• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Une publicité de la Banque postale pour illettrés colonisés (...)

Une publicité de la Banque postale pour illettrés colonisés ?

Depuis que le Livret A a cessé d’être un produit exclusif de la Banque postale et des Caisses d’épargne et que d’autres banques le proposent désormais, une campagne publicitaire de la Banque postale est en cours : « Votre livret A mérite bien plus qu’une banque », prétend-elle vacharde envers ses concurrentes. Et six photos exhibent des personnages de tous âges vêtus du même tee-shirt blanc frappé du même slogan énigmatique « I ♥ LA ».

Un message codé pour initié

Ce message codé pour initié capte et retient évidemment l’attention. Composé d’initiales et du pictogramme d’un cœur, il intrigue. Hormis le cœur, substitut stéréotypé bien connu du verbe « aimer », les initiales restent mystérieuses jusqu’à ce que, intericonicité aidant, selon le cadre de référence de chacun, deux images connues sautent aux yeux. L’une d’elles est bien sûr celle des graffitis d’adolescents amoureux qui gravent ou écrivent sur tout ce qu’ils trouvent – du tronc d’arbre au mur d’un monument visité - leur promesse d’amour éternel. L’autre, provoqué par « I », le pronom personnel anglais à la première personne, est celle du slogan en usage pour la promotion des villes états-uniennes ; et dans ce cas, les lettres LA peuvent être les initiales de la ville de Los Angeles. Celles-ci paraissent même emprunter leurs couleurs vaguement bleu et blanc à la partie étoilée du drapeau américain, bien qu’il s’agisse d’un semis de logos de la Banque postale.

Une ambiguïté volontaire

Eh bien, non, on a tout faux ! La Banque postale n’est pas une filiale d’un secrétariat au tourisme états-unien. Elle a seulement joué de l’ambiguïté volontaire : il faut lire « I love Livret A » ! Et les six photos, par métonymie, montrent que cette déclaration d’amour intéresse paradoxalement six âges de la vie : le bébé, les garçonnets, l’adolescent, l’étudiant, la famille, les retraités. Un doute subsiste toutefois : seuls, les parents n’arborent pas le tee-shirt de leurs enfants, quand les retraités le font : sans doute la manie des graffitis romantiques leur est-elle passée alors qu’elle reprendrait chez les seniors. Mais serait-ce aussi que le Livret A s’adresse aux jeunes et aux seniors mais non à l’âge intermédiaire ? Il semble, d’autre part, que la Banque postale ait péché par sexisme, du moins dans le bureau de Poste où a été photographié ce montage : on compte huit représentants du sexe masculin pour trois du sexe féminin : les graffitis et l’offre ne concerneraient-ils donc pas les jeunes filles qui n’ont aucune représentante  ?

Le réflexe d’identification à la mythologie états-unienne

Ce n’est pourtant pas cette anomalie qui sidère, mais la stimulation du réflexe d’identification à la mythologie états-unienne de la part d’une entreprise publique française, pour déclencher la pulsion de souscription. Et l’humour présumé de la démarche est impuissant à en tempérer l’incongruité. L’association par ambiguïté volontaire entre les initiales de Los Angeles et celles du livret A serait-elle donc la seule façon de faire croire à l’ultra-modernité du vieux livret d’épargne ? La clientèle visée aurait-elle, en effet, son esprit colonisé à ce point que seule une référence états-unienne serait en mesure de l’en convaincre ? La langue française leur serait-elle devenue moins familière que ce sabir d’illettré ? Ne serait-elle plus à leurs yeux qu’un dialecte de pays arriéré au regard de la langue de la première puissance technologique du monde ? Ne chercheraient-ils la distinction que dans le refoulement de la première et l’exhibition faite et fautive de bribes de la seconde ?

Faisant la leçon aux autres banques pour se prévaloir sur une autre affiche « de valeurs de solidarité et d’accessibilité » prétendument attachées au Livret A « depuis plus d’un siècle », la Banque postale ne se rend-elle pas compte qu’en fait, son slogan états-unien entre en contradiction avec elles ? Où a-t-on vu que Los Angeles est un modèle de ces valeurs et que le modeste livret A soit le placement le plus recherché au pays du libéralisme triomphant ? Les faillites en chaîne des banques américaines, actuellement emportées dans la tourmente des « subprimes », invitent même à penser le contraire. Puisque selon la Banque postale, « (le) livret A mérite bien plus qu’une banque », n’aurait-il pas aussi mérité bien plus qu’une publicité en sabir américain ? Paul Villach



 


Documents joints à cet article

Une publicité de la Banque postale pour illettrés colonisés ? Une publicité de la Banque postale pour illettrés colonisés ?

