Kadhafi, le retour !
Dans sa lettre ouverte aux français écrite en 2007, Sarközy avait promis, « je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai, pas, je ne vous décevrai pas », mais à quelques jours du scrutin final, on découvre de possibles dissimulations avec la publication dans « Médiapart » d’un document officiel Libyen prouvant l’existence de 50 millions d’euros destinés à financer la candidature 2007 du président sortant.
C’est une véritable bombe qui vient d’exploser en pleine campagne présidentielle française, puisque Médiapart vient de publier un document officiel émanant des services de la sécurité extérieure libyens, confirmant les doutes persistants évoqués dans le passé par le dictateur libyen disparu, au sujet du financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarközy.
On se souvient que peu de temps avant le début de la guerre que mena la France aux cotés de l’OTAN en Libye, Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam son fils, et Abdallah al Senoussi, chef des services secrets libyens et gendre du dictateur Libyen, avaient affirmé publiquement détenir des preuves d’un financement occulte du président français, Kadhafi menaçant de révéler un « grave secret ».
L’info avait été relayée par l’agence officielle libyenne Jana annonçant avoir « appris qu’un grave secret va entrainer la chute de Sarközy, voire son jugement, en lien avec le financement de sa campagne électorale ». lien
Quelques semaines après, sous l’impulsion de la France, l’OTAN signait la mort du dictateur, grâce à une attaque par hélicoptères. lien
Depuis, on était sans nouvelle de ce « grave secret » jusqu’au 16 mars dernier, lorsque Abdallah al Senoussi, venant de Casablanca soit arrêté en Mauritanie, a l’aéroport de Nouakchott. lien
Il est détenu au quartier général des services de sécurité à Nouakchott, afin de rendre des comptes sur la répression sanglante menée contre les révoltés libyens en 2011.
Surnommé « la boite noire de Kadhafi », dans les milieux bien informés, il était en possession d’informations portant sur le financement de la campagne présidentielle 2007 du candidat sortant.
Au delà de ces révélations, Al Senoussi a aussi des informations sur l’attentat de Lockerbie, lors du vol Brazzaville-Paris, attribué à Abdelbaset al-Megrahi, condamné à la prison à perpétuité par un tribunal spécial écossais en 2001, puis libéré pour des « raisons de santé », (lien) attentat qui avait couté la vie à 170 personnes, Al Megrahi étant au centre de la corruption financière perdurant pendant 40 ans sous le règne de Kadhafi.
Sarközy, connaissant l’arrestation d’Al Senoussi, sur lequel la CPI (cour pénale internationale) avait lancé un mandat d’arrêt, a tenté, tout comme Tripoli, d’obtenir son extradition. lien
On comprend mieux maintenant pourquoi les forces de l’OTAN avaient bombardé, le 19 aout 2011, à 5h du matin, la maison d’Abdallah Senoussi, provocant la mort d’un cuisinier indien, la destruction d’une école et l’indignation d’un voisin qui avait déclaré : « c’est un quartier résidentiel. Pourquoi l’OTAN bombarde ce site ? Il n’y a pas de militaires ici » et personne n’a oublié la proposition française faite à l’OTAN consistant en des « frappes aériennes ciblées ». vidéo
Revenons à la demande d’extradition de Senoussi portée entre autres par la France.
« Sarközy ne pourra pas dormir tranquille tant que Senoussi ne sera pas en France » avait jugé une source au sein des services de renseignement arabes.
« Totalement faux », avait-on répondu dans le camp gouvernemental français, « à partir du moment où il sera traduit en justice (en France) il pourra parler. Ces insinuations ne sont rien d’autre que des ragots, des absurdités. Nous sommes dans le règne de la théorie du complot ». lien
Mais aujourd’hui, la donne est différente, avec la publication de ce document par « Médiapart ».
Sous le numéro 191768P, il évoque « l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, Monsieur Nicolas Sarkozy pour un montant d’une valeur de 50 millions d’euros ».
Interrogé sur ce financement, l’autocrate président avait qualifié cette accusation de « grotesque », mais Ziad Takieddine, interrogé par « Médiapart » à estimé que ce document, daté du 10 décembre 2006, signé par Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, était bien une pièce officielle produite par le régime libyen.
On peut noter aussi que dans ce document la deuxième date qui y figure n’est pas la date du calendrier musulman habituel, mais celui qu’avait imposé le dictateur libyen, et qui part de l’année du décès du prophète, en 632, preuve supplémentaire de son authenticité.
Moussa Koussa, exfiltré 4 mois avant la chute de Tripoli, coule aujourd’hui des jours tranquilles au Qatar (lien) et interrogé sur cette affaire, ajoute que l’accord conclu fait suite au procès verbal d’une réunion qui se serait tenue le 6 décembre 2006, dont les participants avaient pour nom : Abdallah Senoussi, Bachir Saleh (président du fond libyen des investissements africains) Brice Hortefeux et Ziad Takieddine, même si Hortefeux nie avoir rencontré ces deux responsables libyens,et que Koussa revient sur sa déclaration. lien
Aujourd’hui Bachir Saleh, qui se trouve sous protection française, a démenti cette réunion (lien) mais quelle caution peut-on donner à un homme sous influence ? lien
Brice Hortefeux se retrouve donc aux premières loges, malgré ses dénégations.
Sarközy, malgré les preuves accumulées, dément aussi, affirmant qu’il n’a jamais été destinataire d’un tel document, avalisant l’existence de celui-ci, et qualifiant l’article de « Médiapart » « d’infamie » (lien) alors que François Fillon aux abois, affirme que cette révélation n’est que le fait de riches amis du candidat Hollande, accusant « Médiapart » d’être « une officine », supposant donc qu’il y a un commanditaire, que l’on devine facilement. lien
Il y a peu, il prétendait encore qu’il s’agissait d’un faux, accusant Médiapart d’avoir fait un montage (lien) mais si la justice répond à la demande du parti socialiste, alors qu’une instruction judiciaire est en cours, il ne devrait pas être difficile de prouver l’authenticité (ou non) du document. lien
Il est signé, porte le sceau libyen, et les enquêteurs ne devraient pas avoir de difficultés à l’authentifier.
Sur ce lien, une photo du document.
La panique semble donc gagner le camp de l’autocrate président, et il faut reconnaitre qu’à quelques jours du 2ème tour, l’affaire tombe plutôt mal.
En effet, il faut ajouter, pour la bonne bouche, les confessions de l’ancien médecin de Mr Takieddine, rédigées le 20 décembre 2006 par Charles Brisard, le directeur d’une société de renseignements privés suisse, et qui évoquaient déjà le nom de Brice Hortefeux dans un schéma de financement de la campagne de Nicolas Sarközy par la Libye en 2007.
En voici la retranscription :
Mémo DG
Suisse
20.12.2006
CAMP07
MODALITES FIN CAMPAGNE NS REGLEES LORS DE LA VISITE LIBYE NS+BH 06.10.2005 ;
PLUSIEURS ENTRETIENS PREALABLES ENTRE ZT ET SAIF AL ISLAM
ZT CHARGE DU MONTAGE
ZT INTERV CONTRATS COMM SEC ARMEES ET CARTES ID A PUCES
FIN LIB 50 ME
MONTAGE INCLUT SOC BH PAN+BANQUE SUISSE(ND)
FIN CAMPAGNE TOTALEMENT REGLE (lien)
Il n’est pas difficile de mettre des noms sur les initiales « NS » et autres « BH » d’autant qu’on se souvient qu’Henri Guaino reconnait avoir passé 4 jours et 4 nuits fin décembre 2010 chez l’ambassadeur de France à Tripoli à titre « privé ». lien
Ajoutons la visite de Christian Estrosi, le 21 octobre 2010 en Libye, afin de conduire une « coopération stratégique dans les domaines (…) de l’énergie nucléaire civile », alors que l’autocrate président défend mordicus « qu’il n’a jamais été question de vendre une centrale nucléaire à Monsieur Kadhafi ». lien
Mais revenons à nos 50 millions.
Dans le camp présidentiel Nathalie Kosciusko-Morizet évoque « une diversion grossière » qu’elle impute à « l’équipe de François Hollande », ajoutant « cette hypothèse est ridicule » rappelant que « les comptes de campagne de l’élu de 2007 avaient été validés par le conseil constitutionnels, et n’ont donné lieu à aucune contestation ». lien
Dans le camp socialiste, par la voix de Bernard Cazeneuve, on réclame des explications, (lien) ce qui, pour l’instant, n’a pas l’air de troubler le candidat président, mais comme dit mon vieil ami africain : « Il faut accepter les coups de pieds de la vache comme on accepte son lait et son beurre ».
L’image illustrant l’article provient de « cguittard.com »
Merci à SergeL et à d’autres internautes pour leur aide efficace,
Olivier Cabanel
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