Un drone posé comme une fleur
Fake ou pas fake ? Comme vous, j'ai été assez intrigué par la capture d'un drone de dernière génération américain par les iraniens, et à vrai dire encore plus intrigué par ses photos et les vidéos révélées quelques jours après par ses mêmes iraniens. Au début, je vous l'assure, j'ai même crû à un faux fabriqué sur place. Mais à l'examen, il s'avère bien que l'engin dont se sont saisis les militaires iraniens est bien un RQ-170 d'origine, appellé officiellement "Sentinel", un appareil récent qui ne présente pas du tout les mêmes caractéristiques que ses "collègues" de la même famille. L'engin est bien différent, à plusieurs égards, ce ce qui nécessite quelques explications salutaires, afin d'éviter les divers ragots entendus ces derniers jours à propos de sa capture. Retour donc sur le "quoi qu'est-ce" de ce surprenant kidnapping.
De prime abord, les photos ou les vidéos fournies par les iraniens intriguent davantage qu'ils ne renseignent. Passons vite fait sur le problème de sa couleur génétale : certains sont allés vite en besogne expliquer qu'il avait été recouvert d'une couleur type "primer" (sous-couche) verte. En réalité, c'est celle des reflets des baies verdâtres du hall d'exposition où il a été exposé après sa capture. Une rapide manipulation sous ordinateur nous redonne sa vraie teinte ; un gris clair ordinaire, celui approchant la majeure partie des appareils US, avions compris, notamment ceux de la Navy comme le Super Hornet ou l'ancien Tomcat, dont les iraniens conservent quelques exemplaires. Question couleur en effet, suggère Aviation Week, ce sont les drones volant plus haut qui sont peints plus sombres, tel l'immense RQ-4 Global Hawk de 40 mètres d'envergure - avec ailes en graphite- pesant 14,6 tonnes à pleine charge (voir ici la taille de ses "rampants" en comparaison). Selon la revue le Sentinel ne devrait pas monter au delà de 50 000 pieds (15 000 m). Sur son site-mère, celui de l'Air Force, il est d'ailleurs présenté comme un "low observable UAS" (pour "Unmanned Aircraft System") : pas pour le rase-mottes encore, mais ce n'est pas le drone d'altitude comme on a pu le présenter jusqu'ici. Mais l'histoire de la teinte revient sous forme d'un autre questionnement, à partir d'un détail prècis. Selon une des autres théories lues, en effet, l'appareil aurait bien été... repeint, car étant plus grisâtre semble-t-il au départ : ça semble possible, car les étranges joints des ailes qui déparent la finition portent le même ton : or, visiblement, ils ne font pas partie de l'engin initial et ont été rajoutés Pourquoi le repeindre en ce cas ? On évoque alors le fait de cacher quelques éraflures révélant l'endroit où il aurait atterri. Voilà qui se tient en effet. L'engin aurait donc bien été recouvert d'une fine couche de peinture, mais pas très différente de l'original, à examiner certaines prises de vues à Kandahar.
Bien entendu, inutile de chercher un quelconque insigne de l'USAF sur une des ailes, couche supplémentaire ou pas, ou un numéro identificateur sur l'arrière du fuselage : l'engin était bien en surveillance d'espionnage, et c'est bien connu les espions n'ont pas de nom, sauf James Bond. L'absence totale de signe indique surtout qu'on avait affaire à une mission ultra-secrète plutôt qu'autre chose : histoire de ne pas donner trop vite aux nouveaux acquéreurs des "preuves" visibles attendues. En fait, on aura confirmation d'une mission dirigée par la CIA quelques jours plus tard après son "atterrissage" forcé.
Question matière, c'est autre chose. Une bosse sur l'aile gauche a laissé entrevoir la possibilité d'un appareil factice fabriqué vite fait par les iraniens. On s'attend en effet à des matières comme des composites, qui se déchirent et ne se bossellent pas, et on se retrouve avec un pliage de matériau qui évoque le duralumin de faible épaisseur, ou à une matière plastique, et non un matériau de type carbone. Les 90% revendiqués de matériaux composites ne semblent pas atteints sur cet appareil. Ce qui est fort possible, car ce que tout le monde semble avoir oublié, dans l'histoire, c'est que le RQ-170 n'a rien à voir avec ses collègues antérieurs. La "Bête de Kandahar", comme on l'avait appelé jusqu'ici, lors de sa découvert il y a quatre ans, est en effet un drone... à bas coût, et non un monstre de technologie doté d'une peau digne des dragons chinois recouvert de peinture à la perlinpinpin, façon F-22, à plusieurs milliers de dollars le litre. Le RQ-170 est en effet un drone "low cost".... bien banal et fort peu furtif. D'où une construction archi-traditionnelle, ne privilégiant pas totalement les composites.
Une simplicté voulue, au point d'avoir été prévu à l'origine... pour ne pas être récupéré en cas de capture... c'est ce qu'on découvre avec surprise en effet en relisant les données techniques révélées voici plusieurs mois déjà dans la "Bible" d'Aviation Week : "dans le design manquent plusieurs éléments communs à l'ingénierie de furtivité, à savoir des portes de train d'atterrissage crantées (voir ici celle d'un F-117) et des bords d'attaque effilés. Il a une forme d'aile incurvée, et l'échappement n'est pas protégé par l'aile. Aviation Week postule que ces éléments suggèrent que les concepteurs ont évité les "technologies très sensibles » en raison de la quasi-certitude de perte opérationnelle éventuelle inhérente à sa conception à un seul moteur et le désir d'éviter le risque de compromettre la technologie de pointe". C'est la grande surprise de cette enquête : en somme, ils s'y attendaient un jour où l'autre, à se le faire prendre, et l'avaient construit de façon à ne rien présenter de "sensible" comme technologie ! L'engin décrit par la presse iranienne comme la prise de guerre du siècle est donc en réalité du genre... fort ordinaire.
A appareil "low-cost", moteur très répandu : comme ça, si l'adversaire en hérite, il se retrouve avec un modèle tout ce qu'il y a de plus banal. C'est celui qui équipe depuis longtemps des appareils militaires, tels l'ancien SB3 Viking ou même l'A-10, sur qui il est installé en double. Il avait été aussi accolé à l'hélicoptère de haute vitesse Sikorsky S-72... en 1976, c'est dire à quel point il est tout sauf récent ! Le cliché que je vous ai retrouvé représentant ce réacteur sort tout droit d'un musée, celui de New England Air Museum, à Windsor Locks, dans le Connecticut. Sa version civile, le CF34, équipe par exemple l'Embraer 190/195 ; le CRJ1000 de Bombardier, ou même l'ARJ21 Chinois. Les iraniens viennent de récupérer un moteur archi-répandu datant des années 60... pas de quoi vraiment pavoiser ! "Les paramètres de poids et le plafond postulés suggèrent l'utilisation possible d'un moteur General Electric TF34, ou une variante dans la cellule. Sur la base des rares accessibles au public des photographies des RQ-170, l'expert en aviation Bill Sweetman a estimé que le drone est équipé d'un capteur électronique et éventuellement d'un radar actif à lecture optique (AESA) monté dans son carénage ventral. Il a également émis l'hypothèse que les deux carénages de train sur les ailes du drone pouvaient être des bossages d'antenne pour datalinks et que le carénage ventral pourrait être conçu pour des charges utiles modulaires, permettant au drone d'être utilisé pour des missions de surveillance ou de guerre électronique. Le New-York Times a indiqué que le RQ-170 est "presque certainement" équipé d'appareils pour intercepter les communications d'équipements divers ainsi que de capteurs très sensibles capables de détecter de très petites quantités d'isotopes radioactifs et chimiques qui peuvent indiquer l'existence d'installations d'armes nucléaires". Cela aussi on s'en doutait, les américains cherchant à savoir ce qui se cache sous la montagne près de Qom : mais pour "renifler" ainsi, il faut voler... bas. D'où les risques de se faire repérer plus facilement.
Reste encore à déterminer les choses un peu étranges vues sur les vidéos iraniennes : notamment la bien étrange grille d'entrée d'air, assez inattendue sur cet engin jamais jusqu'ici photographié de face. Un bloggeur attentif a réussi à sélectionner une séquence du film iraien où apparaît ce que cache cette grille rappelant les entrées d'air du F-117. Effectivement, on a bien au fond un réacteur qui se cache, après une veine d'entrée assez peu tourmentée : ce n'est donc pas une maquette. La présence de la grille suggère encore davantage l'emploi à moyenne altitude de l'engin, là où il pourrait ingérer... des volatiles (des pigeons, notamment, s'ils volent très bas, pourquoi pas, cet autre surprenant drone vivant). La présence de la veine interne derrière cette grille pousse encore davantage à conclure qu'il ne s'agît donc pas d'une maquette (on ne se serait pas embêté à la reproduire). Elle révèle aussi qu'on a ajouté "après coup" un procédé Stealth à l'appareil, détail que ne pouvaient connaître les iraniens, aucune photo disponible ne l'ayant révélé jusqu'ici : la surprenante grille fait donc bien pencher pour la thèse d'un engin bien réel. Son territoire d'essais et de mise au point explique cette présence : sa base de départ est à Tonopah, dans le Nevada, là où ont été testés les premiers F-117, justement, et où ils ont été remisés, pour ceux qui n'ont pas été détruits à la pelleteuse (la Base du Tonopah Test Range est au 37°48'06" N et au 116°46'31"O, et la nouvelle piste pour drones est au 36°55'39" N et 116°00'28" O), à 116 km à peine de Las Vegas. C'est un engin imaginé en effet par les célébres Skunk Works, une division de Lockheed Martin Corporation. Comme chaque constructeur garde ses habitudes, ce RQ-170 porte ostensiblement la signature du célèbre Putois et sa grille d'entrée du réacteur en est une flagrante.
Cela, et les incroyables traces d'enduit de chaque côté du fuselage exhibé laissant entendre que les ailes ont été démontées, sinon découpées, pour faciliter le transport, et remontées à la va-vite en oubliant une chose fondamentale chez le Sentinel : leur cambrure initiale, les deux ailes étant nettement relevées vers le haut sur tous les clichés dont on dispose. En Iran, l'engin est subitement devenu...désespérément plat. Beaucoup trop plat : ses ailes sectionnées n'ont pas été remontées correctement. Une orientation originelle des ailes vers le haut qui n'est pas dans rappeler celle du fameux Horten IX, auquel le RQ-70 emprunte pas mal d'aspects extérieurs... ce qui ajoute à son absence de réelle nouveauté ! C'est flagrant vu de côté, cette ressemblance, comme est visibke la fixation des ailes du Horten, au même endroit que sur le Sentinel... sacré Horten, le revoilà donc (ici reconstruit extérieurement pour un magazine TV), plus de 70 ans après sa conception ! Parlez d'une nouveauté ! A noter que tous les UCAVS sont prévus pour être transporté repliés dans des containers, comme le montrait déjà cette vieille publicité (voir ici la page 19) sur leurs prouesses à venir. Quant à savoir pourquoi l'avoir démonté aussi "sauvagement" en charcutant les ailes, c'est simple : deux équipes étaient déjà en chasse pour le détruire, a-t-on appris, et il fallait faire vite : une au sol, et très certainement aussi un Predator-Reaper tueur lancé à ses trousses. Ce que confirme la presse : "les fonctionnaires iraniens ont dit que le drone a été découvert près de la ville iranienne de Kashmar, 200 kilomètres de la frontière afghane et déplacé vraisemblablement par l’armée dans une base aérienne à l'intérieur du pays. Le New-York Times a révélé que la force spéciale aurait utilisé "des agents alliés à l'intérieur de l'Iran" pour traquer l'avion disparu, c’est la première fois que Washington admet soutenir des "agents alliés" opérant secrètement en Iran. À la fin du papier, le journal a cité un fonctionnaire américain expliquant que l'option d'attaquer a été exclue "à cause du risque potentiel de devenir un plus grand incident." Si une équipe d'assaut était entrée dans le pays, les Etats-Unis "auraient pu être accusés d'acte de guerre" par Téhéran". Ah pour sûr, là, on frisait le déclenchement de la guerre...
Restent les roues... invisibles sur le stand de démonstration iranien, drapé de tous les côtés : car très certainement abîmées, l'engin étant présenté en effet avec sa trapple avant ouverte... et manquante. Le RQ-170, où tout est serré à l'intérieur, replie en effet son train avant non pas conventionnellement vers l'arrière, mais sur le côté droit, comme l'indique sa trappe située à gauche de la jambe de train avant. Juste derrière lui en effet est située la "boule" (rétractable ?) des caméras embarquées. Or, en visionnant attentivement la vidéo iranienne, on découvre bien cette ouverture caractéristique, sous la forme d'une trace noire située exactement à l'emplacement idoine. Pour beaucoup d'observateurs, l'appareil, détourné ou en panne, a réussi à se poser mais a dû rater la dernière phase de son atterrissage, fusillant son train, rendu invisible par les iraniens pour ne pas révéler les conditions exactes de sa capture. Les roues principales ne se replient pas sur le côté non plus : elles rentrent tout droit, en partie dans le bas des bossages des ailes. Ceux-ci sont surmontés des antennes d'émission satellitaires pour transmettre les données, ce qui explique ses deux énormes bossages d'extrados. Le repliement simplifié, sans orientation de roues au bout de leur pylone, est une mesure de simplification des procédures d'atterrisage en cas de problème : par simple gravité, elles doivent logiquement se mettre dans la bonne position sans aucune manœuvre complexe de rotation supplémentaire. L'engin possède en effet une autre caractéristique étonnante dévoilée par Aviation Week : en cas de pépin, il est capable de se poser entièrement seul, sur une aire suffisamment plane sélectionnée par son ordinateur de bord en totale autonomie... le fait d'en avoir perdu trop, de drones (90 en 4 ans seulement !), explique cette prudence que l'on peut juger excessive au dessus d'un territoire ennemi. Comme le Global Hawk, précise Wired, le RQ-170 vole en effet de façon "autonome". Moins évolué techniquement parlant, il l'est davantage que les Predators côté gestion électronique. Conçu plus tard, il a en effet bénéficié de l'avancée fulgurante des ordinateurs. Aujourd'hui, annonce Aviation Week, c'est déjà pourtant un appareil largement dépassé ! D'au moins 65 fois en collecte de données, affirme même le spécialiste maison ! Se poser seul, est confirmé ici : "basé sur le rapport de l'EMEA sur le RQ-170, il semble que le drone avait la capacité de se poser à terre sans contrôle de l'opérateur. J'apprécierais avoir de tous les experts qui peuvent confirmer si c'est le cas ou non. Si c'est le cas, l'Iran pourrait avoir eu de la chance. Si ça ne l'est pas, alors dire de l'Iran qu'il a utilisé ses capacités de guerre électronique pour assumer le contrôle opérationnel de cet atout considérable de l'armée américaine semble être vrai. Considérant combien il est facile pour un adversaire de mener contre le réseau américains CNE ciblé, c'est probablement une capacité qu'ils ont obtenu de l'un des nombreux équipages de pirates mercenaires qui se livrent à ce type d'activité. Bien que la portée de cet article est hypothétique, le ciblage CNE des drones nouveaux est un fait confirmé par le travail de ma propre entreprise dans ce domaine. L'Iran peut ou peut ne pas avoir cette capacité aujourd'hui, mais elle finira par l'avoir. Le RQ-170 événement devrait être un énorme rappel pour la force aérienne américaine de réinstaller une capacité d'auto-destruction, de renforcer le système d'exploitation du RQ-170, et d'examiner les vulnérabilités potentielles dans sa chaîne d'approvisionnement de sa flotte d'UAV."
D'autres "traces noires" ont intrigué également. On peut surtout y voir la caractéristique comme quoi ce n'est donc pas un fake, car sur un cliché pris à la sauvette à Kandahar, elles apparaissaient déjà subtilement sur le même côté droit. Que représentent ces traits ? Certainement les délimitations d'une antenne radar en deux ou trois parties, comme celle qu'utilise le B2 tout le long de son bord d'attaque (et lui, située des deux côtés). Du côté des "bosses" sur les ailes, l'une d'entre elles, celle de gauche, renferme un équipement électronique qui nécessite un refroidissement conséquent : à la base de la "bosse", on peut en effet apercevoir une entrée d'air type Naca destinée à amener de l'air frais à ces équipements. Une installation bien typique : là encore, cette entrée de refroidissement d'un seul côté n'a jamais été rendue visible sur les clichés disponibles : les iraniens ne peuvent l'avoir inventée !
