Usages malveillants de drones civils
Samedi 4 août 2018, le président du Vénézuela a été la cible d'une tentative d'attentat dronique lors du 81° anniversaire de la garde nationale bolivarienne. L'attaque qui a fait sept blessés a été accomplie avec deux drones Matrice 600, chacun emportant une charge d'un kilo de C4 (explosif militaire ou plastic). Deux jours plus tard, un drone qui survolait le fort de Brégançon à Bormes-les-Mimosas (Var) s'est abimé en mer après que son signal eut été brouillé. Mi-septembre 2013, un drone d'une quarantaine de centimètres s'était posé à deux mètres d'Angela Merkel lors d'un meeting de campagne à Dresde ! Octobre 2012, deux militaires du CPA-10 ont été blessés grièvement par un drone civil (Irak). Le 10 juillet 2013, un homme a été décapité par un hélicoptère téléguidé (un Gaui- Formula X).
La menace par modèle réduits (aéromodélisme) a commencé à apparaître dans les années 1990 au Japon, où il est extrêmement difficile de se procurer une arme longue (carabine, fusil de grande chasse, etc.). La démocratisation des aéronefs auto-pilotés (drones) apparue au début des années 2010 pose de nouveaux problèmes à la sécurité des personnalités, des grands rassemblements ou des sites sensibles. Fin de l'année 2014, on comptait une centaine de signalements de drones ayant survolé illégalement des zones sensibles : centrales nucléaires, l'île Longue (base des SNLE), le Palais de l'Élysée, l'ambassade des États-Unis, et seulement 13 affaires résolues.
L'attentat par drone présente plusieurs avantages : il reste bon marché - le criminel peut se tenir loin de sa cible, voire à l'étranger à condition qu'un comparse lance l'appareil dans un rayon d'action déterminé ou qu'un système électromécanique y supplée - présente un impact psychologique certain. « Chaque innovation technologique a été détournée pour une utilisation criminelle, et les drones n'y échapperont pas » (Naudin 2014). Dans la matinée du 4 avril 2016, les autorités en charge de l'Euro 2016 on procédé à une simulation d'épandage d'un produit toxique par un drone au dessus des tribunes du stade Geoffroy-Guichard à Saint-Étienne.
Ces aéronefs capables de retransmettre en temps réel les images et/ou d'emporter une charge de plusieurs kilogrammes peuvent être utilisés à différentes fins : attentat contre les personnes ou les biens - espionnage - surveillance - prise de vue aérienne - acheminer des produits interdits ou de contrebande - porter atteinte à la vie privée - entrer en collision avec un aéronef civil ou militaire - larguer de la peinture sur les hôtes d'une tribune, un nid de frelons, une bouteille incendiaire, une grenade (les terroristes placent un volant de badminton sur l'objet destiné à être largué à la verticale afin de le stabiliser et lui imprimer un mouvement rotatif) - déposer un brouilleur ou une charge proche d'un émetteur : téléphonique, télévision, antenne relais, faire diversion pour mobiliser l'attention dans une direction donnée, etc. Seul le manque d'imagination semble venir brider utilisation de drones. Un fabriquant de sacs à main a remplacé les mannequins et the catwalk par un défilé de drones pour présenter sa nouvelle collection.
Les drones de loisir ont été classés en deux catégories, ceux compris entre 800 grammes et 25 kg sont soumis à enregistrement (décret du 24 octobre 2016) ; ceux de plus de 25 kg doivent être immatriculés. Les drones de masse inférieure à 800 grammes (catégorie « A » 250 cm3 - 15 Kw) sont utilisables sans identification et sans formation, mais leur signalement lumineux et sonore en cas d'interruption de la liaison est obligatoire. Une trentaine de sociétés propose une centaine de modèles. Le large choix de modèles proposé à la vente permet de sélectionner un appareil adapté à un besoin particulier : voilure fixe, tournante, ailes battantes, multicoptère qui permet le décollage à la verticale et le vol stationnaire - nacelle (charge d'emport) - encombrement - masse (d'une vingtaine de grammes à plusieurs dizaines de kilos) - vitesse (horizontale, montée, descente) - plafond - puissance & poussée - autonomie (en vol & stationnaire) - rayon d'action - retour vidéo - suivi de personne - réactivité (poids/puissance) - furtivité - prix - RTF ou télécommande - limitation des performances (geofencing) - conditions d'utilisation (vent, pluie, température) - parachute - amortissement de l'énergie à l'impact (69 joules) - enregistrement des paramètres de vol des 20 dernières minutes - forcer l'atterrissage dès la sortie d'une zone règlementée (fail crash).
