Une solution simple pour le pouvoir d’achat
Cette solution qui pourrait aider à renverser le rapport de force distributeur/consommateur m’est venue à l’esprit il y a quelques jours en passant devant une station-service. Elle est donc toujours au stade brut de l’idée. Aucune application pratique ni étude sérieuse n’a été menée à ce sujet jusqu’ici. J’espère juste que cet article aidera à faire avancer le débat sur le pouvoir d’achat.
Thème central du débat politique de ces derniers mois, la baisse du pouvoir d’achat semble encore parti pour s’aggraver. Stagnation ou faible hausse des salaires, augmentation rapide des prix de consommation, fins de mois difficiles sont des maux qui comme chacun le sait touchent un nombre important de Français. Selon une étude effectuée par le cabinet Nielsen pour LSA, l’indice des prix de grandes consommations a augmenté de 4,6 % en l’espace d’un an. La hausse du pétrole et des matières premières est en partie la cause de ces augmentations de tarifs. Elle ne peut pourtant suffire à expliquer un phénomène qui semble perdurer depuis plusieurs années. Elle ne peut non plus expliquer les disparités parfois importantes de prix entre hypermarchés. De nombreuses voix s’élèvent pour mettre en cause la grande distribution comme Philippe Askenazy, chercheur au CNRS : « C’est vrai que les prix catalogues des industriels ne sont pas très élevés, mais lorsque l’on retrouve les prix en rayon c’est autre chose. [...] Je ne crois pas qu’il y ait d’entente en tant que telle, ce sont plutôt les positions locales très forte des différents acteurs qui leur permettent de fixer des prix élevés assez librement avec des marges importantes. »
Aux dires de beaucoup, faire jouer la concurrence semble être la solution la plus saine pour juguler cette hausse des prix. Cela consisterait à assouplir la législation actuellement contraignante d’autorisation d’ouverture de grandes surfaces. Plus nombreuses sur un même secteur ces enseignes se livreraient - en théorie - à une lutte sans merci les amenant à baisser les prix pour attirer le consommateur. Pourtant quelles sont les armes du consommateur pour estimer si un supermarché est cher ou non par rapport à un autre ? Il est en effet facile de comparer les prix de deux produits placés l’un à côté de l’autre sur un rayon, mais il est bien plus difficile de comparer deux supermarchés. Le consommateur, n’étant pas une machine, ne peut se souvenir de l’ensemble des prix et les chariots étant sensiblement différents à chaque course, il lui est très difficile de savoir lequel de deux supermarchés est le moins cher. Pour la plupart des consommateurs, la décision se fera le plus souvent sur un ou deux produits-clés qui lui tiennent à cœur dont il se souviendra exactement du prix. Pourtant ce n’est pas parce que deux produits sont moins chers que le chariot dans son ensemble sera moins cher. Le choix de nombreux consommateurs se porte ainsi sur un hypermarché pratiquant des prix globalement supérieurs à leurs concurrents.
Il y a ainsi un réel déficit d’information du côté du consommateur qui peut difficilement favoriser l’enseigne pratiquant les prix les moins chers. Les enseignes peuvent donc malgré la concurrence faire perdurer des prix élevés sans que leur chiffre d’affaires en soit particulièrement affecté. Pourquoi baisser les prix quand vous pouvez les augmenter sans que le consommateur ait le moyen de faire la comparaison avec l’évolution des prix chez vos concurrents ? L’information du consommateur est en réalité si faible qu’il lui est presque impossible de faire un choix rationnel. Ainsi, la concurrence entre enseignes ne pourra amener une réelle baisse des prix que si le consommateur a en son pouvoir un outil lui permettant d’avoir une information claire sur les prix pratiqués par chaque enseigne.
Nous le voyons tous les jours ou presque, le système des étoiles informe le consommateur du standing de chaque hôtel. De même, devant chaque station-service, il y a un panneau indiquant les prix. Il permet à l’automobiliste de comparer les prix sans nécessairement s’arrêter dans chaque station-service. Pourquoi serait-il impensable d’imposer le même genre d’indication à l’entrée de chaque hypermarché ou supermarché ? Ce panneau indiquerait en temps réel un indice de prix pour trois chariots types : le chariot-type composé de produits de marque, le chariot-type composé de produits de marque distributeur et le chariot-type composé de produits sans marque. Il serait en toute logique possible pour l’Etat de mettre en place cet indice. Mais comment mettre en pratique un tel indice qui devrait refléter le plus objectivement possible les niveaux de prix pratiqués par chaque supermarché ?
Le premier impératif d’une telle démarche serait d’empêcher que le changement d’un ou deux prix bien choisis par les grandes puissent faire varier l’indice à leur souhait. Il faut donc prendre en compte un nombre très important de produits. Dans l’idéal, une agence gouvernementale indépendante aurait accès à l’ensemble des prix proposés par chaque supermarché et calculerait en temps réel l’indice que le supermarché aurait l’obligation de mettre en valeur à son entrée. Les indices seraient également disponibles sur internet et le consommateur aurait le moyen de rapidement comparer les prix pratiqués par les différentes grandes surfaces de sa région. Tout cela s’effectuerait bien évidemment de façon automatisée grâce à une structure informatique puissante et efficace. On pourrait également imaginer l’Etat envoyer un enquêteur dans chaque supermarché de France à partir d’une certaine surface, répertorier les prix une fois tous les deux mois. Un site internet lancé par Leclerc en 2006, www.quiestlemoinscher.com disait comparer à l’époque les prix de 3 500 produits dans 2 013 magasins grâce à ce genre d’enquête sur le terrain. Si le nombre d’enseignes enquêtées a été depuis largement réduit pour se mettre en conformité avec la loi, cela montre bien qu’il est techniquement possible, à coût limité, de mettre en place ce genre d’indice.
Les informations disponibles sur le site de Leclerc se limitant à une moyenne de prix par catégorie de bien par enseigne semblent largement insuffisantes pour favoriser une saine concurrence au niveau local et n’inspirent aucunement confiance, les enquêtes ayant été réalisées par un acteur étant tout sauf neutre. De plus une proportion non négligeable de Français, tout particulièrement les moins favorisés n’a pas accès à internet. Il faut d’ores et déjà faire le deuil d’un indice parfait. La nature même d’un indice est d’être une simplification d’une réalité complexe. L’indice ne pourra jamais refléter la réalité de la complexité des variations de prix entre supermarchés. On peut déjà entendre les critiques venant de la part des distributeurs arguant la non-objectivité d’un indice quel qu’il soit. Pourtant mieux vaut une information assez proche de la réalité que pas d’information du tout. En cas de réussite, un tel indice mis en valeur devant chaque supermarché pourrait clarifier l’offre pour les consommateurs, relancer la concurrence entre enseignes au niveau national et la guerre des prix au niveau local.
Le problème du pouvoir d’achat est un problème qui n’a de solution réelle qu’à moyen ou long terme car il passe par une relance durable de la croissance permettant une hausse continue des salaires. La mise en place d’un indice de prix ne serait pas une solution au problème de fond du pouvoir d’achat mais il semblerait permettre de combattre les abus tant décriés de la grande distribution en redonnant le pouvoir au consommateur et pourrait donner une vraie bouffée d’air frais aux familles françaises les plus démunies.
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