Troubles au Moyen-Orient, l’Islam en est-il la cause ?
Encore des morts pour un simple journal satirique vendu à moins de 100 000 exemplaires. Cette fois-ci la tuerie s’est déroulée en plein cœur du monde musulman alors que plusieurs manifestations ont éclaté un peu partout au moyen orient et au Maghreb en réponse à la dernière « une » du journal Charlie Hebdo. La plus violente a certainement été celle au Niger où dix personne ont perdu la vie. Des commerces et églises chrétiens ont également été vandalisés ou même brûlés lors de l’émeute.
Comment des peuples habituellement pacifiques peuvent arriver à un tel niveau de violence ? Est-ce vraiment la faute à Charlie ? Blâmer un journal et l’accuser de tous les maux parce qu’il publie des dessins qui, j’en conviens, manque de respect à une grande partie de la population mondiale serait trop facile. Je suis plutôt d’avis que le problème est beaucoup plus profond et complexe que cela. Les facteurs qui influencent la monté d’actes d’une telle violence peuvent se retrouver dans plusieurs sphère d’une société. Je ne ferai pas ici une liste exhaustive de toutes les causes possibles de ce drame. À vrai dire, les récentes émeutes ne sont qu’un prétexte pour parler d’un problème qui ronge toutes les sphères de la société musulman depuis bien plus longtemps ; la religion.
Je vous imagine déjà m’accuser de tenir des propos islamophobes, comme si il était impossible de tenir un discours dénonçant les problèmes religieux au Moyen-Orient et au Maghreb sans être un anti-Arabe. Peu importe ce que vous en pensez, j’affirme avec conviction que la thèse défendue dans ce texte n’est ni Islamophobe ni d’aucune autres formes d’incitation à la haine. Elle ne s’attaque ni au arabes, ni aux personnes de confession musulmane mais bien aux dysfonctionnements d’une religion. Il ne faut pas faire l’erreur de confondre l’individu et les systèmes créés par une société qui envahissent la conscience de ce même individu.
Maintenant que mes intentions sont claires, nous pouvons commencer le développement du sujet de ce texte.
Tout d’abord, depuis quelques années, on a vu l’apparition de plusieurs groupes extrémistes issus de l’Islam. Il est important de préciser que ces groupes appelés « terroristes » dans le monde occidental ne sont qu’une infime minorité à travers l’Islam et que la population de confession musulmane en est une comme celle que nous avons ; remplie de gens vertueux, aimables et plein de bonté, mais comportant également sa part d’individus manquant de valeurs morales et d’éthiques. Il n’empêche que les groupes extrémistes ayant fait le plus de dégâts pendant les dix dernières années (on exclut l’occident qui n’est pas un groupe extrémiste, mais bien une civilisation convaincue d’être meilleure que les autres) ont tous un point en commun ; ils se disent tous messagers d’Allah. Pour augmenter leur pouvoir et faire régner leurs lois, qu’ils disent celles du “vrai” Islam, certains imposent des califats islamistes dans lequel les droits des femmes sont inexistants et toutes libertés religieuses coupables de mort. On peut penser à l’État Islamique ou Boko Haram qui saccagent des villes entières, massacrent des innocents par centaines et font régner la terreur partout sur leur passage au nom d’Allah.
Devant toute cette violence, une question pertinente s’impose. Mais pourquoi tous ces monstres prennent-ils le visage de l’Islam ? Comment se fait-il que des hommes commettent de telles atrocités au nom de cette religion, qui comme toutes les autres prêche avant tout pour la paix et l’amour ? Dans une lettre ouverte publiée dans le Hufftington Post, Abdennour Bidar, philosophe spécialiste des évolutions contemporaines de l’Islam, nous donne la réponse, du moins une partie de la réponse. Et celle-ci se trouve à l’intérieur même de la religion musulmane. Ces monstres, tels que celui que les musulmans appellent le DAESH, ont été créés par l’Islam lui-même en étant incapable de se moderniser depuis le début du XXe siècle.
Les Al-Quaida, Al Nostra, État Islamique et bien d’autres ne sont donc que les symptômes d’une religion malade, complètement dépasser par les évènements et incapable de faire face au défi d’aujourd’hui. Bien que ces groupes extrémistes soient les plus apparents, on peut observer quantité d’autres signes de cette maladie qui afflige l’Islam. Quels sont ces signes ? En voici quelques exemples : « impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des dogmes de la religion ; prison morale et sociale d'une religion dogmatique, figée, et parfois totalitaire ; difficultés chroniques à améliorer la condition des femmes dans le sens de l'égalité, de la responsabilité et de la liberté ; impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par l'autorité de la religion ; incapacité à instituer un respect, une tolérance et une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités religieuses. »
Est-il alors justifié de blâmer l’occident pour tous les maux du Moyen-Orient ? Je suis tout à fait d’accord que notre civilisation a sa part de tort, on peut penser à l’invasion de l’Irak par les États-Unis, à la guerre menée contre les djihadistes en Afghanistan ou bien aux bombes larguées depuis plusieurs mois un peu partout au Moyen-Orient par une coalition dirigée par les Américains. Au mieux, l’occident n’a rien fait pour aider à vaincre cette crise dans le monde musulman, au pire, il l’a aggravé. Ce ne serait pourtant pas juste de simplement tout mettre la faute sur notre civilisation. L’Islam reste une religion grugée de l’intérieur depuis plusieurs années avec ou sans notre aide.
