WikiLeaks, la théorie du complot
Après la tempête, vient l'heure des interrogations. Quelques semaines après le flot de révélations émanant de WikiLeaks et de son leader iconoclaste, l'australien Julian Assange, (voir mon article : WikiLeaks, un démon si populaire) les théories du complot fourmillent sur le net. En effet, comment quelques marginaux auraient-ils pu leurrer l'armée américaine et télécharger des centaines de milliers de documents derrière le dos de la première puissance mondiale ? Comment Bradley Manning, un jeune soldat de 22 ans, gradé PFC (c'est-à-dire l'un des grades les plus bas de l'armée américaine), a-t-il pu accéder à des informations classées "secret défense" ? Et par quelle prouesse a-t-il pu charger des milliers de documents sur un CD de Lady Gaga ?
Autant d'interrogations qui nourrissent la théorie du complot. Les Etats-Unis auraient donc délibérément laissé WikiLeaks commettre leurs agissements en connaissance de cause. Une thèse que viendraient appuyer les toutes récentes déclarations révélant que Bradley Manning aurait été envoyé en Irak malgré l'avis défavorable d'un expert médical. Mais pourquoi donc les Etats-Unis auraient-ils laissé WikiLeaks agir en toute impunité alors qu'à vue de nez, les révélations de l'organisation lui paraissent plutôt défavorable ? Sans doute parce qu'en creusant un peu, on s'aperçoit que les soi-disant révélations de Julian Assange et ses acolytes servent en réalité la politique extérieure des Etats-Unis.
Que ce soit le soutien du Pakistan vis-à-vis des talibans, le double jeu des pays arabes concernant l'Iran ou l'ouverture de la Chine vis-à-vis d'une potentielle réunification nord-coréenne ; tout cela ne dessert absolument pas les Etats-Unis, bien au contraire. Dans le cas de l'Iran, les cables diplomatiques témoignent d'une défiance généralisée vis-à-vis de l'Iran que ce soit du point de vue russe ou des états du Moyen-Orient. Ainsi, le monarque saoudien Abdallah aurait déclaré que ni l'Iran ni Israël ne méritent d'exister et encourageait les USA à trancher la tête du serpent iranien. Dans l'optique d'un conflit avec l'Iran, ces révélations sont du pain béni pour les Etats-Unis.
Quant à l'ouverture chinoise sur une possible réunification coréenne, elle ne peut qu'arranger Washington, qui se satisferait bien de l'ouverture d'un marché colossal, un nouveau monde vierge de toute forme de capitalisme : la Corée du Nord. Alors, les Etats-Unis ont-ils laissé agir WikiLeaks impunément ? Car de l'autre côté, Hillary Clinton s'est trouvée bien embarassée face à la subjectivité des mémos qualifiant péjorativement les dirigeants occidentaux. La vidéo des deux reporters assassinés froidement en Afghanistan par deux GIs n'avantage guère plus les Etats-Unis. Mais face aux avantages qu'en retire Washington, ces sacrifices sont insignifiants.
En outre, certains défendent la théorie du complot mais avec les républicains dans le rôle du maître du jeu. En effet, les figures du mouvement telles que Mike Huckabee appelant à l'éxécution de Bradley Manning ont surfé sur la vague WikiLeaks galvanisant ainsi les troupes conservatrices contre l'ennemi Assange et co qui porteraient atteinte à la grandeur des Etats-Unis. Or, aux Etats-Unis, l'ennemi de la patrie et le diable ne faisant qu'un, la stratégie mille fois revue de la communauté ou de la personnalité contre qui on dresse la population prend toute sa dimension. Et les républicains en tirent parti, bien heureux également de pouvoir dénoncer les faiblesses et les largesses de l'administration Obama, pris au piège par les marginaux de WikiLeaks.
Retrouvez ce billet dans son contexte original sur http://offensif.net
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