Moyenne des avis sur cet article :  2.63/5   (71 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • Trashon Trashon 16 septembre 2008 11:09

    Pour un des derniers services public, en passe d’être privatisé, le choix de L.A. est malheureusement judicieux


    • Vincent 16 septembre 2008 11:37

      Déjà, cette campagne n’est pas nouvelle nous l’avons vue apparaître au mois de janvier, celle-ci reprenait la même typo et la même couleur pour le rouge du cœur que le slogan destiné à la ville américaine de Los Angeles.

       

      Il semblerait que celle-ci n’est pas été assez lisible pour le commun des épargnants et il on donc changer la typo en créant des lettes à partir du logo de la banque postale.

       

      Je ne connais pas l’agence qui à eu le budget, mais bon cette campagne est clairement axée vers les jeunes qui ont assimilé ce langage hétéroclite mêlant abréviation et pictogramme.

      Par ailleurs le message est devenu plus agressif, autant au mois de janvier la poste souhaitait la bienvenue à ses concurrents alors que maintenant ils dénigrent les autres banques.

       

      Plus généralement il semblerait que la pub comparative commence à faire son entrée en France, j’en veux pour preuve la dernière campagne de Huggies vs Pampers.

       

      Si c’est le cas, on va pouvoir s’amuser un peu plus.

      Et vous, vous aurez plus d’article à écrire.

      Et nous en tant que lecteurs nous devrons subir vos analyses de la métonymies et de l’interconicité dans la pub commentée deux termes indispensables à chacun de vos articles…..


      • Vincent 16 septembre 2008 11:40

        Un petit complèment par rapport aux pub comparatives :

        http://www.educnet.education.fr/ecogest/ega/18/gescom/pubcomp.htm


      • Paul Villach Paul Villach 16 septembre 2008 11:58

        @ Vincent
        "Et nous, écrivez-vous, en tant que lecteurs nous devrons subir vos analyses de la métonymies et de l’interconicité dans la pub commentée deux termes indispensables à chacun de vos articles….."

        1- Je ne vois pas à quelle contrainte vous obéissez pour "devoir " lire mes analyses qui vous importunent ! Etes-vous maso pour vous faire subir pareil pensum ? Vous n’avez rien d’autre à lire ?

        2- Désolé si métonymie et intericonicité sont deux procédés structurels de l’image. Quand on se refuse à faire du bavardage et de la paraphrase comme vous le faites dans votre commentaire, vous êtes contraint de vous en tenir aux procédés employés. Et forcément, de même qu’une maison à une porte, des fenêtres et un toit, une image est construite de métonymie, d’intericonicité, de mise hors-contexte, et de quelques autres procédés qui varient. Il importe donc de commencer par les lire... avant de délirer.

        3- J’aurais aimé que vous opposiez des arguments à mon analyse. Hélas, votre commentaire est stérile ! Mais peut-être vous ai-je choqué en soulignant qu’une telle pub s’adresse à des illettrés colonisés. Vous vous seriez-vous reconnu ? Paul Villach


      • SlyTheSly 16 septembre 2008 11:54

        Moi je l’ai trouvé plutôt sympa cet espèce de "jeu de mot" avec "I LOVE L.A". C’est dans la même veine que les affiches "Nouillorque", "Losse-En-Gelèsse", etc... de la SNCF y’a quelques temps.
        Pas de quoi fouetter un chat franchement...


        • Cartman 16 septembre 2008 14:00

          Ce que je trouve risible, c’est le nombre de pubs sur ce sujet alors que le livret A sera EXACTEMENT le même dans toutes les banques. Les caractéristiques seront fixées par l’état, comme le LDD actuellement.
          Comme toutes les banques proposent exactement le même produit, elles ne peuvent utiliser aucun argument rationnel. D’où la stupidité de ce genre de campagne.


          • pas perdus pas perdus 17 septembre 2008 08:29

            Tout ça sent la privatisation...


            • rocla (haddock) rocla (haddock) 21 septembre 2008 14:20

              La belle langue oui !

              Le sabir out !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès