Aux blogs, citoyens !
Dorénavant, nous autres, citoyens actifs et réveillés, faisons savoir urbi et orbi ce que nous pensons, quelles sont nos propositions et contre-propositions, via des canaux qui échappent aux réseaux habituels.
Nous sommes dans une période où, dit-on, nous avons perdu toute énergie créatrice. Où nous nous installons dans une plate et banale morosité. Où nous sommes si soucieux de l’avenir et du passé que nous ne savons plus devenir ! À lire nos quotidiens, à entendre nos maîtres à penser, une espèce de lassitude morale s’est installée. On nous dit aussi, sans craindre la contradiction, que de nouveau leaders se dressent et font lever les foules : c’est le volontarisme dans un camp ("Vivement la rupture !") qui répond à la désolation persistante dans l’autre ("Que sont nos idéaux devenus ?" - "Recherche leader désespérément"...).
Volontarisme trépignant et apitoiement sont pourtant aussi stériles l’un que l’autre, mais à les en croire, l’alternance ne serait possible qu’entre ces deux univers qui se croient tellement opposés mais qui reflètent pourtant la même approche, binaire, "vieillie, usée et fatiguée" de notre société. Comment ne pas voir qu’elle est en pleine mutation ! Serait-ce leur propre morosité qu’ils projettent sur nous ? Et si les citoyens allaient bien mieux que leurs représentants ?
Dans chaque recoin de cette maison des Atrides, on semble s’être convaincu que le peuple se ralliera finalement, au moment du vote, à l’un ou l’autre navire en perdition. Mais lever les foules dans son village est une chose : enflammer tout un pays en est une autre ! De même, appeler des nostalgiques rabougris à la contrition est une chose, mais penser pouvoir mener derrière soi un peuple qui serait tout entier noyé de remords est illusoire. Sont-ils vraiment si nombreux, ceux qui pensent que, par la seule volonté de leur impatient leader, tout sera transformé et nos problèmes - économiques, sociétaux, etc. - magiquement résolus, sitôt leur champion arrivé au pouvoir ? Et quel remords peut bien avoir toute cette génération montante, férue de culture Internet et bloguesque, de flash mob ludique, plus mobile et mieux informée que jamais, qui n’avait pas encore l’âge de voter en 2002 ?
On nous affirme donc que le navire sombre lentement dans une mer immobile. Mais que dire, alors, de la marée profonde qui secoue chaque jour un peu plus le monde virtuel, de la lame de fond insaisissable qui gonfle partout, de la blogosphère aux réseaux sociaux, faisant les usages les plus divers et les plus inventifs de la mobilité, des messageries instantanées, du partage de documents au sein de communautés virtuelles, et j’en passe...
Dépressifs, disiez-vous ? Morfondus de lassitude, vraiment ? Au bord de la rupture ? Tiens donc ?
S’il s’agit là d’un état des lieux du monde des éléphants politiques ou des patrons de presse historiques, qui décidaient jusqu’à présent ce que nous devions penser ou faire, alors c’est bien possible ! (Cf. le fameux édito de Serge July après la victoire du "non"...). Mais pour le reste, certainement pas ! Il n’est que de considérer cette société civile des internautes actifs, évoquée plus haut, témoignant sans relâche de ce que le monde a bel et bien changé, et qu’il ne suffit plus d’utiliser quelques vieux trucs de communication grotesque pour s’attirer les faveurs d’un public endormi. Un bel exemple en est le "bide" retentissant du spam politique de Sarkozy, qui, faisant fi de la néthiquette, a tout simplement négligé l’intelligence citoyenne de ses destinataires. Sans parler de l’achat d’"ad-words" : savez-vous par exemple que, chaque fois qu’un internaute tape le mot "AgoraVox" dans Google, il lui est proposé de venir débattre avec M. Sarkozy de son projet pour la France en 2007 ?
Si l’ancien monde se porte mal, en effet, on ne peut ignorer qu’entre-temps, pour le meilleur et aussi pour le pire (ne le cachons pas !), le monde virtuel est arrivé...
En son sein, les citoyens du monde associatif, les acteurs de terrain et tous les pourvoyeurs d’idées anonymes qui, naguère, alimentaient journaux et partis politiques de leur force vive et gratuite, ont fini par se regrouper en réseaux fluides et incontrôlables. Ces spins docteurs qui s’ignoraient en ont assez de soutenir dans l’ombre l’ascension de ces quelques hommes et femmes qui, une fois arrivés au pouvoir, se trouvent comme par enchantement atteints d’une amnésie globale ou sélective (rappelons-nous M. Jospin, et son sempiternel "moi-je"...).
Dorénavant, nous autres, citoyens actifs et réveillés, faisons savoir urbi et orbi ce que nous pensons, quelles sont nos propositions et contre-propositions, via des canaux qui échappent aux réseaux habituels. C’est sans doute la raison pour laquelle ils ignorent apparemment encore à quel point nous débordons d’idées, de créativité et d’énergie. Nous savons et nous faisons savoir ce que nous voulons, et surtout ce que nous ne voulons plus.
Voilà pourquoi les discours démagogiques et creux, les promesses de châteaux en Espagne, les campagnes électorales sans projet ne fonctionnent plus !
Alors, oui, c’est vrai, cet idéal qui se met en place est encore hésitant, mais il est vaste et puissant. Il ne fera que s’amplifier !
Et si l’ancien schéma mental encore en vigueur s’enlise dans des références au passé, au nom d’un avenir incertain, nous savons, nous, que c’est dans le présent que réside la créativité.
Humainement,
tatiana f.
PS : De grâce, ne prenez pas ceci pour la réflexion d’une citoyenne exaltée, séduite par quelque nihilisme politique ou par un utopiste ras-le-bol de gauche façon "viva Chavez !". Toute ressemblance ne serait que pure coïncidence. Il y a fort longtemps, j’étais atteinte de cette vision binaire parvenant toujours à opposer des bons et des méchants (les bons étaient bien sûr toujours de mon côté, et par définition de gauche). Mais ça se guérit !
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