Une dignité cher payée : « L’affaire des Irlandais de Vincennes - 1982-2007 - ou l’honneur d’un gendarme »
Le livre que, ce 19 mars 2008, le lieutenant-colonel honoraire de gendarmerie Jean-Michel Beau publie sur « L’affaire des Irlandais de Vincennes ou l’honneur d’un gendarme » (1) est dédié « aux jeunes officiers de police judiciaire pour qu’ils tirent les enseignements qui s’imposent ». Ils le feront et avec eux tous les lecteurs, ou ils ne le feront pas. L’expérience, il est vrai, est chose si difficile à transmettre. Mais Jean-Michel Beau aura mené à bien son projet : laisser trace de la machination d’État qui le broie depuis un quart de siècle pour tenter, sous couvert de la raison d’État, de sauver la mise à des individus sans honneur investis pourtant des plus hautes fonctions dans l’appareil d’État.
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Il met tout sur la table et raconte avec gravité, verve, humour et minutie, sous la forme d’un journal passionnant, la conduite indigne de nombre de personnalités qui, depuis ce fatidique 28 août 1982, jour de l’arrestation irrégulière des Irlandais de Vincennes, n’en ont pas moins continué à jouer les premiers rôles aux postes les plus élevés, tant politiques et administratifs que judiciaires, comme si de rien n’était.
Déjà peu de gens savent ce qui s’est réellement passé, tant l’affaire a été embrouillée à plaisir pour que nul ne s’y retrouve. Sans ce témoignage d’un témoin capital, véritable héros de cette affaire, on imagine aisément ce qu’en auraient su les générations futures : l’Histoire est écrite en général par les puissants et leurs scribes, et rarement par leurs victimes.
I - Un premier cas d’école : LA POLITIQUE DU MENSONGE
1- Le mensonge et le leurre
Car les décisions essentielles sont orales et non écrites pour ne pas laisser de trace. C’est ce qui permet aux puissants de mentir comme arracheurs de dents. « L’affaire des Irlandais de Vincennes », suivie de « celle des écoutes téléphoniques de l’Élysée » qu’elle a pour partie engendrée, est d’abord celle du mensonge, ou mieux du leurre en politique, dans la ligne du Prince de Machiavel. Elle est devenue à cet égard un cas d’école pour qui réfléchit sur l’information. J-M. Beau relate à ce sujet trois scènes symboliques donnant au passage une idée de l’humour qu’il a su garder tout de même malgré la tragédie vécue.
1- L’une montre, le 26 février 2005, le président du tribunal, exaspéré d’entendre Paul Barril nier, malgré des faits accablants, ses responsabilités dans la diffusion des copies d’écoutes téléphoniques élyséennes : « Mais Monsieur Barril, s’écrie-t-il, vous êtes cerné !
- Peut-être, mais ze ne me rends pas ! », réplique, imperturbable, l’accusé au zézaiement bien connu.
2- Deux ans plus tard, le 5 décembre 2006, vers 20 h 30, alors que les journalistes ont regagné leur rédaction, c’est au tour de la présidente de la Cour d’appel d’être excédée par le colonel-préfet Prouteau, ancien conseiller technique du président Mitterrand. Il louvoie depuis deux heures à la barre sur l’origine de l’affaire des Irlandais de Vincennes : « Mais enfin, Monsieur Prouteau, s’indigne-t-elle, vous saviez que Barril avait déposé les armes ?
- Oui, Madame, Paul a chargé la mule ! » Voilà vingt-quatre ans qu’obstinément il soutenait le contraire : il n’avait rien su de ces armes apportées par son second au domicile des Irlandais pour être sûr de les confondre !!!
Tout est dit de la duplicité des deux instigateurs de « l’affaire des Irlandais de Vincennes », tenue pour avoir été « le moteur » de la seconde affaire, celle des « écoutes téléphoniques de l’Élysée ». Ces forfaitures laissent sur les deux présidences mitterrandiennes une marque d’infamie indélébile.
3- Car Prouteau et Barril n’ont fait que suivre l’exemple de leur maître du moment, le président Mitterrand lui-même : ne jamais rien avouer ! Au printemps 1993, il avait effrontément montré le chemin en démentant comme arracheur de dents toute écoute devant les journalistes de la RTBF, la Radio télévision belge francophone : « L’Élysée n’écoute rien ! martelait-il indigné. Il n’y a pas de système d’écoutes ici et moi personnellement je n’en ai jamais vu une seule - Il se contentait de les annoter - (...) Si j’avais su qu’on allait tomber dans ces bas-fonds, concluait-il, je n’aurais pas accepté l’interview ! » (2)
On peut en croire l’expert : dans ces deux affaires, le plus haut sommet de l’État républicain s’est vautré dans les « bas-fonds ». Diffusée le 25 janvier 2005 devant le tribunal, raconte J.-M. Beau, la vidéo a soulevé « l’hilarité générale ». Du moins, les turpitudes humaines mises en scène restent-elles bien toujours le ressort essentiel de la comédie dans la tradition de Molière et de Beaumarchais.
2- Salir et détruire l’homme honnête qui dérange
Mais cette comédie, qui soulage de l’indignation par un rire libérateur, ne masque pas ici pour autant la tragédie qui se joue : les libertés individuelles et les droits de la personne ne sont rien quand le pouvoir est entre les mains de gens sans foi ni loi, sinon celles de leur propre vanité. Car s’ils se décorent entre eux à tout-va des plus hautes distinctions honorifiques, - ils ont un impérieux besoin sans doute de se convaincre de leur honneur - il leur faut encore, pour sauver la face, tenter de salir les hommes dignes et honnêtes qui se mettent en travers de leur route. Jean-Michel Beau a été un de ceux-là, comme Bernard Jégat « emporté par le chagrin » à qui le livre est aussi dédié.
Après l’attentat antisémite de la rue des Rosiers dans le Marais à Paris, le 9 août 1982, le président Mitterrand assure le pays à la télévision de sa détermination à traquer le terrorisme. Pour preuve, il installe un conseiller technique et une cellule antiterroriste à l’Élysée et en confie la direction au commandant du GIGN, Christian Prouteau. Et celui-ci n’a rien de plus pressé que de prouver son efficacité. Dans les jours qui suivent, le 28 août, trois Irlandais sont arrêtés par son second, Paul Barril, et son équipe à Vincennes. Ils sont présentés comme de dangereux terroristes.
Appelé à prendre, en décembre 1982, le commandement de la section de recherches de la gendarmerie de Paris, J-M Beau est sollicité dans l’heure par Prouteau et Barril pour superviser les actes de procédure de police judiciaire lors de cette arrestation. Or, il voit bien tout de suite que la procédure est violée : le GIGN est entré avant lui dans les lieux et la perquisition s’est faite en l’absence de l’occupant de l’appartement. Mais la certitude de tenir des terroristes est plus forte que tout : il s’y décide en conscience ; il ferme les yeux sur ces violations pour ne pas compromettre le fond de l’affaire : l’arrestation de terroristes dangereux. DU JAMAIS VU ! Un communiqué de l’Élysée salue d’ailleurs ce coup de filet magistral.
Or, tout dérape du jour où les violations de procédure sont révélées et exploitées légitimement par les Irlandais incarcérés depuis plusieurs mois. La ligne dictée par C. Prouteau et l’Élysée est de s’en tenir à la négation de ces violations. Toujours convaincu de la dangerosité des Irlandais, J-M Beau s’y tient et demande à ses subordonnés d’en faire autant, jusqu’à ce que ça ne soit plus possible et qu’il décide d’avouer les irrégularités, mais en prenant sur lui toutes les responsabilités pour en exonérer ses hommes et ne pas mouiller Prouteau et l’Élysée.
Il en est bien mal récompensé. Puisqu’il s’accuse seul, il devient dans les mains de Prouteau et de Barril le bouc émissaire tout désigné pour clamer leur innocence. Ils le traînent donc joyeusement dans la boue sans état d’âme : contre toute vraisemblance, ils dénoncent son ignorance des règles de procédure. Peu importe pour eux qu’il soit un officier de police judiciaire dont la compétence en la matière est unanimement reconnue ! Barril y va même du coup de pied de l’âne : il ose soutenir que, venu à l’hôpital du Val-de-Grâce lui rendre visite, il l’aurait vu sanglé sur son lit ! Autrement dit, Beau ne va pas bien du tout ! Rien d’étonnant qu’il ait fait foirer le travail des valeureux combattants de la liberté de l’Élysée contre le terrorisme ! Tant qu’à piétiner l’honneur d’autrui avec le sien, autant y aller franco !
