Intervention de Christian Vanneste sur l’article 1A du PJL Hadopi
Un député ça compte sans doute beaucoup, mais ça ne doit pas parler s’il est dans la majorité. Les membres du groupe UMP réfractaires au texte n’ont pas pu parler pendant la discussion générale. C’est sans doute ce qu’on appelle la majorité silencieuse.
Si un parlementaire de l’UMP au moins avait pu s’exprimer comme l’a fait Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, cela aurait montré que le texte que nous étudions traite d’un problème important et complexe : l’adaptation de la tradition française du Droit d’Auteur à l’évolution technologique d’Internet. Adaptation ou confrontation. L’importance de la question comme sa difficulté demandent qu’on aille au-delà des idéologies et des clivages politiciens. Le fait qu’au Sénat les socialistes aient été favorables au texte, et qu’à l’Assemblée des membres de la majorité ne le soient pas le prouve.
Certains ont pourtant tenu à en faire un affrontement gauche/droite, et n’ont pas hésité à multiplier les provocations malgré les mises en garde du Président Accoyer ou les appels à un débat serein de Marc Laffineur.
Ce n’est pourtant pas un débat droite/gauche, mais une nouvelle querelle des Anciens et des modernes, Madame le Ministre.
Si la question est vaste, le texte est modeste : un simple appendice de la loi DADVSI.
On a, en effet, voulu opposer les deux textes de manière artificielle. Le premier serait répressif, le second pédagogique. En fait, tel qu’il avait été voté, le texte comprenait lui aussi une réponse graduée, fondée sur une échelle d’amendes, annulée par le Conseil Constitutionnel. On remplace donc les amendes par une suspension d’abonnement. Certes la situation actuelle d’une assimilation du téléchargement à la contrefaçon est disproportionnée, mais la solution qui nous est proposée n’est pas satisfaisante puisqu’elle entraîne une pénalisation collective des familles, des entreprises, des immeubles, et de nombreux innocents, victimes des astuces d’internet. Le problème du Triple Play dans les zones non dégroupées, l’atteinte au droit à l’éducation ont également été soulignés durant les débats. C’est Éric Besson, présentant le Plan Numérique 2012, qui disait : « C’est devenu aussi indispensable que l’eau et l’électricité ». Et voilà qu’on va couper l’eau peut-être parce qu’un voisin en a bu quelques verres… De bons esprits, comme Alain Juppé ou Claude Goasguen, ont marqué leur réserve à ce sujet.
Il y a en revanche entre DADVSI et HADOPI de vraies différences.
- En premier lieu, l’urgence. DADVSI était la transposition d’une directive européenne de 2001 et la France risquait d’être pénalisée pour son retard. Ce n’est plus le cas d’HADOPI et il faut se féliciter d’une seconde lecture qui devrait permettre au moins d’adoucir le texte.
- En second lieu, la contrainte. DADVSI était centrée sur la protection juridique des protections techniques. HADOPI est libérée de cette contrainte.
- En troisième lieu, l’ouverture. Durant sa longue et difficile gestation, DADVSI n’avait cessé de s’ouvrir à des propositions. Exception en faveur des handicapés, de l’éducation. Reconnaissance du droit à la copie privée, exigence de l’interopérabilité, HADOPI est marquée par la fermeture d’esprit. Le retour de la commission des lois au texte de la commission mixte paritaire est une provocation qui en plus porte atteinte à ce qu’une majorité de députés avait voté.
Elle a notamment supprimé l’amnistie, amendement de notre collègue Suguenot. Cet amendement ne concernait que les simples téléchargements et non les pirates professionnels qui continuent à être poursuivis au nom de la loi DADVSI.
Elle a également rétabli la double peine de la suspension de l’abonnement tandis que son paiement est maintenu.
Enfin, le vrai point commun entre DADVSI et HADOPI réside dans la difficulté de faire une loi qui doit fixer une règle dans le marbre alors que son domaine d’application est caractérisé par la fluidité, la mobilité et l’innovation.
J’ai été rapporteur assez longtemps de la loi DADVSI pour prendre conscience de cette contradiction, et je demeure perplexe sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à ne pas faire suite à ma demande de voir établi un bilan de la loi 18 mois après son vote, alors que la loi l’imposait.
Le parlement, l’Assemblée nationale en particulier, ont été dépossédés d’une réflexion qui aurait pu être une véritable coproduction, si cette idée avait la moindre réalité.
De nouvelles techniques, de nouvelles pratiques, de nouveaux sites apparaissent sans cesse. Le streaming ou le podcast contournent le téléchargement, le peer to peer de BitTorrent disperse les sources, le piratage d’un wifi, l’existence d’un réseau local ou le masque d’un réseau privé virtuel brouillent la recherche de l’adresse IP. Des sites chaque jour proposent de nouvelles alternatives.
Au-delà de ces questions techniques, il faut percevoir toutes les conséquences de la révolution numérique. Comme le disait Mac Luhan, le Média c’est le contenu, et le vecteur de la culture a évidemment des conséquences sur celle-ci. C’est cette dimension qui manque terriblement à ce texte, Madame le Ministre.
42 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON