L’esprit civique fait sa rentrée
Dans le droit fil de l’Esprit des lois évoqué dans mon article précédent, voici l’esprit civique ! On en a beaucoup parlé dans les médias à la suite des déclarations fracassantes des deux candidats le plus en vue pour les présidentielles. L’esprit civique a le vent en poupe ! Il se décline à toutes les sauces : responsabilité parentale, mise sous tutelle des « alloc’ », encadrement militaire des délinquants, et, pour finir service civique obligatoire.
L’esprit civique va occuper la campagne électorale, mais des textes ont d’ores et déjà été votés en son nom, et d’autres vont l’être prochainement.
1 - « Service civil volontaire » et « service civique obligatoire » : ne pas confondre !
- Le « service civil volontaire », comme son nom l’indique, n’est pas militaire et il repose sur le volontariat.
Sa création avait été annoncée le 14 novembre 2005 (juste après le 11 novembre : tout un symbole !) par le président de la République en réaction aux émeutes de banlieues. (Mais il existait déjà des dispositifs similaires créés à l’occasion de la suspension - et non pas « suppression »- du service militaire)
Il commence à se mettre en place. Il a été créé par la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006. Le décret paru le 12 juillet 2006 (deux jours avant la Fête nationale, encore un symbole fort !) se contente pour le moment de préciser les conditions d’obtention de l’agrément des personnes morales de droit public ou privé ayant une mission d’intérêt général ou d’insertion professionnelle, ainsi que les conditions d’exercice et de financement du service.
Le service civil volontaire ne se limite pas à une mission d’intérêt général : il doit permettre aux jeunes de développer leur sens civique et de renforcer leur insertion professionnelle. C’est ici qu’intervient une subtilité sémantique qui opère une distinction entre « civil » et « civique ». Quelle transition facile pour vous présenter le service civique obligatoire !
(Pour en savoir plus sur le service civil volontaire : Voir service-public.fr : http://www.service-public.fr/actualites/00244.html )
- Le « service civique obligatoire » n’existe encore qu’à l’état de proposition des candidats et des partis politiques. Mais il y a unanimité chez nos politiciens : L’UMP, le PS et l’UDF en font leur cheval de bataille. Le plus audacieux est comme toujours Nicolas Sarkozy qui fait du civisme le « fondement d’une morale partagée et du lien social ».
L’idée inquiète forcément les organisations lycéennes et étudiantes : ainsi Bruno Julliard, président de l’UNEF : « Un service civique obligatoire de six mois en continu à la fin des études serait une opération-suicide, car il serait perçu comme un frein à l’insertion professionnelle". D’autres voudraient que l’on s’en tienne au volontariat. La question n’est donc pas tranchée, à preuve cette étude d’Alain Béreau parue à la Documentation française : « Faut-il instituer un service civil obligatoire ? »
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110062376/index.shtml
Après la crise du CPE, la question de l’acceptation par la jeunesse de ce dispositif se pose en préalable mais aussi celle du coût (élevé).
2 - Le contrat de responsabilité parentale, prévu lui aussi par la loi sur l’égalité des chances, vient de faire l’objet d’un décret d’application (1er septembre 2006).
Ce dispositif s’applique en cas de troubles portés au fonctionnement de l’établissement scolaire ou d’absentéisme scolaire grave. Il oblige les parents à s’engager concernant le comportement de leur enfant. D’une durée initiale maximale de 6 mois, le contrat rappelle aux parents leurs devoirs et propose des mesures d’aide et d’action sociales. Si les parents refusent de signer le contrat ou s’ils ne respectent pas les obligations du contrat, le président du conseil général peut demander, sous certaines conditions, la suspension de tout ou partie (mais pas la suppression) du versement des prestations familiales.
Considérations finales sur l’esprit civique, en cette rentrée 2006 :
Jean-Claude Guillebaud, auteur de La refondation du monde (éditions du Seuil), parle d’un vide éthique et civique qui serait tel que l’Etat laïque apparaît comme demandeur de sens. Voir extraits ici : http://ultraliberalisme.online.fr/Refondation.htm)
Les incantations parfois hystériques de certains leaders politiques ont lieu de nous inquiéter. Il est vrai que pour les élus, la République a une valeur supérieure à celle de démocratie. La première permet d’assurer leur réélection. Ils tiennent donc à la renforcer en appelant à voter plus (pas « mieux » : plus !). Certains iraient jusqu’à imposer le vote obligatoire alors même que la véritable démocratie (celle qui est constituée de citoyens à part entière et actifs, pas seulement de votants et de sondés) n’est pas installée.
Quand l’esprit civique rejoint la laïcité, cela prend parfois des directions dangereuses. Certaines tirades autour de la notion de laïcité me font penser qu’il existerait peut-être une sorte de religion de la laïcité. Dérive inquiétante !
Et je n’évoquerai pas les leçons de vertu à mettre en comparaison avec les mauvais exemples donnés par les élus en matière de respect de la légalité.
Donc, que l’on nous parle de civisme d’accord, mais que l’on nous parle aussi et avant tout de renforcer la démocratie.
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