On peut voir partout des musulmans qui crient que ces monstres ne sont pas le vrai Islam, celui de l’amour et du savoir. Ces hommes et ces femmes qui refusent d’être associés à toute cette violence et qui scandent #Not in my name. Ils ont raison de le faire et je suis convaincu qu’ils y croient à ce message de paix, mais ce n’est pas suffisant. Tant que l’Islam ne regardera pas ses démons en face, il continuera d'engendrer de telles atrocités. Tant qu’il ne se réformera afin d’envoyer un message de respect et d’égalité universelle, il conduira la partie la plus faible de sa population vers l’extrémisme.
Il ne sera pas facile de changer. L’Islam contrôle aujourd'hui toutes les sphères de la société, que ce soit politique, sociale ou morale, et règne « aussi bien sur l'État que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la maison qu'à l'intérieur même de chaque conscience » dans la majeure partie des états arabes. On peut penser à l’Arabie Saoudite qui, contrôlée totalement par la religion, est incapable d’instaurer une démocratie, de faire respecter le droit des femmes et d’autoriser la liberté de conscience.
Quand on regarde attentivement ce qui se passe dans ce pays, il devient très difficile de faire une différence entre l’État Islamique et ce que ce régime impose à sa population. Le cas de Rawif Badawi est l'exemple parfait de ce contrôle de la religion. Après avoir tenu des propos jugés un peu trop libertaires, ce blogueur saoudien a été condamné à 10 ans de prison, à une amende de plusieurs milliers de dollars ainsi qu’à 1000 coups de fouet. Est-ce vraiment plus “civilisé” que ce que le DAESH fait ? Peut-on encore dissocier ces monstres de ces sociétés ? Comment le monde musulman peut-il complètement se reformer alors que ses modèles érigent, d'un côté, des lois aussi barbares que la flagellation, et de l'autre, une caricature grotesque du mode de vie américain ? Je parle ici des Émirats arabes unis qui on construit une ville devenu le symbole de la surconsommation.
Comme si ce n’était pas assez, on a appris récemment que la plus grande partie des revenus de l’État Islamique provenait de l’Arabie Saoudite. Les grands magnats du pétrole saoudiens subventionneraient donc les atrocités commises par ce groupe. Si le DAESH ne représente pas le vrai Islam, celui qui lui donne l'argent dont il a besoin non plus. Alors qui est-ce qui représente se soi-disant vrai Islam ? À mon avis, cet Islam est mort depuis longtemps. L'Islam, qui émerveillait la terre entière de par ses savants, ses penseurs, ses inventions et son code moral est mort lorsque, au lieu de tenter de se moderniser et de continuer à faire progresser l'humanité, s'est recroquevillé sur lui-même et a continué la pratique de ses vieilles traditions archaïques.
Et maintenant, quelle est la solution ? Bien que l'occident soit persuadé de pouvoir résoudre le problème il ne peut rien faire sinon aggraver les choses. Il devrait plutôt tenter de vaincre ses propres démons au lieu de faire la morale aux autres civilisations. De plus, bien que le monde musulman doive absolument se reformer, je ne pense pas que notre modèle soit le meilleur à suivre, notamment en ce qui concerne le culte voué au dieu argent. Heureusement, Abdennour Bidar nous donne une partie de la solution, du moins des pistes. Il faut que la société musulmane « commence par réformer toute l'éducation [qu'elle] donnes à [ses] enfants, [qu'elle] réformes chacune de [ses] écoles, chacun de [ses] lieux de savoir et de pouvoir. Qu'[elle] les réforme pour les diriger selon des principes universels (même si [elle] n'est pas [la] seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la diversité des visions du monde et des croyances, l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du religieux dans les universités, la littérature, les médias. » Cette tâche peut sembler colossale, mais c'est le seul moyen de rendre ses lettres de noblesse à une religion qui pendant longtemps aura éclairé l'humanité, mais qui aujourd'hui fait plus partie du problème que de la solution.
* Toutes les citations utilisées dans ce texte ont été prises dans Lettre ouverte au monde musulman écrit par Abdennour Bidar et publié sur le site du Hufftington Post le 15 octobre 2014.
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