TVA et TTC : Tout Va Augmenter et Tout est Très Compliqué
Le gouvernement annonce qu'il n'augmentera pas les taux de TVA.
On s'attend à 2 % de majoration.
Le principe de la TVA est simple : taxer la création de richesse via le flux de richesse, autrement dit : taxer tout ce qui se vend.
Pour éviter que la taxe se cumule d'un intermédiaire à l'autre, les pouvoirs publics ont décidé que seul le client final paie. Par conséquent c'est le particulier.
Pour gagner en compétitivité internationale, les ventes à l'étranger sont exonérées.
C'est donc seulement le Français de France qui paie la TVA.
C'est dans le principe un impôt socialement juste puisque ce sont les riches qui consomment le plus et qui doivent donc être le plus touchés.
Dans la réalité, c'est plutôt l'inverse qui se produit : ce n'est ni simple ni juste.
Et je ne parlerai pas des formidables arnaques qui envoient une escouade de douaniers investir les domiciles des suspects.
Le coût caché de la TVA
Comme le mot simplicité est haï par nos technocrates, voici un aperçu rapide du plombage de la productivité des entreprises grâce à l'usine à gaz « TVA ».
Nos politiques et nos bureaucrates ont concocté plusieurs taux avec si possible des valeurs bizarroïdes (19,60 %, ...), avec des conditions les plus alambiquées possibles, et avec des changements inattendus, avec des annonces faites trop longtemps à l'avance ou trop tardives et des mesures trop rapides à mettre en oeuvre.
Dans une entreprise, gérer ces évolutions demande du temps, de l'énergie, des ressources humaines, bref de l'argent uniquement pour se tenir au courant et appliquer la loi. Cela fait partie des charges cachées, et c'est un déport du travail du fisc aux dépens du secteur privé.
La France gagnerait en productivité avec moins de taux, avec moins de changements, et, paradoxalement, avec des taux plus bas. Cela accroîtrait la productivité et la compétitivité.
Les taux : la marge de l'Etat
Pour simplifier, disons que la TVA est la marge que l'Etat s'octroie lorsqu'une entreprise vend en France un produit ou un service à un particulier.
Quand une entreprise achète à une autre entreprise, un jeu d'écriture comptable lui permet de la récupérer et seul le particulier paie réellement la taxe.
Pour les entreprises, le taux de marge moyen des "trente glorieuses" était de 28 %.
Après 1998 il s'est stabilisé au-dessus de 30 % .
Entre 2005 et 2008 il augmente à 32 %.
Puis il se dégrade.
Voici un exemple de la répartition des marges entre entreprise et Etat.
Si on prend une marge d'entreprise à 20 %, nous avons un client qui achète un produit à 100 euros avec la ventilation suivante, aux arrondis près :
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16,66 euros vont à l'Etat au titre de la TVA
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13,88 euros vont à l'entreprise pour sa plus-value,
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69,44 euros ont servi à payer les frais et les charges de l'entreprise.
Autrement dit, si un produit a coûté 100 euros,
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l'entreprise prend 20 % de marge, soit 20 euros
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l'Etat prend 20 % de TVA, y compris sur la marge de l'entreprise, soit 24 euros
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ce qui fait un prix de vente de 144 euros
On constate clairement que les gens qui ne sont pas imposés au titre de l'impôt sur le revenu déboursent pourtant beaucoup en taxe, puisque la majorité des produits est à 20 %, et ils consacrent leur budget aux biens nécessaires.
Les gens aisés ont mille et une manières d'y échapper, comme utiliser les frais professionnels, passer les vacances à l'étranger, etc., et ils consacrent une faible part de leur budget aux biens nécessaires.
On peut en conclure que plus le taux de TVA est élevé, plus l'imposition est injuste.
C'est sans doute pour cela que, le 29 janvier 2012, le candidat Hollande avait critiqué la politique de Nicolas Sarkozy :
« L'augmentation de la TVA : je la considère inopportune, injuste, infondée et improvisée, ça fait beaucoup, et c'est pourquoi si les électeurs le décident et si demain je suis appelé aux responsabilités je demanderai au Parlement de l'annuler ... Je juge inopportun d'augmenter la TVA de 1,6 point au moment même où la croissance ralentit. »
Mais quand les caisses sont vides, il faut taxer tout ce qui bouge, et au diable les principes.
Au gouvernement, on explique qu'il « n'y a pas d'alternative crédible. On ne peut pas vivre tout un quinquennat dans le monde tel qu'il est sur la base des discours de la campagne électorale alors que nous n'avions pas la vision globale des comptes ».
Au passage, on remarquera l'expression « nous n'avions pas la vision globale des comptes ».
J'ai toujours admiré ce genre d'euphémisme.
On ne dit pas
« Nous nous sommes tous complètement planté.
Nous avions tellement passé de temps à jeter des peaux de banane sur nos concurrents à l'intérieur de notre parti que nous n'avions pas pris la peine d'étudier la situation du pays, et comme nos candidats et nos militants ont des emplois protégés, nous nous sommes pas rendus compte de la déchéance de nos entreprises, de ceux qui y travaillent, et de ceux, de plus en plus nombreux, qui voudraient y travailler mais ne le peuvent plus. »
Les différents taux
Ceci dit, regardons les taux.
Vous croyez que c'est simple, qu'il n'y en a que trois.
Ou quatre, en incluant un taux à zéro % pour les produits exonérés.
Désolé, mais la France est un pays qui n'a pas de pétrole mais qui a des usines à gaz.
Sans aller dans les détails qui sont nombreux et compliqués, et en restant en France métropolitaine :
cf http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23567.xhtml
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le taux est de 20 % en général
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il est de 5,5 % pour les produits de première nécessité, comme l'abonnement au gaz et à l'électricité. Ou comme la nourriture si on la concomme chez soi. Sauf exception : margarine, chocolat, caviar, ... : 20 %
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il est de 10 % sur des produits intermédiaires, comme la nourriture à consommer sur place (les restaurants). Sauf les cantines qui sont à 5,5 %. Sauf si vous êtres prestataires et que c'est la cantine de votre client : 10 %, comme un restaurant trois étoiles.
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il est de 2,10 % sur des produits de très grande nécessité, comme les médicaments, les publications de presse détenant un nunéro de CPPAP, y compris la presse en ligne, la contribution à l'audiovisuel public et les spectacles quand ils ne sont pas soumis à 5,5 %
Ainsi, les confiseries, matières grasses végétales (margarines), caviar, chocolat et produits composés contenant du chocolat ou du cacao sont au taux de 20 %, parce que ce n'est pas de première nécessité, et que le chocolat comme le caviar, c'est du luxe.
Les ventes d'oeuvres d'art et les cessions de droits d'auteurs ne sont qu'à 10 %. Normal. Une oeuvre d'art n'est pas un luxe, c'est de la culture. Ce n'est pas non plus de première nécessité. C'est donc le taux intermédiaire. Vous êtes soulagés.
Et le taux à 2,10 %. Qui en bénéficie ?
- les médicaments remboursables par la sécurité sociale.
Pourquoi pas 5,5 % ? Passer de 102,10 euros à 105,50 euros ne fait jamais que 3,33 % d'augmentation. Et si le gouvernement était resté sur son idée première de 5 % au lieu de 5,5 %, les médicaments n'auraient augmenté que de 2,84 %. Ne me dites pas que le trou de la Sécurité Sociale aurait été inacceptable. Il l'est déjà.
- aux ventes d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des non assujettis,
Pourquoi pas 5,5 % ? Le gain pour les bénéficiaires est-il vraiment mesurable à 2 % près ?
- à la redevance télévision,
La contribution à l'audiovisuel public est la nouvelle appellation de la redevance audiovisuelle. On change de nom mais on continue à taxer. La redevance allant dans une poche de l'Etat et la TVA dans une autre, le passage à 5,5 % ne ferait que transvaser d'une poche à l'autre sans modifier le total. Et après tout, pourquoi pas une taxe à 20 % ? La télévision est donc classée comme hyper première nécessité ?
- à certains spectacles
les spectacles bénéficient du taux hyper réduit de 2,10 %.
Un pauvre qui n'a pas le sou va se restreindre en achetant des nouilles, et parfois de la viande, à 5,5 % tandis que le bobo pourra aller se gaver de culture à 2,10 %. Normal, la nourriture de l'esprit est primordiale.
Le législateur a bien compris où se trouvait la justice : un chanteur, par exemple, paiera 2,10 % de TVA pourvu qu'il change souvent la mise en scène. Vous pensez que cela lui laissera davantage de recettes imposées au titre d'impots sur le revenu ? Oui, sauf s'il est domicilié à l'étranger.
Dans ce cas, l'Etat y perdra sur tous les tableaux.
Mais ne vous avisez pas de pirater ses oeuvres. Les associations de défense des auteurs sont sans pitié.
- et aux publications de presse inscrites à la Commission paritaire des publications et agences de presse
Des petits malins en profitent pour vendre des objets divers (CD, DVD, statuettes, etc.) avec des revues qui ne sont qu'un prétexte pour obtenir le taux de 2,10 % au lieu de 20 %.
Mais en quoi la presse peut-elle être plus indispensable que la nourriture ?
Je me rappelle avoir visité jadis des pays totalitaires qui vivaient dans la pénurie alimentaire mais leurs habitants étaient pourvus en téléviseurs.
Comme je m'en étonnais, on me répondit que c'était normal, c'était un outil de propagande.
Presse et télévision, un outil de propagande ?
Chez nous, tout le monde sait bien que c'est faux.
Si c'était le cas, nous vivrions dans un univers de politique spectacle et nous serions saturés par des non événements comme "adieu ma concubine" ou la "vengeance d'une blonde", et nous n'entendrions pas ou peu parler de l'essentiel.
Voilà brièvement comment une idée juste se concrétise en injustice et en boulet.
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