• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Dénigrement

Peindre en noir

Il se trouve parfois qu'un quidam d'importance en vienne à déplorer quelques propos acerbes jetés à son encontre et se sente alors honteusement dénigré ! La réaction est légitime même si elle se fonde sur une relative méconnaissance de ce verbe péjoratif. Dénigrer puise son origine étymologique dans la racine latine « niger »- adjectif qui signifie noir, au sens neutre du terme sans connotation péjorative au départ- et impliquerait le fait de peindre en noir la réputation de quelqu'un qui serait ainsi entachée de quelques déplaisantes scories. Il faut admettre qu'aucun personnage public n'est tout blanc ; le terme serait alors comparable à la médisance : il apporterait une coloration usurpée à une carte de visite vierge jusqu'alors, de toute tache.

Souvent, ne se sent dénigré que celui qui a quelques parties obscures à se reprocher en dépit d'une vitrine blanche incontestable. Le dénigrement ne serait alors, paradoxalement, qu'une mise en lumière de la part d'ombre, une sorte de clair-obscur, un éclairage pas toujours favorable, certes, mais nécessaire à l'expression d'un petit complément à la vérité. Combien de gens profitent-ils de réputation usurpée sous le seul prétexte d'avoir position sociale et reconnaissance ?

Ledit prétendu dénigreur se meut alors en lanceur d'alerte ou bien en aiguillon nécessaire. Il fait tomber le masque, dévoile ce qu'il convient de taire pour que cesse de se poursuivre l'illusion si commode. Il n'ajoute pas du noir : il se contente de le mettre en évidence ou d'y braquer un projecteur. S'il inventait, nous entrerions alors dans la diffamation, ce qui, avouons-le, est d'une tout autre nature.

Nul n'est à l'abri de ce risque ; chacun a dans son parcours des zones troubles, des passages incertains, des fautes qu'il vaut mieux ne pas étaler en place publique. Le dénigreur ne doit pas entrer dans le registre personnel, intime, secret. Il se doit de pointer du doigt ce qui relève de la dimension officielle : il vient abattre la statue du commandeur, briser l'image factice quand tant d'autres sont aveuglés par les grimaces et les simagrées.

Bien sûr, il lui en coûte tout autant qu'à sa cible. Celui qui dit la vérité risque d'être exécuté bien avant de connaître l'éventuelle déchéance de son opposant. C'est le risque à assumer quand la réputation illusoire d'un notable mérite d'être déchirée pour enfin laisser apparaître un portrait plus juste, plus réaliste et sans paillettes. Auparavant, le porteur de vérité aura été celui qui remue la fange, qui ose dire ce qu'une communauté aime à cacher.

Sous prétexte que le linge sale ne se lave qu'en famille, il n'est pas simple de blanchir les bas-fonds de la petite bourgeoisie. On s'y serre les coudes, on se défend, on y dispose de moyens puissants pour repousser le malotru, pour le mettre au ban de la coterie. Il est certain que, repoussée à la marge, sa voix est souvent étouffée, son combat devient dérisoire et souvent inaudible.

Cependant, petit à petit, les mots finissent par faire leur chemin et le méchant finit par perdre un peu de son crédit. Il a été discrédité, déprécié, dépeint selon ses véritables mérites et ses incontournables limites. La teinture en noir du dénigrement a fait son œuvre : elle a imprégné les fibres profondes, celles qui, justement, avaient du noir à l'âme.

La critique est nécessaire, elle est souvent féconde quand elle permet de remettre les points sur les i, de cesser de croire à l'infaillibilité ou en l'image préfabriquée d'un individu. Personne ne doit échapper au regard critique, au nécessaire droit d'inventaire. Ce n'est pas parce qu'il est devenu icône en silicone, qu'il doit échapper à la remise en cause de sa légende.

Même s'il ne faut pas voir tout en noir, il ne faut pas non plus se bercer d'illusions et accréditer des fictions savamment orchestrées par des médias serviles et obséquieux. Il y a toujours lieu de s'interroger quand tout concourt à faire d'un individu une idole, un modèle absolu. Plus il y a tapage autour de celui-ci, plus il devient utile de remettre en cause l'unanimité apparente, la ronde des flatteurs.

