La liberté est-elle un droit ?
"La liberté est-elle le droit de faire tout ce que les lois permettent et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus la liberté, car les autres auraient tout de même ce pouvoir" - écrivait Montesquieu. Aussi posons-nous cette question : que signifie être libre ?
C’est tout d’abord la liberté de faire. Mais souvenons-nous que la liberté était autrefois un privilège réservé au maître par opposition à l’esclave. Il faudra attendre que le christianisme confirme les affirmations des stoïciens en faisant d’elle un principe spirituel et moral pour réaliser que la dignité de l’homme relevait de sa liberté. En effet, je ne suis libre d’agir que lorsque rien ni personne ne m’en empêche. Cette liberté est appelée la liberté d’action. Elle est la seule dont on ne puisse contester ni la réalité ni le prix, bien qu’elle ne soit en aucune façon absolue. Par ailleurs, est-on libre de vouloir ce que l’on veut ? C’est sans doute le problème le plus épineux, car puis-je n’être que moi ? Et étant moi, puis-je vouloir autrement que moi ? Il ne s’agit plus alors de la seule liberté d’action, mais de la liberté de décision ou de volonté. Volonté au sens où Epicure et Epictète la définissaient, c’est-à-dire liberté qui ne dépend que de moi puisque je suis libre de vouloir ce que je veux. Mais suis-je libre de vouloir autre chose que ce que je veux ? - pourrait ajouter malicieusement Jacques le fataliste de Diderot. Cette liberté de la volonté suppose, en effet, que je puisse vouloir autre chose que ce que je désire, c’est ce que certains nomment la liberté d’indifférence ou le libre-arbitre, liberté envisagée dans ce sens par des philosophes comme Descartes, Kant et Sartre. Elle suppose que ce que je fais n’est pas déterminé par ce que je suis. Selon Sartre, l’existence précède l’essence et, si l’homme est libre, c’est qu’il n’était rien à l’origine et n’est, en définitive, que ce qu’il se fait. Je ne suis libre qu’à la condition, certes paradoxale, de pouvoir n’être pas ce que je suis et être ce que je ne suis pas, mais cela à condition de me choisir absolument moi-même. C’est ce que ce penseur définit comme liberté originelle. Elle précède tous les choix et tous les choix en dépendent. Cette liberté est absolue ou bien n’est pas. Elle est le pouvoir indéterminé de se déterminer soi-même. C’est en quoi elle n’appartient qu’à Dieu, penseront certains.
Enfin, il existe un troisième sens à la liberté, la liberté de pensée ou liberté de raison. C’est la liberté selon Spinoza et Hegel : la liberté comme compréhension ou comme nécessité. Etre libre de n’être soumis qu’à sa propre nécessité. Ces trois libertés, action, décision, raison ont en commun de n’exister que relativement, car on ne naît pas libre, on le devient. Que nous soyons libre ou que nous ne le soyons pas, cela ne peut nous dispenser, selon Nietzsche, de devenir ce que nous sommes. Alors réfléchissons à cela et lisons quelques maximes pour nous mieux éclairer sur le sens profond de la liberté, dont nous ne faisons pas toujours le meilleur usage :
"Mais le tyran enchaînera... quoi ? Ta jambe. Mais il tranchera... quoi ? Ta tête. Qu’est-ce qu’il ne peut ni enchaîner ni retrancher ? Ta volonté", Epictète.
"Et ainsi j’appelle libre un homme dans la mesure où il vit sous la conduite de la raison, parce que, dans cette mesure même, il est déterminé à agir par des causes pouvant être connues adéquatement par sa seule nature, encore que ces causes le déterminent nécessairement à agir. La liberté, en effet, ne supprime pas, mais pose au contraire la nécessité de l’action", Spinoza.
"Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste", Bergson.
"La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même. (...) La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause", Engels.
"Que veut dire ce mot être libre ? Il veut dire pouvoir, ou bien il n’a point de sens (...) Où sera donc la liberté ? Dans la puissance de faire ce qu’on veut ? Je veux sortir de mon cabinet, la porte est ouverte, je suis libre d’en sortir. Mais dites-vous, si la porte est fermée, et que je veuille rester chez moi, j’y demeure librement. La liberté, sur laquelle on a écrit tant de volumes, n’est donc, réduite à ses justes termes, que la puissance d’agir. Dans quel sens faut-il prononcer ces mots : l’homme est libre ? Dans le même sens qu’on prononce les mots de santé, de force, de bonheur. L’homme n’est pas toujours fort, toujours sain, toujours heureux. Une grande passion, un grand obstacle, lui ôtent sa liberté, sa puissance d’agir. Le mot de liberté, de franc arbitre est donc un mot abstrait, un mot général comme beauté, bonté, justice. Ces termes ne disent pas que tous les hommes soient toujours beaux, bons et justes ; aussi ne sont-ils pas toujours libres", Voltaire.
"Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu’ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. Ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c’est qu’ils ne connaissent aucune cause de leur action", Spinoza.
"La vraie liberté, c’est pouvoir toute chose sur soi", Montaigne.
Maintenant, libre à chacun de se faire, sur le sujet, sa propre opinion. C’est notre liberté de raison. Alors bonne raison à tous.
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