Un meeting du PS, la Force trop tranquille !
Arnaud Montebourg en vedette américaine.
Acte 1
Dans la maison d'en face.
Rien à voir …
Après deux meetings du Front de Gauche, je retrouve avec curiosité une réunion publique du parti socialiste. L'ambiance est feutrée, j'ai l'étrange sentiment d'être à quelques minutes des trois coups dans un théâtre de boulevard. Nous sommes bien loin de la ferveur de la maison d'en face. Ici, tout est plus policé.
Le cheveu poivre et sel est de circonstance. La tenue se fait discrète, le rouge ne s'affiche pas avec la même ostentatoire détermination que chez les voisins turbulents. Seule, la presque totale éradication de la cravate atteste encore que nous ne sommes pas dans un meeting de l'UMp. L'âge moyen ne permet pas de croire au renouvellement des sympathisants. Nous sommes très nombreux dans la fourchette 45 – 65 ans.
Quatre énergumènes agitent des drapeaux et tentent vainement de réveiller l'assistance. Ils crient « François Président ! » vieille rengaine d'un autre temps. Personne ne leur emboîte la voix. Ils se replient sur un plus martial « Tous ensemble, tous ensemble, So-CiA-LISTE » qui fait aussi peu recette si ce n'est quelques applaudissements de politesse.
Il y a bien loin de ce que j'ai pu observer à Saran ou à Vierzon. Le public est calme, d'une distinction sans faille, d'une étrange somnolence. Ce n'est pas demain le grand soir ! La salle pourtant est bientôt pleine. On installe à la hâte quelques chaises supplémentaires pour finir sans doute par une assistance d'un peu moins de 300 personnes. Le Parti semble avoir le vent en poupe.
Le quatuor énervé continue d'hurler. Voix stridentes, ritournelles inchangées, ils finissent par lasser. C'est justement le moment choisi pour l'entrée en salle des vedettes du soir. Pas de musique, ni de tambour, simplement la claque qui reçoit enfin un maigre écho et des applaudissements saccadés, bien loin d'une charge héroïque !
C'est une conseillère de Semoy qui, en l'absence de monsieur le Maire, en voyage à l'étranger, ouvre le bal. C'est étrange, j'ai l'impression de me retrouver, bien des années en arrières, dans une église, avec une dame patronnesse, qui lit son compliment à Arnaud Montebourg. Elle fait traîner ses mots avant chaque ponctuation, elle psalmodie plus qu'elle ne parle. Ce n'est pas ridicule, Noëlle est sincère, c'est simplement déplacé.
Je retouve alors Olivier (ils s'appellent tous par leurs prénoms dans la grande confrérie des partis politiques) , le secrétaire départemental du PS. Il n'a pas progressé depuis la dernière fois. Il accumule les « euh », il débite à un rythme endiablé, il bafouille, il s'embrouille. Il nous déclare, enthousiaste que l'état de la dette se désintègre. Nous voilà rassuré. Il sert du « Arnaud » en veux-tu en voilà, à la vedette du soir avant que de donner le micro, à celle qui sera, personne n'en doute ici, la députée de la sixième circonscription : « Valérie ! »
Valérie nous promet un petit discours sur l 'économie. J'ai l'impression d'assister à un exposé bien troussé d'une jeune lycéenne un peu troublée. Les mots vont en cascades, la voix est claire mais tout va si vite qu'il est bien difficile de suivre le fil d'un texte pourtant précis et rigoureux. Pas de place à la fantaisie, au slogan, à la saillie, c'est scolaire, c'est dense, si compact même que les têtes grises, devant moi dodelinent ou s'affaissent.
Aucune respiration, aucun temps fort. Jamais la moindre place au plus petit applaudissement. Toujours cette absence de chaleur dans une voix qui ne sort jamais de son registre monocorde. Quel a été le contenu précis de ce texte roboratif, je ne sais. Même monsieur Montebourg, assis à côté de l'oratrice, semble avoir décroché. Il feint, à moitié, l'attention inspirée, il est manifestement ailleurs. Quand notre Valérie en termine, des applaudissements polis récompensent cette prestation qui fut une épreuve pour beaucoup d'entre nous.
À suivrement leur.
Acte 2
Le Polyglotte de la maison d'en face.
Arnaud Montebourg entre en scène
Après les amuse-bouches de la première partie, place à l'artiste, place à la vedette du jour. Comme tous les caciques, il débute par le tour des camarades présents, habitude détestable qui veut que le spectateur soit immédiatement placé au second plan de cette confrérie secrète. Les mondanités partisanes faites, nous eûmes enfin droit à « Mesdames et Messieurs .. ».
C'est le premier Montebourg qui entre en scène. Il se fait prédicateur anglican. Il évoque les foudres de l'enfer, il dresse le bilan du locataire actuel du Palais. « Notre monde tombe de Charybde en Scylla ! » (l'homme à des lettres), il use de variations de sa voix, de modulations dignes du prêche. Seul le débit trop rapide n'en fait pas un homme d'église. Il laisse d'ailleurs ses paroissiens un peu à la traîne de son épitaphe sur la politique du sortant.
Il attaque franchement ses phrases. Le ton haut, la voix gronde puis, imperceptiblement, descend tranquillement pour finir ses longues phrases en un souffle. J'attends qu'il évoque Dieu, c'est François Hollande qui fait son apparition pour des premiers applaudissements un peu asthmatiques.
Le second Montebourg sera professeur d'université. Il déballe à la va-vite, un cours d'économie comparée. Il semble absent à son auditoire. C'est mécanique ! Il a du talent, certes, mais sans conviction. Le public ne doit pas être à la hauteur de ses ambitions, il fait le boulot, sans plus. Il va bien trop vite pour donner des respirations. Tout juste s'il offre quelques plages pour des réactions : rires ou applaudissements.
l change alors de personnage. Il rentre dans la truculence. Il nous fait « Les lettres de mon moulin en Saône et Loire ». Il joue, il est bon, il est drôle. C'est son meilleur emploi. Il pare sa voix d'un léger accent bourguignon. Il nous fait du Crédit T'Agricole du meilleur effet. Il sur-joue un peu , hélas, ne change nullement son débit.
Soudain, changement de décor, la mondialisation. Il se drape dans les habits du tragédien. Il prend une voix de speaker des actualités cinématographiques des années 60. Il chantonne un peu, il va de plus en plus vite. Les images défilent virtuellement derrière ses propos. Il avance à la vitesse d'un cheval fougueux, contraint de subir la bride d'un autre.
Il varie une fois de plus sa manière. On entre dans le monde de l'animation. Il joue une farce, il se régale et évoque Colbert, comme si c'était un personnage de bande dessinée. Le public est noyé par le flux, surpris par le spectacle aussi sans doute. Les têtes acquiescent, parfois les mains battent. Il faut pourtant le laisser filer sa route. La salle ronronne et l'orateur file sa toile.
Je m'ennuie un peu. Franchement, il manque la ferveur des meetings du Front de Gauche. C'est trop lisse, trop tranquille, trop installé déjà dans les habits du pouvoir et de la respectabilité. Montebourg pourtant n'est pas franchement à l'aise dans ce rôle. D'ailleurs, il mue une fois encore. Le voilà Shadock, il en profite pour piquer un peu celui dont il est censé vendre la candidature : « Le programme de dé-mondialisation que j'ai porté aux primaires, on le retrouve un peu en pièces détachées dans le programme de Hollande ! » Pan dans le bec.
Pour terminer, il revient au prêche. Il se fait grave. Il pointe du doigt. Enfin, le débit se fait calme. Fatigue, lassitude ou besoin de souffler un peu ? C'est surtout le grand couplet de la morale puis des grandes phrases éternelles. Il faut conclure dans le lyrisme. Il évoque la Résistance, la France, la République. Il se pense en Obama, il ferait bien un rêve, lui aussi.
C'est terminé. Rien de sa sixième République, pas la plus petite évocation de l'autre Gauche. Les applaudissements sont brefs, les auditeurs partent juste à la fin du discours. Pas ou peu de passion dans tout ça. J'ai pourtant vu un fort beau comédien qui défend honorablement un texte qui n'est pas sien. Il a fait le job, il prend rendez-vous tout simplement.
Multifacettement sien.
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