La laïcité confortée
Réflexions sur un sondage CSA-Le Monde des religions.
Il faut tordre le cou - et vigoureusement - aux lieux communs de la "bien-pensance intellectuellocrate" et médiatique qui impose ses certitudes inconsistantes comme autant d’idées originales qu’il faudrait accepter sans le moindre examen, au risque de passer pour ringard, pire, réactionnaire...
Et le sondage CSA-Le Monde des Religions (publié dans le numéro de janvier de la revue) permet de balayer de la plus belle des manières cette idée reçue qui encombre les discussions des salons télévisuels : on assisterait au retour des religions ( variante : du religieux).
En effet, sans perdre de vue tout ce qu’un sondage - même bien fait et sérieux - peut avoir d’aléatoire, il convient d’ examiner les résultats de celui-ci, encore plus intéressants si on les compare aux résultats d’un sondage identique fait en 1994 :
51 % des Français se déclarent, aujourd’hui, « catholiques » (67 % en 1994) - encore faut-il remarquer que seul un de ces catholiques sur deux est tout à fait confiant en l’existence de Dieu - tandis que 31 % (23 % en 1994) se disent « sans religion », 4 % « musulmans », 3 % « protestants », 1 % « juifs ».
Si c’est cela le retour des religions, alors je l’appelle de mes vœux (en début d’année, ça s’impose...). De fait, pour qu’il y ait retour, il aurait fallu un départ : que l’on sache, la France du XVIIIe était marquée par l’omniprésence et l’omnipotence du catholicisme, religion de la monarchie absolue (Un roi, une foi, une loi) et le processus idéologique et historique qui a marqué notre pays depuis est bien celui de la rationalité, de la laïcisation de l’espace public, de la séparation du temporel et du spirituel pour enfermer ce dernier dans la sphère privée de citoyens pensant librement... Aussi faut-il croire que l’antienne serinée à l’envi par les « penseurs patentés des ondes hertziennes » ne faisait que rendre compte des vibrations du « vide cognitif » de leurs cerveaux... ou s’inscrivait parfaitement dans leur stratégie de manipulation de la réalité pour faire passer leur message d’assujettissement à leurs théories intéressées...
Mais - encore une fois - la réalité peut s’imposer et remettre les choses à leur place.
D’abord, elle permet de donner à l’expression maintes fois entendue, l’islam est la deuxième religion de France, ses vrais contours, ceux d’une extrême minorité soumise à cette croyance (et ne la pratiquant pas forcément de manière totale) qui, si elle est passée de 2 % en 1994 à 4 % aujourd’hui, le doit surtout aux effets d’une immigration importante... Il ne faudra jamais perdre de vue cette évidence quand on entendra, ici ou là, demander la construction de lieux multiples de culte (déguisés ou non) par des financements publics ou l’application de principes religieux au détriment des lois générales de la République. Comme il ne faudra jamais oublier que la réalité spirituelle et idéologique de notre espace sociétal est multiforme et que le tiers en est constitué par ceux qui ne se reconnaissent en aucune religion, tiers qui a les mêmes droits que tous les autres et qui doit faire l’objet des mêmes attentions...
C’est d’ailleurs cet aspect multiforme et complexe qui impose, dans l’organisation et le fonctionnement de notre société, le strict respect de la liberté de conscience dont on ne répétera jamais assez qu’elle dépasse la simple liberté de religion (qui n’en est qu’un volet) en garantissant à chacun le droit de croire ou de ne pas croire, de ne plus croire, de changer de croyance aussi, sans qu’aucun individu ni aucune loi particulière ne viennent s’y opposer. Cette liberté de conscience - liberté spirituelle à égalité de droits et de devoirs -, conquête historique de la pensée et de l’action de ceux qui nous ont précédés (aucun vieillard cacochyme, au sommet de quelque montagne de granit rose, ne l’a jamais reçue d’aucun incréé ectoplasmique) a pour corollaire la liberté de penser, de dire, d’analyser, de critiquer, de se moquer... Elle fonde le premier principe de la laïcité qui construit le socle de notre République, laïcité qu’a institutionnalisée la loi de 1905 et qui, aujourd’hui, apparaît comme un enjeu essentiel des futures élections présidentielles et législatives. Tant de multiples ennemis se dressent pour la dénaturer et l’effacer. Multiples et divers : ce sont tous ces politiciens (de droite comme de gauche) qui s’en prennent à la loi de 1905, prétendant la toiletter, la moderniser, voire l’amender... Ce sont tous ces élus locaux et territoriaux qui engagent l’argent public dans la construction de lieux de culte ou dans l’aide à toutes sortes de structures et d’associations confessionnelles ; ce sont tous ceux qui tiennent des discours justifiant les dérives communautaristes quand ils ne les confortent pas en acceptant toutes les formes discriminatoires des lois religieuses et coutumières ; ce sont tous les prosélytes d’un islam politique prétendant imposer sa loi à la loi générale ; ce sont les manœuvres obscures des lobbies religieux qui rêvent de revenir dans l’espace public ; ce sont les humanitaristes gauchisants instrumentalisant les minorités religieuses et immigrées à des fins de maintenance électorale...
1 - « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. »
2 - « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (...) »
Là (dans ces deux principes fondamentaux et dans toutes leurs conséquences) est l’espace irréductible du nouveau combat pour la défense et le renforcement de la laïcité. Là est le champ d’interpellation de tous ceux qui prétendent gouverner ce pays. Là est le lieu de rassemblement de tous ceux qui portent en eux la volonté d’agir, ensemble, pour conserver et consolider le socle laïque de notre République ...
C’est ce combat que mènent depuis quelques mois déjà les laïques en réseau à travers internet, à travers un questionnaire adressé aux candidats à la présidentielle et aux législatives, à travers des rencontres-débats sur le terrain...
C’est pour ce combat que doivent se retrouver, au-delà de leurs divergences, les associations disséminées dans toute la France et qui agissent pour une laïcité pleine et entière...
Car il s’agit de donner la parole à la majorité invisible de tous ceux qui veulent conserver et renforcer le mode d’organisation et de fonctionnement laïque de notre société...
Car il s’agit de tisser un cordon sanitaire laïque autour des futurs élus afin de les empêcher de brader l’un des fondements essentiels de notre République .
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