Vae Sinistris !
Pour refonder la gauche.
On parle beaucoup, depuis les dernières présidentielles, d’une refondation
de la gauche. Nécessaire non pas tant à cause d’un échec - la gauche en a vu
d’autres - que d’un hiatus entre le projet socialiste et les espoirs qu’on
souhaiterait qu’il véhicule, cette métamorphose est annoncée par tous les
candidats et crypto candidats au leadership du PS. Comme est annoncée sans
preuves et dénoncée sans conviction, d’ailleurs, la mort imminente de ce parti.
Mort ou métamorphose d’un parti sont-elles si importantes ? N’est-ce pas
plutôt la direction que prend la société qui importe ? A ceux qui se sont
réjouis que la victoire de l’UMP ait semblé marquer le déclin du FN, n’a-t-on
pas été bien prompt à faire remarquer que c’est toute la France qui avait fait
un pas à droite et que l’échec électoral de Le Pen coïncidait avec une
incontestable progression de ses idées ? Je me sentirais plus rassuré si c’est
sur la gauche qu’on pouvait porter ce diagnostic. Mais il faudrait voir de quel
mal elle souffre.
La gauche est malade de ses gauchistes. Pas seulement de ceux qui filent,
qui fuguent et qui fuient leurs responsabilités - rarement navire en péril n’a
été abandonné si vite, alors que, comme les Législatives l’ont montré, il reste
tant de passagers à bord et tant de bon grain dans les cales - mais malade
aussi de ses penseurs qui n’ont pas une bonne pensée à offrir et de ses
chantres qui ne turlutent que des refrains sans entrain. 35 heures ? Est-ce
qu’on a lutté 70 ans à gauche pour s’éviter 5 heures de travail ? Est-ce ainsi
qu’on va mettre un peu plus de justice dans la société ?
La gauche est sinistrée, parce qu’elle a rentré les voiles et ne va plus au
large, mais fait du « sur place ». La droite, elle, peut motiver par le succès
personnel, mais la gauche qui n’a pas un projet de société, un espoir
collectif, un grand dessein à proposer n’intéresse pas. Nous avons une gauche
sans dessein... et elle ennuie.
Il faut faire le constat que la gauche s’est scindée entre une faction
organisée, corporatiste, qui a réussi sa rentrée à la mezzanine, sinon au piano mobile de la société moderne... et les autres dont cette faction s’est délestée
pour y parvenir à ses fin : les démunis, les marginaux, les précaires, les
irrécupérables dont on n’assume plus vraiment les combats, sauf du bout de la
plume, tenue à longueur de bras, par des intellectuels qui ne voient même pas
le clivage.
De telle sorte qu’on a une gauche pusillanime qui devient centre gauche,
qui ne demande qu’à devenir le parti d’alternance à un parti de centre droite,
dans une démocratie à l’américaine où il n’existera qu’un seule politique qui
fait consensus et dont tout désir de changement sera exclu. On a une gauche
qui se veut « Mouvement démocrate », n’attendant qu’un « Mouvement républicain
», collé tout contre elle à sa droite, qui naîtra pour lui donner la réplique.
À gauche de cette gauche sans dessein, se coagulent en groupuscules ceux qui
voudraient des changements plus radicaux, mais qui n’ont ni la voix ni les
moyens de devenir un parti sérieux.
Ce sont ces radicaux à gauche qui pourraient innover et tracer les plans
pour une nouvelle société, mais seuls ils ne constitueront jamais une option
électorale crédible. Il resteront du folklore, si les mutins et les naufragés
du PS ne leur tendent pas la main, mais préfèrent se mettre en ligne au centre,
pour avoir épisodiquement accès au pouvoir que peuvent avoir les gouvernements
élus dans un régime néolibéral.
Si c’est ce choix que font les sinistrés, les radicaux à gauche ne pourront
espérer un progrès lent, mais au moins constant vers la justice sociale par les
voies de la démocratie. Il faudra une génération, peut-être deux, mais tôt ou
tard ces démunis, ces marginaux, ces précaires, ces irrécupérables dont le
nombre et la colère augmenteront reviendront en force et par la force. Il est
dommage qu’on ne lise plus l’Histoire.
Si la gauche veut se refonder sur ses racines, et non dans une potiche, il
faudrait qu’elle se donne pour but de changer la société. Changer la société
prend du temps, mais la gauche pourrait tout de suite se fixer au moins
quelques objectifs, donc j’indique quelques-uns ci-dessous, à titre
d’illustrations, car il y a plus à faire.
1. Mettre en place un
programme universel de recyclage/formation afin que "tous" puissent être
réinsérés dans le processus de production ;
2. Augmenter les
salaires et le prix du travail, pour qu’ils coïncident avec le niveau de
consommation compatible avec la production ;
3. Éliminer toute
sécurité d’emploi et la remplacer par une sécurité du revenu par paliers ;
4. Modifier le système
électoral pour que les élus représentent leurs électeurs et non des partis ;
5. Nationaliser les
banques et redonner à l’État le contrôle direct sur l’émission de monnaie ;
6. Eliminer l’impôt
sur le revenu et la TVA, ainsi que toute mesure fiscale directe ou indirecte, à
l’exception d’un impôt sur le capital, selon bilan ;
7. Rembourser la dette
publique en la portant au patrimoine des contribuables au prorata de leurs
avoirs ;
8. Restructurer la
profession médicale et augmenter le nombre des ressources en santé pour en
faire la première priorité ;
9. Nationaliser la
recherche médicale et l’industrie pharmaceutique ;
10. Assurer la totale
gratuité de tout processus judiciaire et universaliser l’arbitrage en matières
contractuelles ;
11. Reconnaître la
violence comme une pathologie et en tirer les conséquences sur le crime, la
récidive et le système carcéral ;
12. Rendre toute immigration conditionnelle à l’adhésion formelle à un Contrat social explicitant les valeurs républicaines ;
13. Mettre fin à toute
immigration illégale, en réservant l’accès aux services aux signataires du
Contrat social ;
14. Alléger la fonction
publique et en accélérer les processus, en réglant par internet la plus grande
partie des contacts avec les administrés ;
15. Remplacer le mondialisme
par un politique d’import-export en complémentarité avec l’optimisation de la
production interne ;
16. Reconnaître les effets
négatifs de la colonisation et payer durant cinquante ans aux ex-colonies une
compensation annuelle à débattre ;
17. Adopter une politique de
gestion intégrale des ressources naturelles et de développement d’une énergie
non polluante ;
18. Assurer la défense
nationale, mais en réaffirmant les principes de non-agression et de non-ingérence ;
19. Favoriser l’intégration
à l’Europe et l’appartenance à des entités supranationales, en ce qui ne
contrevient pas aux objectifs ci-dessus.
Cela
pour un début, bien sûr, pour que renaisse une façon de voir le monde qui fasse
la part belle à l’innovation et à un progrès vers l’égalité. Citant le sage
Vyasa, cependant, « si ces mesures ne sont pas suffisantes, qu’on s’en remette
à l’inspiration... »
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