europe à l’harmonisation des monceaux de paperasses censés nous offrir en sus du beurre le sourire de la crémière. La pauvre y a gagné une paire XXL de bésicles, le recours obligé à un expert comptable et le concours quasiment indispensable de son compère fiscal.
Certes, le commerce transfrontalier mérite quelque effort qu’il serait vain de nier. D’autant que l’exception fiscale est frénétiquement invoquée par l’ensemble des Etats membres lorsqu’il convient d’y trouver le cent qui fera l’euro qui lui fait défaut. En l’occurrence, le résultat est le plus souvent piteux, quand il ne sert de cache-sexe aux anges exterminateurs du marché dérégulé. Les sidérurgistes comme les marins, bien davantage que les agriculteurs ou les chimistes, se feront un plaisir de vous démontrer combien cette Europe les a lésés, les lèse et les lésera.
Cinquante années plus tard donc, il conviendrait de remettre les traités et la paperasse à plat. Ce à quoi tendrait le mini-traité hyper-simplifié promu par l’hyper-mini président par trop simplificateur de l’hypertrophiée
République, cinquième du nom, si ce n’est de l’esprit. Cinquième République, cinquième colonne, à droite toute comme le professaient les beaux esprits inspirant le "Je" qui de ses talonnettes vous parfument allègrement aux six aspérités de la rubiconde France.
Preuve, s’il en était besoin, que l’Europe peut très bien se passer de la France. L’inverse se vérifierait-il ? Rien n’est moins sûr. Avant l’euro, les dévaluations compétitives parvenaient à peine à maintenir cet Etat la tête hors de l’eau tandis que ses populations les plus défavorisées plongeaient sans aucune allégresse.
Huit ans ont passé. De championnat de la médiocrité monétaire, il ne peut plus être question. Or la France ne cesse de tousser, de s’enrhumer, de chroniciser sa bronchite, voire sa pulmonie financière. C’est grave, docteur ? Certes non, vous diront tous les praticiens d’outre-Atlantique qui se soignent à grands coups de déficits de la balance des paiements.
Un doyenné parmi les 27 de l’évêché européen
Hélas pour la France, l’un de ces zigotos qu’elle affectionne pour souverain a cédé pour broutille ses possessions américaines afin de donner un coup de neuf à son argenterie. Laquelle n’en tira qu’un très éphémère profit tandis que son économie se trouvait à jamais cocue de cette cession. La France, confite dans son illusion de grandeur, réalisera-t-elle un jour qu’à l’instar de "sa" paroisse de Latran à Rome, elle ne compte plus guère qu’un doyenné dans l’Europe des 27 ?
Il serait temps, grand temps, que la fille préférée de l’Eglise réalisât qu’elle court sur des chemins de catins. Ses citoyens, nous dit-on dans les gazettes de la République, se sentent orphelins de grandeur. Une présupposée vertu que son remonté président se ferait fort de lui restituer. Convenons, sans mauvaise foi aucune, qu’il aurait ici tort de ne se servir en premier, comme il en fait coutume en tous points depuis son accession aux affaires.
Enfin, pour ne point se satisfaire du point de vue de Sirius, jetons, en voisins compatissants, un oeil bienveillant sur la France qui, si longtemps, nous éblouit. Cinquante années après la signature du traité de Rome, trente années après que fut déclaré l’état de crise manifeste de la sidérurgie européenne, huit années de monnaie commune, comment va la France, comment se portent ses voisins ?
Poser ces questions se révèle cruel, inhumain même pour les populations, les aristocraties ouvrières, qui en firent les frais. Convenons bien volontiers que l’on ne manoeuvre le paquebot hexagonal comme l’esquif grand-ducal. Faudrait-il alors que l’Allemagne, soumise au coût gigantesque la réunification se fut moins bien comportée que la Belgique ? Ce n’est nullement le cas et chacun le sait pertinemment.
Aussi, de gauche comme de droite, les praticiens qui se font fort de rendre des couleurs à la République, - un peu de discernement en la matière ne décevrait nullement les social-démocraties environnantes - seraient-ils fort inspirés de convenir qu’en matière industrielle l’humilité leur siérait grandement. Que financièrement, ils ont tout à apprendre depuis que Colbert a rangé son génie en une quelconque terre. Qu’il sied peu de s’en prendre au malade pour rendre vigueur à l’hôpital. Que, enfin, la solidarité européenne a démontré, malgré ses immenses lacunes, les tout aussi grandes vertus qu’elle procure à ses tenants. Que, en ces temps de globalisation, et quoi que l’on en pense, rien ne vaut l’entraide bien comprise entre les peuples aspirant à la paix et à la concorde.
Une fois ces douloureuses médications administrées à toute humilité au peuple qui se veut le phare de la pensée européenne, peut-être pourra-t-il rejoindre le concert européen hors de ses orgueilleuses prétentions.
Il suffirait aux champions du "moi, je veux", "moi, je dis" de troquer ces puérilités pour un "moi, je regarde", "moi, je pense avec", "moi, je crois que seuls nous n’y arriverons pas"...
Les maires, présidents de régions et de conseils régionaux frontaliers - volens nolens - ont appris à apprécier leurs voisins, à s’inspirer de leurs politiques certes moins tape-à-l’oeil, à jouir du bien-vivre importé par les travailleurs qui, chaque jour, franchissent une frontière pour trouver un emploi. Cela se vérifie avec l’Allemagne, la Belgique implosante, mais heureuse d’accueillir les frontaliers français tant en Flandre qu’en Wallonie, le Grand-Duché de Luxembourg qui compte plus de salariés étrangers que nationaux.
Voila certainement la meilleure leçon que l’Europe des pères fondateurs aura apporté à la France comme à ses voisins. Si nous sommes malades aujourd’hui, toussons. Mais toussons ensemble ! Ce à quoi la France semble jusqu’à présent s’être refusée, se complaisant dans un malaise orgueilleusement solitaire et, partant, imbécile.
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