Une loi contre la prolifération des hébergements Airbnb
Dans un contexte politique chargé, entre l’élection de Trump aux États-Unis et les difficultés du gouvernement Barnier, les députés de l’Assemblée Nationale ont, le 7 novembre, voté une loi qui est passée relativement inaperçue bien qu’elle soit importante pour les communes touristiques. Cette loi permettra en effet aux maires de limiter le nombre des hébergements meublés de type Airbnb en vue de faciliter l’accès au logement de leurs administrés...
Les maires en charge des villes à fort potentiel touristique étaient tous d’accord pour l’affirmer haut et fort : il était devenu urgent de légiférer pour contrer la prolifération galopante des locations de courte durée gérées par des plateformes commerciales comme Abritel, Airbnb, Booking ou Interhome. Depuis des années, ces élus plaidaient pour que des dispositions légales soient enfin prises afin de leur permettre de lutter efficacement contre ce phénomène, gravement préjudiciable aux capacités d’hébergement locatif à l’année des habitants, confrontés tout à la fois à la raréfaction des biens disponibles et à une hausse constante du montant des loyers, largement induite par la spéculation locative.
Le processus législatif ayant été un temps suspendu par la dissolution de l’Assemblée nationale, il aura fallu 20 mois depuis le dépôt de la proposition de loi pour que les députés – en désaccord avec les sénateurs sur plusieurs points – puissent enfin approuver définitivement le texte issu des travaux de la Commission mixte paritaire tenue le 28 octobre. Corapporteurs du projet de loi, Iñaki Echaniz, député socialiste des Pyrénées-Atlantiques, et Annaïg Le Meur, députée EPR du Finistère, ont salué sans réserve ce succès : « C’est une victoire pour les territoires », a souligné l’élu basque ; une victoire également pour « les citoyens qui n’en peuvent plus de subir la pression du logement », a ajouté l’élue bretonne.
Un succès d’autant plus méritoire qu’Airbnb a exercé durant des mois de vives pressions sur les parlementaires français. Et cela avec le concours complaisant des élus du RN, relayeurs zélés de l’argumentaire de la multinationale américaine dont le fonctionnement favorise pourtant de facto les profits des spéculateurs au détriment de l’accès au logement des classes populaires. Mais de cela, manifestement, les proches de Marine Le Pen et Jordan Bardella n’avaient cure ! C’est donc malgré les élus du RN (et leurs supplétifs ciottistes) que le texte a été voté le 7 novembre, au grand soulagement des maires des communes touristiques les plus impactées au fil des ans par les flux croissants de touristes.
Cette loi comporte des avancées majeures. D’une part, elle obligera tous les loueurs à demander un numéro d’enregistrement au titre des meublés de tourisme pour chaque logement destiné à la location de courte durée afin qu’il soit répertorié comme tel, ce qui était facultatif auparavant. D’autre part, elle autorisera toutes les villes – et plus seulement les métropoles de plus de 200 000 habitants – à plafonner à 7 % du parc de l’habitat municipal le nombre des meublés de tourisme dans les quartiers en tension. En outre, le nombre des nuitées pourra être plafonné à 90 par an sans que les villes petites et moyennes soient exposées à des poursuites en justice par les plateformes touristiques.
Autre disposition importante : les villes qui comptent plus de 20 % de résidences secondaires devront désormais consacrer à l’habitat principal tout nouveau programme immobilier inscrit au Plan local d’urbanisme (PLU) dans les quartiers en tension. Et afin d’éviter que des « passoires thermiques » soient affectées à la location saisonnière pour échapper à l’obligation faite aux propriétaires de fournir un Diagnostic de performance énergétique (DPE) pour louer un bien à l’année, obligation sera dorénavant faite aux propriétaires de meublés touristiques de produire eux aussi, sous peine de rejet d’agrément, un DPE classé au moins F en 2025, E en 2028 puis D à compter de 2035.
Enfin, les avantages fiscaux dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme seront nettement revus à la baisse : l’abattement des hébergements non-classés sera ramené de 50 % à 30 %, soit le même taux que la location de longue durée, avec un plafond de 15 000 euros (au lieu de 77 700 auparavant). Quant à l’abattement des meublés classés, il sera ramené de 71 % à 50 %, avec un plafond abaissé à 77 700 euros (au lieu de 188 700), ce qui restera malgré tout plus avantageux que la location à l’année pour les propriétaires de ces meublés, au grand dam des élus de gauche, empêchés par les sénateurs de droite d’aligner tous les meublés sur un taux unique. Les avancées n’en seront pas moins significatives.
En réalité, la loi dite « Airbnb » ne signifiera pas, loin s’en faut, la fin des meublés touristiques dans les villes qui attirent de très nombreux visiteurs chaque année. Cela serait d’ailleurs une aberration, tant au niveau de l’économie locale qu’en termes d’accès du public aux patrimoines d’exception. Mais cette loi permettra de freiner drastiquement les implantations de nouveaux hébergements de courte durée dans les quartiers les plus exposés au surtourisme. Avec deux conséquences majeures : d’une part, limiter la hausse des prix liée aux investissements spéculatifs ; d’autre part, augmenter le nombre des logements disponibles dans le parc locatif des municipalités concernées au bénéfice de leurs administrés.
La Loi n°2024-1039 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale a été promulguée le 19 novembre par le président de la République et publiée au Journal officiel le 20 novembre. La plupart des dispositions figurant dans ce texte législatif, y compris sur le volet fiscal, entreront en application dès le 1er janvier 2025.
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