Un président ne devrait pas faire ça
Il est d’usage qu’après le banquet du traditionnel « White House Correspondents’ Dinner » un humoriste se paie la tête du Président. Ce 30 avril 2016, cependant, ce fut le Président sortant, Barack Obama lui-même, connu pour son sens de l’autodérision, qui, devant un parterre du gratin journalistique de la capitale, se saisit du micro pour présenter son « sketch d’adieu ».
« Me voici, devant vous, participant une dernière fois à cet événement unique, et je suis enthousiaste. Si mon allocution passe bien ce soir, je pourrais bien utiliser quelques passages pour une prestation à « Goldman Sachs » l’année prochaine. » Eclats de rire et tonnerre d’applaudissements. « Il faut bien que je gagne quelques « Tubmans », rires encore.
Mr. President utilisa là une figure de style particulièrement déplacée, dans un contexte particulièrement trouble, et, en effet, un véritable doigt d’honneur à la communauté noire américaine, sa communauté. Ce fut à Harriet Tubman, qu’il fit allusion, une ancienne esclave, qui jouait un rôle déterminant dans l’abolition de l’esclavage, personnage historique dont l’effigie fut destinée à figurer au verso du billet de 20 dollars US.
Fidèle à sa promesse, à la sortie de son mandat, le Président courait en effet les parterres des banques d’investissement de Wall Street appliquant un tarif de 400'000 USD par discours. Lors d’une de ses allocutions, pleins d’humour, dont il a le secret, il s’adressa, au mois de novembre 2018, à un parterre d’industriels du secteur pétrolier et de banquiers d’affaires, dans les locaux du groupe de réflexion « Baker Institute for Public Policy », nommé d’après l’ancien Secrétaire d’Etat de l’administration George W. Bush, James Baker, « think tank » attaché à l’Université de Rice au Texas, une institution privée, en déclarant « Vous devriez me remercier pour tout ce que j’ai fait pour vous », un appel qui, manifestement, n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, puisqu’il permit la collecte de 5,4 millions USD. (Max Blumenthal)
Ce fut pourtant dans le chaos que débuta le premier mandat d’un des présidents américains les plus charismatiques, la crise des « subprimes ». Après deux mandats catastrophiques d’un chef d’état à la botte du complexe militaro-industriel, par l’intermédiaire de son Vice-président Richard Bruce Cheney, appelé Dick, se soldant par une crise financière sans précédent, l’Amérique réussit finalement, au grand soulagement de la communauté internationale, à élire un Président doté d’un quotient intellectuel à la hauteur de la tâche, un Président du et pour le peuple, et de couleur, par-dessus le marché.
En charge de la mise en œuvre du programme TARP « Troubled Asset Relief Programme », un outil de gestion de crise, plafonné à 700 milliards USD, mis en place à la hâte par l’administration de son prédécesseur, des clopinettes face aux 6'000 milliards USD actuellement déployés, à ce stade, pour le sauvetage d’une économie en souffrance, dans le cadre de la pandémie du « coronavirus », le nouveau Président allait sans doute donner un sérieux coup de pied dans la fourmilière.
Eh bien, non. 245 milliards USD furent utilisés pour la « stabilisation du secteur bancaire », 175 milliards USD pour le sauvetage de l’industrie et la finance, dont 80 milliards USD pour le sauvetage de l’industrie automobile, notamment les firmes « General Motors » et « Chrysler » et 68 milliards pour l’assureur « AIG ».
L’objectif primaire de ce plan de sauvetage fut le rétablissement de la croissance économique par le biais de rachats d’actifs dépréciés par les pouvoirs publics, dans le but d’alléger les bilans des banques, un peu comme cela se fait actuellement, opérations suivies par l’introduction d’une législation de régulation du secteur de la finance le « Dodd Franck Wall Street Reform and Consumer Protection Act » un « tigre de papier » à la mesure des attentes de la clientèle.
Une somme de 46 milliards USD supplémentaires fut généreusement allouée au secteur bancaire encore, décidément, sans condition aucune, dans le but d’éviter des saisies immobilières, toujours dans la mesure du possible bien entendu, dans le cadre du programme HAMP « Home Affordable Modification Programme », un programme de restructuration des dettes hypothécaires de certains débiteurs éligibles, la feuille de vigne néolibérale du « ruissellement administratif », dont 70% des demandes furent rejetées.
