Terrasser l’hydre de Lerne et ses neuf têtes de serpents faisait partie des douze travaux d’hercule. L’hydre était redoutable car, à chaque fois qu’on lui coupait une tête, il en repoussait deux.
C’est un peu la même chose avec les projets de dissémination de la radioactivité dans les produits de consommation. Le lobby nucléaire monte un projet, quelques associations représentatives de la société civile se mobilisent pour le faire échouer, nous gagnons et, des années après, le projet ressurgit, sous une autre forme, avec un autre nom, mais il s’agit toujours de faciliter l’élimination à moindre coût de déchets et de matériaux contaminés.
Pour les exploitants d’activités nucléaires, les enjeux sont en effet considérables : le démantèlement de leurs installations va générer des quantités colossales de béton, ferrailles et autres matériaux faiblement radioactifs. Et les dépenses de conditionnement, stockage et surveillance seront à l’avenant. Pour ces producteurs de déchets, l’idéal est d’obtenir l’autorisation de revendre leurs matériaux contaminés (ferrailles, bétons, plastiques….) aux aciéries, cimenteries, susceptibles de les mélanger à des entrants non contaminés. Les objets et équipements ainsi produits seraient certes anormalement radioactives mais à des niveaux considérés comme « acceptables » (en tout cas pour les exploitants). De fait au lieu d’être inscrites dans la colonne « dépenses » de leur budget, ces matières contaminées viendraient grossir celle des « recettes ».
Une solution idéale pour les producteurs de déchets mais certainement pas pour la population… qui n’est d’ailleurs pas consultée sur le niveau de radioactivité, et de risque, qu’elle considère comme « acceptable ». Rappelons qu’en matière d’exposition aux rayonnements ionisants, il n’y a pas de seuil d’innocuité. Toute dose, même très faible est susceptible de provoque des dommages graves, et notamment de participer à l’induction ou au développement d’un cancer. La probabilité de survenue du dommage augmente avec la dose. Inversement, plus la dose diminue, moindre est le risque de développer un cancer ou de transmettre une maladie génétique à ses descendants, mais il n’y a pas de dose sans risque. Et si la dilution des produits radioactifs dans des matériaux non contaminés permet de diminuer les concentrations, elle augmente dans le même temps le nombre de personnes susceptibles d’être exposées.
Etant donné l’importance des enjeux sanitaires, après moult démarches auprès des autorités, les efforts déployés pour contrer les projets de dissémination du lobby nucléaire et obtenir que les objets et matériaux de notre environnement quotidien soient préservés de tout ajout de radioactivité portaient enfin leurs fruits en 2002 : le code de la Santé publique s’enrichissait de deux articles posant clairement comme règle de base l’interdiction de la dissémination de la radioactivité dans les biens de consommation et les produits de construction.
Toutefois rien n’était défini car deux autres articles de ce même code donnaient aux ministres en charge de la santé, de la construction, la possibilité d’établir une procédure qui leur permettrait de délivrer des dérogations à ces interdictions. Plusieurs responsables avaient affirmé qu’il n’en serait rien et, de fait, sept années durant, l’interdiction est restée la règle.
Tout s’est effondré avec la publication de l’arrêté du 5 mai 2009 qui met en place une procédure de dérogation on ne peut plus laxiste. Les ministres concernés n’ont même pas pris la peine de signer le texte. Ce sont les noms de simples chefs de service et de direction qui figurent au bas de l’arrêté. Pour une décision aussi lourde de conséquences pour la contamination de notre environnement et la protection de notre santé, c’est profondément choquant. C’est aussi totalement contraire à la loi qui imposait que la décision soit prise sous la forme d’un décret en conseil d’Etat, une forme qui exclut toute délégation de signature !
Entrevoyaient-ils, là, un moyen de se dérober à leurs responsabilités, le cas échéant, en faignant l’ignorance ? En l’occurrence c’est raté. Maintenant, l’opinion publique sait pertinemment que les ministres d’Etat en charge de mettre en application le présent arrêté du 5 mai 2009 ont bien été alertés par différents canaux de communication.
Ce n’est pas la seule irrégularité détectée dans le texte. Alors que le code de la santé publique dispose que les modalités d’information des consommateurs doivent être définies par les ministres, l’arrêté du 5 mai confie cette responsabilité aux industriels qui commercialiseront les produits radioactifs et qui seront ainsi juges et parties !
Autre disposition choquante : l’absence de critères restrictifs pour l’attribution des dérogations et le fait que les consommateurs sont totalement écartés du processus de décision.
Le peuple français a le pouvoir d’ agir, nous devons agir, ne baissons pas la garde, informons nos élus, écrivons aux ministres impliqués, ils renonceront comme toutes les fois où nous avons su nous mobiliser !