Mais le pire est à venir, quand J-M Beau découvre en juin 1985 après une secrète enquête personnelle qui vaut le détour, que les armes ont été apportées au domicile des Irlandais par Paul Barril lui-même pour mieux les confondre par une découverte simulée. Le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée fonctionne à merveille : qualifier les Irlandais de terroristes est une information donnée peu fiable ; mais elle devient une information extorquée plus fiable dès lors qu’on offre comme preuve la découverte d’armes chez eux. Qui va imaginer qu’un officier de gendarmerie peut violer les devoirs de sa fonction ?
Mesure-t-on l’émotion qui ébranle alors J-M Beau au plus profond de lui-même quand il tient la preuve de la machination ? C’est peu de dire que le sol se dérobe sous ses pieds ! Comment des camarades ont-ils pu se moquer de lui à ce point ? Non seulement ils l’ont amené à couvrir des irrégularités de forme pour une prétendue raison d’État, mais ils se sont servis de lui pour cacher la forfaiture qu’ils ont commise. « Lui pardonnerai-je jamais, écrit-il de Prouteau, de m’avoir trahi, d’avoir sali mon idéal de la gendarmerie et bafoué les principes de toute une vie ? » Mais Prouteau et Barril ont sous-estimé Jean-Michel Beau ? C’est normal : ils n’ont, eux, aucune idée de l’honneur et de la dignité. Comment pouvaient-ils prévoir que ces sentiments soulèvent un homme au-dessus de lui-même pour y rester fidèle ?
II - Un deuxième cas d’école : LA JUSTICE ENTRAVÉE
1- Les roueries judiciaires
Dès cet instant, J-M Beau n’aura de cesse d’obtenir une explication publique pour que chacun assume ses responsabilités que lui, au moins, ne fuit pas. Et, en démocratie, c’est seulement devant la justice qu’elle peut avoir lieu, à condition qu’elle ne soit pas aux ordres et que les magistrats ne soient pas prisonniers d’une culture de soumission. Aux scandales politique et administratif va donc s’ajouter un scandale judiciaire !
1- Une inertie d’un quart de siècle
Que ce combat judiciaire dure depuis un quart de siècle suffit, en effet, à prouver l’inertie que l’appareil judiciaire a opposée à l’obstination de J-M Beau pour obtenir justice. Il reconnaît volontiers ses deux fautes : 1- avoir couvert, pour une raison d’État jugée alors légitime, des irrégularités de procédure, mais en toute ignorance de la machination montée par Prouteau et Barril au domicile des Irlandais ; 2- avoir suborné ses propres subordonnés pour faire tenir dans un premier temps, comme il en reçoit l’ordre de Prouteau, la version officielle d’une procédure irréprochable. Mais « le chantier » - montage frauduleux dans l’argot des gendarmes -, il n’y est, lui, pour rien ! Il veut donc un procès qui établisse les responsabilités de chacun.
2- Un arsenal d’astuces
Mais l’inertie n’est pas la seule arme de la justice : elle a plein de cordes à son arc quand elle ne veut pas juger. Interviewés ici et là à ce sujet, certains magistrats osent encore en sourire pour leur honte !
1- Le plus simple d’abord est de refuser d’entendre le principal suspect, Paul Barril, que nombre d’indices désignent pourtant comme l’auteur du « chantier » avec C. Prouteau.
2- Ensuite, elle « saucissonne » l’affaire en plusieurs informations pour n’avoir pas à la juger en bloc : J-M Beau est ainsi renvoyé devant le tribunal correctionnel pour subornation de témoins. C. Prouteau qui l’a conseillé, finit par l’être aussi. Bernard Jégat, l’informateur de Barril qui lui a transmis les armes appartenant aux Irlandais, est poursuivi à part pour détention d’armes illégale sans que jamais les armes « trouvées » par Barril ne lui soient présentées : s’il les reconnaissait, la politique de l’autruche ne serait plus possible.
3- La justice tarde ensuite à accomplir les actes d’instruction nécessaires au point d’exposer les poursuites à la prescription.
4- Et puis, il y a aussi le temps qu’on perd et donc qu’on gagne en demandant la déclassification de documents classés « secret défense » : ça prend un temps infini.
