MoDem or not MoDem ?
C’est peu de dire que le démarrage du MoDem souffre de quelques ratés. Pourquoi ? Où sont les problèmes ? Quels sont les risques ? Comment s’y prendre ? Cet article a l’exorbitante prétention de proposer des pistes.
Un fol enthousiasme...
François Bayrou a démontré, son score aux élections présidentielles en témoigne, sa capacité à mobiliser sur les points clés de son projet présidentiel, et plus particulièrement ceux ayant trait à la citoyenneté : respect de la pluralité des opinions, nécessité de leur représentation, Etat impartial, restauration de la République, lien social retissé.
C’est à cette occasion qu’il a annoncé la création d’un nouveau parti, le Mouvement démocrate (MoDem), dont la mise sur orbite effective est envisagée fin 2007.
... bientôt enfoui sous les sables des Landes ?
Pour autant, et alors que plus de 50 000 personnes ont adhéré à ce futur MoDem en quelques semaines, les perspectives concernant la création de ce mouvement apparaissent incertaines : communication approximative ; forte sensation de flottement exprimée par nombre de militants et sympathisants MoDem ; appels à l’aide réitérés, presque désespérés, de François Bayrou (voir notamment à ce propos http://avenirenvo.free.fr/cmsms/index.php?page=appel-a-competences) ; militants qui, à l’inverse, se désespèrent de ne pas avoir de réponses lorsqu’ils proposent leurs services ; tenue d’un "Forum des Démocrates" du 13 au 16 septembre 2007 (Seignosse - Landes), pour lequel aucune infrastructure sérieuse de collecte préalable de contributions n’a été mise en place...
Bref, le sentiment général est que la pose des fondations du MoDem est pour le moins désordonnée. Pour ne pas dire qu’elle relève de l’amateurisme.
Un subtil chaud et froid
Il faut ajouter à ce
panorama les prises de position ostensibles de certains proches de François
Bayrou, tels Didier Bariani ou Thierry Benoît, qui s’interrogent tout haut sur
l’intérêt et même la nécessité, arguments juridiques à l’appui, de faire
disparaître l’UDF au profit du MoDem.
L’UDF doit-elle absorber le MoDem ? Le MoDem doit-il absorber l’UDF ? L’existence de l’UDF a-t-elle encore un sens aujourd’hui ? Ne faut-il pas plutôt considérer le MoDem comme un "courant" de l’UDF ? Telles sont les palpitantes questions du moment.
Ces débats, qui agitent les médias autant qu’ils semblent agiter ce qu’il est convenu d’appeler les "cadres" de l’UDF (et du futur MoDem ?), sont à au moins mille milles des attentes et préoccupations de ceux qui ont voté Bayrou.
Auprès de quelqu’un qui, enthousiasmé par un discours citoyen jamais encore entendu, adhère pour la première fois de sa vie à un parti pas même encore né, peut-on raisonnablement exprimer de tels doutes sans craindre le hors-sujet ?
Vous n’auriez pas vu un citoyen ?
Vus du terrain, ces atermoiements trempés d’arguties juridico-historiques prêteraient à sourire s’il ne s’agissait là que d’une énième péripétie dans l’histoire déjà longue des heurs et malheurs de la petite politique française dont sont coutumiers les "appareils" de tout bord.
Sauf que, cette fois, la matière est grave : il ne s’agit de rien moins que de l’avenir d’un peuple à la voix éteinte, aux enthousiasmes brisés, que François Bayrou a tiré de sa léthargie et qu’il est aujourd’hui plus que temps de réveiller pour de bon.
C’est dire à quel point ce sujet ne saurait être l’affaire que d’une faction ou d’un parti : c’est un sujet citoyen.
Mauvais calcul
Parce que c’est un sujet citoyen, mais aussi parce que la mise sous tension du MoDem provoque ces temps-ci des microcoupures préjudiciables à ses circuits, quelques questions valent d’être posées :
- si, en arithmétique
scolaire, 50 000 (les adhérents MoDem) ajoutés à 30 000 (les adhérents UDF)
font bien 80 000, en est-il de même en arithmétique politique ? Même question
posée autrement : l’harmonie des contraires chère à François Bayrou n’est-elle
pas qu’un doux rêve ? ;
- au vu des questions respectives des militants et sympathisants du projet de François Bayrou (comment faire fructifier l’idée citoyenne ?) et de ceux qui, censément du moins, sont en train de porter le MoDem sur les fonts baptismaux (faut-il vraiment un MoDem, ou plutôt une UDF recomposée ?), on peut commencer à en douter.
Bon vendeur = bon leader ?
Il est une autre question, plus cruelle celle-là, qui tient à la personnalité même de celui par qui tout cela a pu advenir, ou plutôt, à ses talents et à ceux qu’il n’a pas.
S’il est inimaginable de contester à François Bayrou son énorme travail, réussi, d’éducation civique et citoyenne, a-t-il pour autant les aptitudes et les talents pour mener à bien l’avènement du nouveau parti dont il a fait l’annonce ? Pas sûr. Passer du discours à l’action n’est pas si simple.
Reconnaissons-le : nous mesurons mal, vu de l’extérieur, la quantité de chausse-trappes dont son chemin a sans doute été copieusement parsemé. Lorsqu’ils sont tendus par des amis qui vous connaissent bien, les pièges deviennent redoutables. C’est là, à défaut d’être une excuse, une explication que l’on pourrait invoquer, au bénéfice du doute au moins.
Admettons. Et alors ? La cause citoyenne des origines serait-elle à ce point devenue secondaire qu’il serait temps maintenant de se préoccuper de se partager le butin, soit sept millions de voix ? Quelle pathétique illusion !
Il n’y aura rien en effet à partager si les questions posées au plus haut niveau ne relaient pas celles que posent et se posent sans désemparer les militants et sympathisants et, c’est peut-être ce qu’il y a encore de plus remarquable, sans encore se lasser tout à fait.
"La politique française ne sera plus jamais comme avant" ?
Si le thème "UDF/MoDem" versus "MoDem/UDF" demeure durablement prévalent dans une détestable logique de pouvoir et d’appareil, c’est qu’on le veuille ou non parce que des vues anciennes passablement périmées prévalent aujourd’hui sur les nouvelles.
Soyons clairs : ces vues anciennes ne sont pas le fait des "adhérents historiques" de l’UDF, affectueusement dénommés "les vieux" par les nouveaux - c’est d’ailleurs ainsi, non sans malice, qu’ils se dénomment eux-mêmes. Car il n’est rien de plus facile que de discuter et de s’entendre avec ceux-là qui, sans avoir jamais exercé de fonctions électives, ont un passé militant qui se compte pour certains en dizaines d’années.
Si les méthodes anciennes doivent continuer de prévaloir, alors il n’y aura pas de MoDem. Ou pire : s’il se créait dans ces conditions, le MoDem ne ressemblerait en rien à ce que ces citoyens nouveaux que François Bayrou a réveillés attendent.
Alors ils devraient rechercher une autre solution. Ailleurs.
N’est-il pas tant, dès maintenant, d’oublier ces schémas périmés où la structure même des partis épouse le découpage administratif du pays et où, de la même manière que l’Etat régalien s’organise en pyramide imprenable, les partis s’organisent en instruments du pouvoir de quelques-uns ?
Une énergie libre
Le temps du militant discipliné, acquiesçant à la demande, applaudissant au coup de sifflet ou sifflant sur ordre est révolu. Place au citoyen, libre et responsable, que François Bayrou a révélé, et qu’il faut maintenant assumer. C’est ainsi, ou bien il ne fallait pas le réveiller ! Mais c’est trop tard.
Si l’on ne sait pas construire un parti qui réponde aux exigences, laissons le citoyen, libre et responsable, s’organiser à sa guise : en associations, en amicales ou en groupes d’amis. Ne lui imposons rien d’autre que le respect d’une stricte charte éthique qui permettra, après audit en bonne et due forme, de lui délivrer une "labellisation démocrate".
Laissons-le ensuite travailler. Accordons-lui, ainsi qu’à ses amis, tous les espaces de parole et de décision qu’il voudra bien occuper. Ecoutons-le, et suscitons chez lui la réflexion et le partage.
Ne serait-ce pas là une voie pour dépasser les (50 000 + 30 000) adhérents et approcher les sept millions d’électeurs ? Le prix à payer est-il si exorbitant ? Evidemment, s’il s’agit de préserver et d’affirmer des pouvoirs. Sûrement pas si l’on veut que la citoyenneté s’épanouisse.
Le veut-on ?
Du virtuel bien réel
Oubliés les départements, les cantons, les régions, les appareils, les délégués, "l’échelon national", les présidents de cellules, de fédérations ou de groupes ! Place au réseau citoyen, place au parti virtuel des militants du réel ! Place à un parti qui, parce qu’il ne sera nulle part, sera partout.
Vive la liberté, vive la démocratie, vive la citoyenneté !
Au fait, quand ?
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