L'engin n'est donc pas une maquette montée pour la circonstance par les iraniens, et bien un modèle original, mais qui n'induit pas pour autant la perte de technologie révolutionnaire chez l'adversaire. Cela ne présente donc pas la gravité parfois annoncée, bizarrement émanent à chaque fois d'une personne du camp républicain désireuse de taxer Obama d'inconséquence : Ce dernier confirmant la réalité de l'appareil en réclamant pour la forme sa restitution le 12 décembre, une semaine après sa capture. En somme, ce n'était donc pas une grosse perte. Ne reste plus à savoir d'où il a décollé, et comment il s'est fait prendre...
Pour le décollage, on songe surtout à l'Afghanistan, bien sûr, mais pas nécessairement à Kandahar, trop éloigné : certains évoquent plutôt Shindand, à 7 miles (11 km) de Sabzwar (à voir au 33°23'27" N, 62°15'37" E sur Google Earth), apportés par de gros C-117 qui peuvent s'y poser (la piste fait 2700 mètres de long). Au 23 août dernier, on y inaugurait une base plus que conséquente destinée aux hélicoptères construite au bulldozer depuis 2009. L'Iran n'est qu'à 150 km... et Qom à 1000 km exactement. Mais on peut aussi songer au Turkmenistan, à Nebit-Dag (Balkanabat) exactement où il pourrait ne pas y avoir que des vieux Mig 23 parqués à l'abandon... Entre Qom et Balkanabat, il n'y a plus que 620 km de distance... voilà qui devient intéressant. Le pays, au grand dam de Moscou (il a acquis son indépendance en 1991), a en effet signé de juteux contrats avec les américains. Le dernier en date est très récent (il est du 13 juillet dernier) et il a été signé avec KBR, l'ancienne filiale d'Halliburton, au nom du Centcom US, essentiellement pour construire des "bâtiments". Dans un rapport lisible ici, on pouvait noter la phrase révélatrice : "dans son témoignage du 10 Mars 2011, le secrétaire d'Etat adjoint Robert Blake a déclaré que "le Turkménistan est un pays d'importance croissante pour les Etats-Unis." On n'en doute point, positionné où est le pays... tout dépend en fait au final de ce qu'il allait surveiller : or ce ne semble pas être Qom, mais un autre site "sensible" situé à l'Est du pays.
Reste encore avec qui le drone pouvait-il communiquer ses photos ou ses analyses : ses émetteurs étant tournés vers le dessus, la seule idée possible est celle d'une communication satellitaire. Oui, mais avec lequel, de satellite ? Et là, on retombe sur un autre engin mystérieux : une mini-navette, qui tourne depuis des mois autour de la terre, en changeant souvent de tgrajectoire. Prévue pour 7 mois en l'air, et partie en mars dernier, elle venait juste de recevoir une rallonge d'au moins deux mois (puis se voyait même octroyer le vocable "indéfiniment"). Le X-37B, l'un des engins les plus secrets à ce jour, est très certainement celui qui collecte et renvoie au sol les données des autres. D'où la nécessité de le laisser longtemps en orbite, et de le récupérer que pour lui faire faire des visites de routine, et le renvoyer juste après : avec deux modèles, cela paraît largement suffisant pour couvrir tous les besoins de l'armée. Question gestion, c'est un peu le grand frère du RQ-170, que ce "camion-relais" spatial : lui aussi se pose tout seul... entièrement automatiquement. Mais en rentrant de l'espace, lui, et sans se poser par mégarde... en Iran.
Les iraniens ont clamé qu'ils avaient réussi à "détourner" le Sentinel en s'introduisant dans ses données GPS : sachant que ces données sont verrouillées (et donc cryptées via un système appelé P(Y)-code), au travers des satellites américains, ça paraît assez improbable, comme le souligne fort justement Wired. De même l'usage de leurs Awacs façon Illyoushin 76 l'est tout autant : l'engin, durant son périple n'est pas guidé à distance comme le sont les Prédators : résultat, il ne communique pas vers l'extérieur de la même façon, et n'envoie que des données collectées et non pas des données de positionnement, ou fort peu. On lui a introduit au départ un circuit type à effectuer, et s'il s'y efforce seul : en somme il n'est pas piloté à distance, seulement... suivi. Plus simplement encore et plus prosaïquement, cet Awacs iranien n'existe de toute façon plus : le dernier exemplaire (photographié ici la veille de son accident) s'est crashé lors d'un défilé aérien le 22 septembre 2009, après avoir heurté son avion d'accompagnement qui le serait trop près ! La terrible scène avait été filmée d'un autre avion, un B-707 ravitailleur. On peut donc plus raisonnablement penser, pour notre drone, qu'il a été victime d'une panne de moteur, et que son logiciel d'automatisation lui a ordonné de se poser dans les meilleures conditions possibles : ça paraît absurde, mais rappelons-le encore une fois, il a été conçu ainsi dès le départ ! Ce que confirme notre spécialiste, en soulignant le problème essentiel, celui de sa non-destruction automatique : "la perspective la plus effrayante soulevée par ce qui semble être un Sentinel en grande partie intact, c'est que les Iraniens dans leur deuxième commentaire sur comment ils l'ont abattu -en piratant ses contrôles et en pilotant l'atterrissage lui-même - est peut-être vrai, a déclaré un responsable du renseignement américain, qui ne parlaient que sur la base de l'anonymat parce que le RQ-170 fait partie d'un secret compartimenté des services secrets (SCI), un programme de classification supérieur de niveau Top Secret. Le fonctionnaire a déclaré la possibilité que les Iraniens ou quelqu'un d'autre a piraté les communications par satellite du drone est doublement inquiétant, car cela voudrait dire que l'Iran ou d'autres officiers de cyber-guerre étaient en mesure de désactiver la fonction automatique d'autodestruction du Sentinel, du circuit d'attente et de retour aux mécanismes de base. Ceux qui sont destinés à empêcher le contrôle de l'avion secret, de son optique, de son radar, ceux de la surveillance et de la technologie des communications tombant alors dans de mauvaises mains si ses contrôleurs de la base de Creech ou de la zone d'essai de Tonopah, dans le Nevada, perdent le contact avec elle". En somme, l'engin a peut-être bien été hacké, mais c'est surtout son mécanisme d'autodestruction qui n'a pas fonctionné : on imagine mal en effet ses concepteurs ne pas en avoir placé un à bord... alors que tous les avions US en ont un.
Quant à savoir qui aurait pu à part les iraniens s'insinuer dans le logiciel de l'engin, ce que laisse entendre le commentateur, on ne voit que les israéliens, qui semblent avoir lancé quelques drones HALE (High Altitude Longue Endurance) du modèle (énorme) Heron Eitan vers l'Iran et en avoir également perdu des exemplaires, mis en service depuis 2010 : tout récemment, les iraniens ont déclaré qu'ils en exhiberaient les vestiges. L'Eitan est capable d'emporter des charges militaires, ce que ne semble pas pouvoir faire le Sentinel. Sa présence dans le ciel iranien pourrait expliquer l'explosion de la fusée iranienne en phase de test, qui a provoqué des dégâts considérables et la mort d'un officier de haut rang, Hassan Moghadam, considéré comme le "père du programme de missiles iraniens", on le sait. Un Hellfire tiré au bon moment, et c'était le feu d'artifice assuré. Les israéliens avaient été les premiers à parler plutôt bruyamment d'échec patent des missions d'obervations US à la suite de l'annonce de la capture du RQ-170. De là à y avoir été pour quelque chose, il y a un pas à franchir que je n'effectuerai pas. La dernière possibilité peut enfin venir du sol, mais elle est également improbable, c'est ce camion russe de type Ural équipé d'un matériel sophistiqué de contre-mesures récemment acheté par l'Iran aux russes, le fameux IL-222 Avtobaza, qui aurait été à l'origine du brouillage des signaux de l'appareil, à condition qu'il sache s'y attaquer en fréquences : les morceaux de drones collectés ces derniers mois au Pakistan ou en Afghanistan et revendus au prix de l'or peuvent y avoir grandement aidé. Il faudra savoir si l'un des exemplaires était au moins dans la région, ce que j'ignore à ce jour : selon les spécialistes, son électronique est très récente et ultra-performante, mais l'engin n'a été livré que fort récemment (fin octobre dernier, ce qui laisse trop peu de temps pour s'en servir efficacement).