5- Il arrive même, - et c’est à pleurer ! - que la partie civile y mette aussi du sien : la procédure engagée par les Irlandais pour attentat aux libertés en 1995 a été purement et simplement annulée en 2003 parce qu’ils avaient déposé leur caution le 41e jour après le dépôt de plainte alors que le délai légal est de 40 jours ! Voilà envolée la dernière chance de voir l’affaire des Irlandais de Vincennes venir devant la justice.
3- Un record de France de vitesse de jugement en appel
Mais ce qui est confondant d’indignité c’est sans doute, quand un puissant est menacé, la soudaine capacité de la justice à sauter du tortillard au TGV pour accélérer à tombeau ouvert la procédure. Condamné pour subornation de témoins en septembre 1991 à une peine de 15 mois de prison avec sursis non amnistiable, J-M Beau va voir son appel examiné par la Cour deux mois après, alors que le délai d’attente entre les deux instances est en moyenne de 18 à 24 mois ! À cela une raison : M. Prouteau est dans le même bateau : il y a urgence, il faut « sauver le soldat Prouteau », titre un chapitre du livre. Un dessin humoristique saignant, diffusé sur France 3 le 21 septembre 1991, avait montré « Prouteau déconfit dans une cabine téléphonique » : « Allo Tonton ? geignait-il. Beau ! Beau ! » Plaisante justice que le pouvoir tient en laisse !
2 - Les médias comme aiguillons
Pour tenter, cependant, de faire avancer le bœuf de la justice qui autrement reste couché, J-M Beau dispose d’un admirable savoir-faire qu’il tient de sa formation dans le renseignement. L’une des techniques est le recours aux médias pour organiser des fuites qui contraignent la justice à bouger. Il y parvient souvent. Mais celle-ci est solidement tenue au pied. Jamais « l’affaire des Irlandais de Vincennes » et la forfaiture qu’a constitué le dépôt d’armes au domicile des Irlandais ne sera instruite ni jugée. Après 8 mois de détention provisoire, les Irlandais obtiendront tout juste le franc symbolique de dommages et intérêts. Leur plainte pour attentat aux libertés, on l’a dit, a été annulée par suite d’une bévue impardonnable. La paix survenue en Irlande du Nord permettra d’éclairer partiellement leur rôle véritable. Mais jamais « notre Barril national », comme l’appelle ironiquement J-M Beau, ne sera interrogé ni surtout poursuivi à raison de son montage.
3 - Une limite inattendue tout de même à l’arrogance
Convaincu d’ailleurs d’être intouchable, il se paiera le luxe de poursuivre en diffamation en 1992 et 1993 le journal Le Monde et son journaliste E. Plenel pour une enquête qui l’a mis en cause. Mais cette fois, il tombera sur un bec ! Il sera débouté. Le tribunal juge que l’enquête incriminée est « un travail sérieux, parfait, complet et très documenté auprès de sources incontestables ». Surtout, il tance Barril, en lui rappelant que « l’absence de poursuites et de jugement sur des faits qui lui sont clairement imputables ne saurait lui valoir pourtant "un brevet d’innocence" » ! Ne pas confondre « présumé innocent » et « présumé intouchable » !
4 - Les écoutes téléphoniques ? Une faute personnelle !
Seule la procédure ouverte en 1995, sur plaintes déposées par les nombreuses victimes des écoutes téléphoniques de l’Élysée, conduira Paul Barril devant le tribunal avec la bande des « écouteurs de l’Élysée mitterrandien ». J-M Beau s’est forcément retrouvé écouté tant étaient redoutées les informations compromettantes qu’il détenait.
Mais le procès n’a eu lieu... qu’en 2005, dix ans après ! Parmi les accusés, Paul Barril a été condamné à 6 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour « recel de documents nominatifs relevant de la vie privée ». On appréciera à sa juste saveur le fait que le parquet ait demandé sa relaxe !
Toutefois, sur appel interjeté par quelques-unes des victimes seulement dont J-M Beau et l’actrice Carole Bouquet, la Cour a provoqué la surprise, le 13 mars 2007 (3) : non seulement elle a confirmé le jugement, mais elle a estimé que MM. Ménage, ancien directeur de cabinet du président Mitterrand, Prouteau, Barril, Esquivié, Gilleron et Charroy avait commis non pas « une faute de service », mais « une faute personnelle » : « aucune disposition légale, a estimé la Cour, ne leur imposait une obéissance inconditionnelle à des ordres manifestement illégaux du président de la République. » Ceci signifiait que ces gens devaient payer de leurs deniers leur condamnation. Et la logique légale voudrait qu’ils remboursent à l’État les frais considérables exposés pour leur défense au titre de la protection statutaire, quand J-M Beau payait les siens de ses propres deniers. Ils se sont empressés, on le comprend, de saisir la Cour de cassation.