Des 5 millions de ménages, éligibles à ce programme, seul 1,6 millions en bénéficièrent réellement, dont un tiers finit par déclarer forfait et forcé d’abandonner leur domicile à leurs banquiers.
Dans l’état de la Californie, dans le cadre de ce programme généreux, Wells Fargo, qui reçut 1,8 milliard USD jusqu’en 2016, fut éligible pour 1,5 milliard USD supplémentaires étalés sur 7 ans et JPMorgan et Bank of America, qui reçurent 1,9 milliard USD et 1,4 milliard USD respectivement, eurent droit à 1,1, milliard USD supplémentaires chacun par la suite. (LA Times décembre 2016)
En matière d’immigration Président Obama réussit également à battre les records de ses prédécesseurs. Entre 2009 et 2015 son administration déportait un total de 2,5 millions d’immigrés, davantage que tous les présidents du 20ème siècle pris ensemble, chiffre qui ne tient compte ni des immigrés, refusés d’entrée à la frontière, ni ceux qui retournaient volontairement dans leurs pays pendant cette période, ni ceux expulsés pendant la dernière année de sa mandature, chiffres qui ne sont pas connus.
Entassés d’abord dans des centres de déportation par centaines de milliers ils furent expédiés dans leur pays d’origines par la suite. Certains, notamment les mineurs, se virent refusés toute assistance juridique (NYT).
L’extension des outils de surveillance de masse en mains de l’Etat, dans le cadre de la loi anti-terroriste, « USA Patriot Act » (Uniting and Strenthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorisme) initiée par l’Administration Bush, dont le reste du monde récolte actuellement les fruits dans le cadre de la gestion de la pandémie du « coronavirus », fut l’œuvre de l’administration Obama. La surveillance des chefs d’Etat européens par la CIA n’a en rien entaché son image de ce côté de l’Atlantique. On s’y prépare déjà à une présidence démocrate sous Joe Biden.
Sous le couvert de la lutte antiterroriste, tout citoyen américain, soupçonné d’acte de terrorisme ou activité contre l’état, peut, depuis l’ère Obama, et dorénavant sous l’ère Trump, être arrêté, sans acte d’accusation ni procès et emprisonné pour une durée indéterminée à la barbe des tribunaux, mettant fin à une notion juridique fondamentale, ancrée dans le droit anglo-saxon, « Habeas corpus », selon laquelle nul ne peut être emprisonné sans jugement. Toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Elle peut être libérée sous caution, puis amenée dans les jours qui suivent devant un juge. (Wikipedia)
Le non-respect des institutions et de la séparation des pouvoirs était une constante de l’administration Obama. L’extension du nombre de guerres par procuration à sept, sans accord du Congrès, en violation flagrante de la Constitution, américaine et sans doute celles de tout autre état de droit, ne semble guère émouvoir les alliés européens, qui eux se mettent actuellement à imiter le procédé dans le cadre de la lutte contre la pandémie du « coronavirus » en vidant subrepticement le contenu de leurs constitutions, sous prétexte de crise sanitaire, à l’instar des Présidents Bush et Obama qui eux prirent comme prétexte le terrorisme.
On pourrait citer les opérations conjointes du service secret CIA et celui de l’Arabie Saoudite « Timber Sycamore » consistant à l’approvisionnement en argent, armes de guerre et entrainement à de groupes terroristes de diverses couleurs, dans le but de renverser un énième régime incommode, syrien, en l’occurrence, l’opération d’infiltration « Fast and Furious » du « Bureau of Alcool, Firearms and Explosives » (AFT) des cartels de drogue mexicains via l’Etat d’Arizona, entre 2009 et 2010, en les l’approvisionnant clandestinement en armes à feu dans le but de débusquer leurs dirigeants.
Sachant que les régions du nord mexicain, Sonora, Sinaloa, Chihuahua, dont la ville Ciudad Juàrez est la ville la plus dangereuse de la planète, sont infestées par le crime organisé, on imagine l’impact sur la population d’arrivages d’armes à feu en provenance des Etats-Unis, un peu à l’instar du peuple syrien d’ailleurs.
Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, vient d’ouvrir une enquête à ce sujet, enquête censée déterminer le degré d’implication de son prédécesseur Enrique Peña Nieto dans cette affaire.
On pourrait continuer à énumérer, à l’infini, ces nombreuses infractions au nom de la sécurité nationale, dont bon nombre sont encore et toujours couvertes, et bientôt imitées (?) par les états européens.
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