Pour ce qui est du Sentinel à 6 millions de dollars pièce (c'est la vision du low-cost au Pentagone), ce n'était pas Qom qu'il surveillait en tout cas. L'engin a été retrouvé à Kashmar, paraît-il. C'est à l'Est, aux côtés de la frontière afghane, justement : or à quelques encâblures est situé un site nucléaire sensible, celui de Tabas. Une région minière où aurait été établi une usine d'enrichissement de l'uranium, et une base de fabrication de missiles (à Saarji exactement). L'intrusion dans le pays décrite comme "profonde" par certains commentateurs américains ne l'est donc pas tant que cela. C'est une observation plus frontalière qu'autre chose.
Pour ajouter à la confusion, les iraniens mettaient en ligne le 10 décembre une vidéo censée monter l'atterrissage du RQ-170 sur leur territoire. En fait un mélange d'archives américaines mélangeant plusieurs engins tels que le X-45, resté longtemps en phase de tests y compris sous sa nouvelle forme N (avant de devenir le X-47B destiné à la Navy qui a volé pour la première fois le 4 février 2011), et le grand frère du RQ, le PoleCat de 90 pieds d'envergure (28 mètres), sorti aussi des ateliers des Skunkworks. La correspondance des deux vidéos est flagrante : c'est bien la même, c'est bien un PoleCat et non un Sentinel sur la vidéo détournée par les iraniens ! La révélation de ces vidéos détournées tendrait à plutôt prouver qu'ils n'ont été pour rien dans l'atterrissage de l'engin. En somme, ils l'ont retrouvé posé tout seul comme un grand sur leur territoire car il s'y est posé comme une fleur, en suivant les directives de son logiciel de bord, alors qu'il aurait dû exploser en vol. Ils ont joué de chance, et de rien d'autre ! Leur discours sur leurs capacités de détournement du GPS de bord est de la propagande pure et simple. Ces drones ont été testés sur la base toute nouvelle de Yucca Lake, près de Tonopah, une piste terminée à la fin 2005 et mise en service en 2006. Le Sentinel volant en Afghanistan dès 2007 : autrement dit son développement a été très rapide : d'où l'idée aujourd'hui d'un "oubli" possible dans sa programmation, ou en tout cas c'est sûr, d'une défaillance de son module d'auto-destruction.
Aujourd'hui, en réalité, le seul mystère qui subiste, c'est la date exacte à laquelle les américains ont perdu leur drone : et là, surprise, celui qui est montré n'est peut-être pas celui qui a finalement été déclaré perdu : toutes les photos envoyées aux agences ont gardé en mémoire leur code EXIF, qui indique le jour exact de la prise de vues, faites par un appareil Canon EOS 5D Mark II. Or un fin observateur a remarqué qu'elles portaient toutes la date du 17 septembre 2011. Ce qui laisse envisager la perte non pas d'un drone, mais de deux...ce qu'aucun des deux pays en cause ne vous avouera aujourd'hui. Les iraniens pour ne pas montrer qu'ils en avaient déjà un intact, les américains pour ne pas dire que ce n'était pas le premier : c'est peut-être bien le second qui s'est lui auto-détruit, les iraniens ayant gardé le précédent posé tranquillement au cas où, en ayant surtout pris le temps de l'examiner avant de le révéler, ce qui expliquerait son remontage et son passage à l'atelier de peinture dans des temps aussi brefs. Rappelons en effet que ce sont les iraniens qui ont indiqué en premier la capture du drone, et non les américains qui ont clamé sa disparition, qui a même été niée au tout début de l'affaire : sachant qu'il s'autodétruirait, cela ne leur coûtait rien de le dire. Pas vu, pas pris. Mais tout n'a pas marché comme prévu cette fois (ou la précédente !). Le ciel iranien est décidément bien encombré...
On peut aussi en sourire grâce à l'ineffable John Stewart et son Daily Show (surtout la toute première explication officielle donnée, de l'ordre du risible !). A noter que sur le second extrait en 3D, on peut apercevoir un engin qui se pose sur le ventre... ce qui semble plus proche de la réalité supposée... à noter que son équipe de préparation a commis une erreur que beaucoup d'autres ont commise : pour présenter l'affaire du drone, il ont mis en illiustration le mauvais exemple : un X-47B, celui de la Navy, un UCAS-D (Unmanned Combat Air System Demonstration) présenté ici en vidéo, et non le RQ-170 Sentinel !
http://gizmodo.com/5866996/jon-stewart-investigates-the-iranian-drone-capture
L'excellente analyse des clichés iraniens (avec fake ou pas fake) est ici en deux parties :
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