Ce que l'on prétend être dénigrement, mais qui n'est qu'ajout d'une teinte essentielle, d'un contraste nécessaire est un éclairage qui apporte une nuance au mythe. Il n'a de sens que mis en confrontation avec les louanges habituelles, le récit embelli de la saga du héros local. Il corrige en quelque sorte la photo surexposée où l'on ne distingue pas suffisamment les détails . C'est ainsi que chacun, peut en conscience, se faire une opinion plus juste. Récuser le rôle de celui qui jette un voile sur la mythologie du grand homme est le propre de ceux qui veulent fermer les yeux par opportunisme, intérêt ou bien convenance personnelle.

Quant au dénigreur et à son modèle, il est évident que leurs rapports sont placés sous le sceau du conflit et de l'exécration. C'est sans doute le fruit de quelques trahisons, de déceptions immenses et d'une prise de conscience douloureuse. L'un étant sans doute plus victime que coupable d'une réaction qui est totalement viscérale.

Dénigrement mien.

482265_555500174483161_1400253760_n.jpg

 


Moyenne des avis sur cet article :  4/5   (4 votes)




Réagissez à l'article

24 réactions à cet article    


  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 14 avril 2016 11:10

    « S’il inventait, nous entrerions alors dans la diffamation, ce qui, avouons-le, est d’une tout autre nature. »
    Non ! Le dénigrement peut légalement être considéré comme de la diffamation, car diffamer c’est vouloir porter atteinte à l’honneur et à la réputation de quelqu’un même s’il repose sur des faits réels. En cas de mensonge ou d’invention, il s’agit de calomnie... Je crois qu’il vaut mieux encore insulter que diffamer, l’insulte étant considérée comme légitime dans certains cas !

    "Bien que le simple fait de la part d’un journaliste d’avoir écrit une contrevérité ait été retenu comme diffamatoire, la loi de 1881 ne retient aucun critère à cet égard8. Il n’est pas nécessaire que le propos soit calomnieux (donc faux) pour tomber sous le coup de la loi mais il faut que le reproche ait été exprimé sciemment.« (Wikipedia)

     »Ainsi, l’injure publique est un délit passible d’une peine de 12 000 euros d’amende (article 33 alinéa 2 de la loi sur la presse). L’auteur d’une diffamation publique encourt quant à lui une peine d’emprisonnement d’un an et/ou 45 000 euros d’amende.Dans le cadre du dénigrement, la victime pourra réclamer des dommages et intérêts." (Avocats Picovschi)


    • j.michel j.michel 14 avril 2016 18:08

      @Jean J. MOUROT
      La vérité des faits diffamatoires peut être prouvée (exception de vérité)
      Quant à l’insulte, voir l’affaire Bedos contre Nadine


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:51

      @Jean J. MOUROT

      La vérité sera diffamatoire ?

      Cela explique beaucoup de chose


    • juluch juluch 14 avril 2016 12:20

      Certains passages me rappelle Guy Beart.....  smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:52

        @juluch

        Voilà une drôle de comparaison


      • juluch juluch 15 avril 2016 13:15

        @C’est Nabum

        « Celui qui dit la vérité risque d’être exécuté »


      • Loatse Loatse 14 avril 2016 13:29

        Bonjour c’est nabum


        Dénigrer (ci cela est étayé par des faits) et que la chose est d’utilité - mettre l’indélicat devant le fait accompli que cela soit un particulier ou une institution - n’est pas répréhensible en soi..

        Maintenant se dégage plusieurs phénomènes, l’acharnement et la surexposition médiatique...(en ce moment les projecteurs sont mis sur l’omerta de l’église avec émissions, films, débats à foison... certes utiles puisque la parole se libère mais aussi suspect à mes yeux.. mettrait t’on sous les projecteurs telle autre institution/milieu pratiquant également une certaine omerta ? (religieuse, politique...)

        L’effet domino est aux abonnés absents et pourtant c’est ce que devrait provoquer ce genre d’affaires..

        Après, on donne en pature au public telle personne en révélant des faits qui relèvent de la vie privée (tant qu’il n’y a pas d’infraction caractérisée), comme par exemple dernièrement que tel ministre faché avec la paperasse, doit des arriérés de cantine alors que si ca se trouve l’homme excelle à son poste..

        (il a semblé d’un coup que nous vivons dans un monde ou l’on avait toujours payé toutes ses factures en temps et en heure, jamais procrastiné... sauf ce pauvre gars sur lequel on s’est acharné..lui prêtant d’office des intentions malhonnêtes et faisant fi de ses explications.)

        La concubine d’un président, lave l’humiliation de sa répudiation en dénigrant dans un livre, non seulement l’homme privé mais aussi l’homme public...et dans une forme de voyeurisme collectif associé il faut le reconnaitre d’un certain masochisme tout le monde ou presque en demande... Qui me dis je écrira un livre sur la donzelle ?

        Au train ou ca va, je me demande si demain il ne nous faudra pas choisir nos candidats parmi les nouveaux nés d’une pouponnière... (sans retards de facture, sans paroles indélicates ni foirage sentimental)



        • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:53

          @Loatse

          Voilà une analyse très poussée qui donne à réfléchir

          Merci


        • j.michel j.michel 14 avril 2016 18:20

          Amicalement vôtre, sans dénigrement. C’est tellement bon que je vais en faire la promo smiley
          .
          N.B. : ce commentaire a été censuré sur les blogs du Nouvel Obs dont la modération a une formation juridique bien faible sur ce qu’est une insulte ou une diffamation. (quand je dis bien faible, je suis très très très gentil avec eux, c’est nabum doit bien le savoir)


          • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:54

            @j.michel

            La censure est parfois curieuse

            Le moteur qui gère ce travail est incapable de compréhension


          • j.michel j.michel 14 avril 2016 18:26

            Quelqu’un avait trouvé une formule que j’apprécie beaucoup :
            Pour un auteur [de faits qu’il voudrait ne pas être rendus public], la persévérance d’une victime pour connaître la vérité est toujours considérée comme de l’acharnement voire du harcèlement.


            • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:54

              @j.michel

              C’est tout à fait ça !


            • Jean Keim Jean Keim 15 avril 2016 08:00

              Tout cela est le jeu de la pensée.

              Si je ne connais pas un fait je ne peux rien en dire.
              Si je connais un fait il peut néanmoins m’être indifférent.
              Si je réagis à un fait, la réaction est fonction de ce que me dicte mon savoir.
              En fait tout est là.
              Sommes-nous autre chose que des souvenirs ?
              Que peut-il y avoir au delà de la pensée, dans ce silence particulier qui n’est pas l’absence de bruit ?

              • Jean Keim Jean Keim 15 avril 2016 08:01

                Répondre à la dernière question sera toujours inapproprié.


              • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 08:55

                @Jean Keim

                Je préfère me taire en faisant grand bruit


              • j.michel j.michel 15 avril 2016 10:44

                @Jean Keim
                se taire en faisant grand bruit, c’est sans doute aussi idiot comme de penser à l’au-delà, mais moi, allez savoir pourquoi, ça me fait penser à un 1er mai, le 1er mai 1993, au bord d’une rivière qui n’était pas la Loire, mais pas loin.
                Ce n’est pas le sujet me direz-vous ? Oui mais, grand bruit quand même.


              • Jean Keim Jean Keim 15 avril 2016 11:38

                @j.michel et Nabum
                Nous sommes plein de bruits, ce n’est pas forcément un problème, cela dépend de ce que nous en pensons.


              • j.michel j.michel 15 avril 2016 11:55

                @Jean Keim
                M’enfin ! niveau atomique, nous sommes surtout plein de vide.


              • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 2016 12:36

                @Jean Keim

                Comment penser dans le brouhaha ?


              • Jean Keim Jean Keim 16 avril 2016 08:53

                @C’est Nabum
                Si j’en crois mon dictionnaire, brouhaha : mot (à consonance joyeuse) d’origine hébraïque signifiant ’béni soit celui qui vient’.


              • C'est Nabum C’est Nabum 16 avril 2016 09:17

                @Jean Keim

                C’est là le hic !


              • zygzornifle zygzornifle 16 avril 2016 14:31

                le sans dent illettré de la France du bas ne se sent pas dénigré par le vilain mécréant gonflé au caviar et aux bulles de Champagne ....notre bienfaiteur a tous le président Hollande qui nous compisse et conchie royalement en pleine face a chaque mâtin quand décolle son auguste cul de son lit aux draps de soie pour une nouvelle journée de gros parasite bien bouffi a la tête du pays ...

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité