Pas besoin d’aller bien loin, le village français, celui de la France rurale, a tendance à disparaitre, mais il existe encore. Qui n’a vécu des rivalités entre villages voisins avec dénonciation des sales manières de ceux du bourg ou du patelin d’à côté. Cela prend des allures de Clochemerle, des querelles byzantines sur tout et n’importe quoi, de la manière de préparer la choucroute, de faire le cidre ou de laisser s’affiner les fromages dans une cave que l’on soit en Alsace, en Bretagne ou en Corse. Et quand dans une province limitrophe on fabrique un produit similaire, il est obligatoirement mal fait ou alors outrageusement imité. Sans parler des fameuses querelles de maquignons, des histoires de cadastre et de remembrement des terres. Et bien sûr, des « romanichels » obligatoirement voleurs de poules, chapardeurs, mais capables de canner les chaises et de faire des paniers.
Le chauvinisme, l’attachement au terroir, au bled, au patelin finalement peut être comparable avec les rivalités entre bandes des citées et des quartiers, c’est l’environnement urbain qui lui donne une dimension inquiétante. Le concept de territoire, de terrain de chasse et de cueillette qui nous vient de l’aube des temps préhistoriques est encore bien ancré dans les mentalités.
Et pas besoin d’affrontements ethniques caractérisés, les rivalités, les jalousies se retrouvent à l’intérieur de communautés soit disant homogènes. La dernière réflexion de la Ministre de l’Outremer au sujet de la Guadeloupe est là pour le confirmer. Martiniquais et Guyanais ont du apprécier le trait du propos.
Prenons les Arabes qui se vantent de leurs organisations transfrontalières, comme la Ligue, ou d’autres offices du même acabit. Cette unité de façade est battue en brèche par les querelles permanentes entre états et par les déclarations péremptoires des ressortissants. Il n’est qu’à écouter les histoires drôles racontées par les Algériens sur le dos des Marocains et des Tunisiens et réciproquement. Le dernier match d’éliminatoire au Caire a commencé par des jets de pierres sur les joueurs algériens suivi de bagarres et de déclarations haineuses. Et les supporters de retour au pays étaient prêts à saccager les commerces des membres du « pays frère » qui avaient osé molester leur équipe Mes ces dissensions se retrouvent également à l’intérieur d’un même pays. Sans parler des affrontements entre Arabes chrétiens et musulmans, entre Kurdes ou Kabyles et Arabes, restons entre Arabes. En Algérie, les filles vicieuses, faciles, dévergondées se trouvent à Alger pour ceux des wilayas. Elles sont bien sûr à Annaba pour les Algériens de l’Ouest et à Oran pour ceux de l’Est. Et en Syrie, on raconte avec malice les antagonismes entre Homs et Hama. C’est l’histoire du canon fabriqué pour bombarder la ville adverse et qui explose au premier tir. Dizaines de morts à Hama autour du fut éclaté, et les survivants de dire en comptant leurs morts, et bien, vu les dégâts ici, qu’est ce que cela doit être à Homs ! L’histoire marche dans les deux sens. Dans ces conditions on comprend mieux l’échec de la République Arabe Unie voulue par Nasser et le capotage des tentatives de fusion entre états initiées par Kadhafi.
De l’autre côté de la frontière, cela ne se passe pas beaucoup mieux entre Juifs. Querelles, moqueries, histoires dévalorisantes entre ashkénazes et sépharades, sabras se disant supérieurs car arrivées avant 1948. Sans oublier le mépris profond pour les juifs éthiopiens et yéménites considérés comme des citoyens de seconde zone et les Russes de judaïté douteuse qui ne rêve que de manger des saucisses et qui se font en permanence allumer par les rabbins.. Le sionisme, pas plus que la religion n’ont réussi à souder tout un peuple et les mesquineries, les jalousies, le ressentiment existent autant entre juifs que chez les frères ennemis arabes. A ce niveau, les enfants d’Israël ne sont guère différents que ceux d’Ismaël.
N’allez pas imaginer mieux en Afrique subsaharienne. Les cannibales sont toujours ceux de la tribu voisine. Les mauvaises manières, la corruption, les vols aussi sont l’apanage des autres ethnies. Et de raconter avec force détails les méfaits ou les bévues des autres.
Alors comment voulez vous que les animosités ne soient pas encore plus fortes entre communautés ethniquement, religieusement et culturellement disparates aux différences visibles et marquées, surtout quand ils s’y mêlent des conflits économiques, territoriaux ou confessionnels.
En France cela se complique car interviennent deux types de réaction diamétralement opposées de la part des citoyens d’origine dits de souche. D’un côté ceux qui mettent sur le dos des étrangers tous les malheurs du pays et de l’autre ceux qui sont prêts à accepter toutes les exactions au nom de l’anti racisme. Pour les uns un noir ne peut être honnête et un arabe obligatoirement fourbe. A l’inverse ne pas être subjugué par les propos abscons de Yannick Noah, c’est se faire taxer illico de raciste alors que se moquer d’Henri Leconte qui n’est guère plus malin fait rigoler tout le monde. Remarquer que Roselyne Bachelot est bien pourvue au niveau postérieur, c’est au pire se faire taxer de sexiste, en dire autant de Rama Yade, c’est se faire allumer à coup sûr. Alors qu’il y a là aucune allusion ethnique, de nombreuses Africaines faisant un petit 36 et d’autres étant largement au delà du 52.
Alors, tous et partout racistes ? Cela dépend de la définition plus ou moins large que l’on veut donner au terme. Disons plutôt que l’immense majorité des gens a encore gardé la mentalité du village, (pour ne pas dire de la grotte) même si la majorité vit en milieu urbain ; et les concentrations de populations ne sont pas faites pour arrondir les angles. Ce qui se finissait par quelques mots crus, galéjades et quelques horions à la foire aux bestiaux s’est amplifié pour prendre une tournure plus polémique et plus radicale. On a critiqué la préférence nationale, mais elle existe déjà ou niveau régional jusqu’au plus petit patelin. Mais comme poussée à l’extrême, elle entrainait l’endogamie avec ses possibilités de tares génétiques, il a bien fallu se résoudre à aller chercher épouse chez les voisins. Ce fut d’abord des rapts, du type enlèvement des Sabines, ensuite on se résigna à négocier des échanges de femmes dans l’intérêt des deux camps.
Le désir de vivre en vase clos de la majorité des hommes est encore très fort, mais de la nécessité de faire du commerce, des échanges avec les voisins est aussi impérative. Il devient alors difficile de cultiver l’entre soi, rassurant mais obstacle au progrès et à la production de richesses et de s’adapter à la présence de l’autre, à la fois nécessaire mais inquiétante. La composante sexuelle dans cette défiance n’est pas la moindre et si les hommes se trouvent de belles explications philosophiques morales, religieuses ou politiques ce ne sont en réalité que des cache-misères de leurs angoisses basiques et de leur désir de rester au sein d’une structure homogène rassurante. L’homme est encore mentalement dans sa grotte avec ses trois bestiaux, ses femmes et sa marmaille, même si la grotte ressemble désormais à une barre d’HLM ou à un pavillon de banlieue.
Voir : Et si le racisme n’était avant tout qu’une réaction de nature sexuelle ?