UNE FABLE POUR L’AVENIR
La grandeur du livre de J-M Beau, on l’a peut-être compris, est de s’élever au niveau supérieur de la fable par la portée des leçons qu’il illustre.
1- La première est évidemment inspirée de ce qui est à l’origine de l’affaire : le non-respect des procédures que J-M Beau a assumé crânement dans les conditions décrites plus haut. Bien sûr, une procédure peut-être utilisée par les procéduriers comme une technique d’obstruction ou d’entrave. Mais on voit aussi qu’une procédure permet de garantir les libertés : accepter que l’on pénètre dans un domicile hors de la présence d’un officier de police judiciaire, ouvre la porte à toutes les manipulations, comme l’a montré Paul Barril.
2- Une seconde leçon intéresse l’exercice du pouvoir. On ne le répétera jamais assez, la démocratie court les plus grands dangers avec un pouvoir qui s’affranchit non seulement de la morale, mais de la loi et qui n’a d’autre objectif que sa conservation. Tout moyen lui est bon qui y contribue : le mensonge, la calomnie, la traque policière. Adieu les libertés individuelles !
3- Ce type de dérive d’un pouvoir arbitraire aux apparences démocratiques est rendu d’autant plus aisé qu’il ne rencontre aucun contre-pouvoir. C’est une troisième leçon. En démocratie, on le voit, la défaillance de l’appareil judiciaire est désastreuse quand, renonçant à toute indépendance, il se plie au caprice du pouvoir et multiplie toutes les astuces pour que justice ne soit pas rendue et que soient avalisées des méthodes de voyous.
4- Une quatrième leçon est une confirmation des conduites que tant d’hommes et de femmes adoptent face au pouvoir : la règle est la soumission aveugle à l’autorité et l’abandon de toute responsabilité personnelle qui exigerait de revendiquer le droit de vérifier la conformité des ordres avec la loi et mieux encore avec la morale. Elle a pour corollaire la lâcheté qui pousse à tourner le dos à l’ami d’hier pour ne pas se compromettre.
5- La fonction de contre-pouvoir que les médias remplissent, peut servir de cinquième leçon, mais à condition qu’ils s’attachent à livrer des faits une représentation fidèle. Crimes et délits pour se commettre ont besoin de l’ombre et de la discrétion qui les « (assurent) d’un plein secret » ; c’est dans la dissimulation qu’ils s’épanouissent : « Tout le mal n’est jamais que dans l’éclat qu’on fait, / dit Tartuffe de Molière. Le scandale du monde est ce qui fait l’offense / Et ce n’est pas pécher que pécher en silence. » Les mettre en lumière au vu et su de tout le monde, c’est faire tomber le masque respectable de leurs auteurs qui trompent leur monde et débusquer dans la clairière même de la démocratie la jungle toujours renaissante.
6- Il est, cependant, une sixième leçon vivifiante qui étonnera toujours : dans l’adversité, sous les tombereaux de boue déversés, malgré les obstacles divers et pervers qu’on dresse devant eux, il se trouve toujours des hommes qui peuvent plier, mais sans rompre. Un ressort tendu au cœur d’eux-mêmes les tient debout contre toute raison : jamais on ne les voit renoncer à leur honneur et à leur dignité. Jean-Michel Beau est de ceux-là. Ils forcent l’admiration, inspirent l’estime et nourrissent l’espérance quand ceux qui ont voulu les piétiner ne méritent que la honte et le mépris.
En somme, ce livre d’une vie est un livre de vie à méditer et à offrir. Paul Villach
(1) Jean-Michel Beau, L’Affaire des irlandais de Vincennes - 1982-2007 - ou l’honneur d’un gendarme, Éditions Fayard, Paris, 2008, 644 pages. Prix 28 euros.
(2) Voir la vidéo :
(3) « « Les écoutes de l’Élysée » : la Cour d’appel de Paris à l’écoute... d’une nouvelle civilisation », article paru sur Agoravox le 19 mars 2007.
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