« Un drone est un aéronef autonome pouvant réagir face à tout évènement aléatoire ou contrôlé à distance depuis le sol ». Ces appareils sont un concentré de technologie et peuvent être équipés de capteurs particuliers pour détecter un obstacle, des radiations, filmer dans l'infra-rouge ou en fausses couleurs (analyse multispectrale), revenir à leur point de départ en suivant un itinéraire préprogrammé ou utiliser une puce GPS si la liaison (plage de 440 MHz à 5.8 MHz) est interrompue... S'il s'agit d'un appareil préprogrammé et que son utilisateur n'envisage pas de le récupérer, il pourra parcourir une distance importante et atteindre un point prédéfini très éloigné. Un drone sous-marin est même proposé à la vente au public..., de quoi atteindre un navire au mouillage. Un autre peut rester tapis sous l'eau pendant plusieurs mois avant de faire surface et rejoindre le point programmé ! La législation pour ce type de drone semble contradictoire, ce qui n'est pas le cas pour les aéronefs. La France possède la législation la plus restrictive. Faire des prises de vue avec un drone par exemple, est interdit sans autorisation de la Direction Générale de l'aviation civile ! La réglementation ne cesse d'évoluer, www:ecologie-solidaire.gouv.fr/direction-generale-laviation-civile-dgac et le site http://www.legifrance.gouv.fr/. En cas d'infraction simple à la réglementation, le contrevenant encourt une peine de 6 mois à un an d'emprisonnement, et entre 15 000 euros et 45 000 euros d'amende selon que l'infraction est considérée comme une maladresse, une négligence ou intentionnelle.
Un utilisateur malveillant peut acquérir un drone en kit sur Internet ou dans un pays ne respectant pas les mêmes normes : traçabilité d'achat, fréquence, débridage de l'altitude limitée à 150 mètres, puce Glonass ou Beidou, absence de balise de localisation, de parachute, en changer les hélices pour en augmenter la vitesse ou la traction, remplacer l'antenne par une plus performante, le peindre pour qu'il se confonde avec le fond du ciel ou l'environnement, le dissimuler sous l'aspect d'un volatil (fibres de carbone et film transparent disponibles dans les boutiques d’aéromodélisme), supprimer les LEDs et le buzzer qui participent à le signaler, ainsi que les amortisseurs selon l'usage auquel on le destine, remplacer la structure par une coque réalisée à partir d'un explosif pouvant être modelé, opter pour une batterie plus adaptée (autonomie, poids), le modifier pour l'utiliser avec une liaison laser modulée en phase..., passer par les répéteurs d'un réseau radio-amateur ou téléphonie 4G (une carte SIM permet alors de le piloter à partir d'un autre pays...), le doter d'une mise à feu mécanique, chimique, ou électrique (à influence) capable d'entrainer sa destruction en cas d'interception. Choisir un drone de type vols automatiques autonomes sur lequel on ne peut plus agir sur lui une fois activé..., voire utiliser un moteur thermique fonctionnant au nitrométhane ou un micro-réacteur pour contourner le brouillage électronique ! La plupart des liaisons électroniques des drones civils n'étant pas cryptées, il est envisageable qu'un « hacker » puisse en prendre le contrôle ou en brouiller le signal.
Le service de sécurité de la protection présidentiel a-t-il mis en place des brouilleurs destinés à bloquer les mises à feu électroniques des EEI, ou a-t-il utilisé le Drone Gun ? un « fusil » qui brouille le GPS, interrompt la transmission vidéo, la liaison radio et « force » l'atterrissage. Le drone peut ensuite être récupéré presque intact pour être examiné par la police scientifique. L'utilisateur précautionneux s'empressera de supprimer les fonctions inutiles à l'usage envisagé. Lors de la « customisation » de l'appareil, il pensera au mnémonique KISS, keep it simple stupid, sans oublier que les outils utilisés laissent des traces aussi identifiables que les empreintes ; des soucis avec d'éventuelles traces d'ADN ? il suffit d'eau de javel diluée pour le détruire.
Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a établi un recensement des technologies disponibles capables de contrer la menace : radars actifs ou passifs, transpondeur, détection acoustique et/ou thermique, brouillage radio ou sonique (ultrasons), aveuglement de la caméra, jet d'eau sous haute pression, tir de grenaille, drone anti-drone, oiseau de proie dressé, radar holographique, leurre GPS, filets, etc. La solution n'est guère aisée, imaginez un drone porteur d'une charge explosive avec shrapnells abattu au-dessus d'une foule venue assister à un événement ou une attaque simultanée par plusieurs drones utilisant des technologies différentes ! Il est possible de contrôler simultanément une flotte d'une trentaine de drones à partir d'un ordinateur !
Jusqu'à présent, les gardes du corps préparés à l'éventualité d'une attaque par un modèle réduit (avion, véhicule ou bateau) emportaient un fusil de ball-trap (cartouches 12/70 30GR, choke 1/2 ou 1/4 ; la vitesse moyenne d'un plateau de 110 mm est d'environ 80 km/h), entouraient l'emplacement de tentures (ne pas oublier de les fendre par endroits afin de ménager une voie de repli pour une évacuation en urgence) et/ou de calicots pour réduire la « fenêtre » hors champ visuel inutile (protection utile aussi contre le sniping). Les plus suspicieux pourront les doubler de couvertures de survie à base de Mylar pour réduire la signature infrarouge (une température élevée perturbe le bon fonctionnement des capteurs thermiques), placer des rayons laser de discothèque pour aveugler la caméra embarquée. Faudra-t-il ficher « S » les possesseurs d'un drone ou les amateurs d'aéromodélisme, interdire les cerfs-volants, les ballons à air chaud, à hydrogène ou à hélium ? Opter pour une apparition de la personnalité dématérialisée par hologramme comme le fit un candidat à la présidentielle !
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