Variations sur l’assistanat sexuel
Dans la lutte contre le chômage, toutes les idées sont bonnes. La majorité présidentielle tente de nous convaincre qu’il reste des boulots à inventer. Mais elle prend aussi à coeur l’achèvement de la société de services : l’Etat PMU s’intéresse au bien-être de chacun. Au confluent de ces deux objectifs : les handicapés. Et voilà que Jean-François Chossy, député de la Loire et président du Groupe d’études « Intégration des personnes fragilisées et handicapées » de Assemblée nationale, sort de son chapeau un nouveau métier possible : assistant sexuel. Ce métier du futur (et du présent en Allemagne ou aux Pays-Bas) nous donne du grain à moudre. Au moins a t-il le mérite de nous divertir des autres débats sociétaux classiques qui commencent tous à nous ennuyer (euthanasie, cannabis, téléchargement).
Quelles sont les autres solutions ?
Il existe peut-être des solutions techniques (vibromasseurs, masturbateurs) pour ceux qui sont privés de leurs mains notamment. Mais cela ne remplace pas le contact avec autrui. Avant tout, il faudrait une vraie enquête sur les pratiques sexuelles des handicapés pour s'assurer que la non-vie sexuelle des handicapés est une norme. Est-on bien sûr que, notamment dans les structures spécialisées, les handicapés n'ont pas de relations sexuelles entre eux ? Et si les échanges avec l'extérieur étaient plus répandu (à l'université, au travail, dans des associations sportives et culturelles), n'auraient-ils pas plus de chance de trouver des expériences éphémères ou durables ?
Il est presque sûr que les valides tombent -hélas- peu souvent en amour des handicapés. Alors, pourquoi ne pas créer des lieux de rencontre amoureuse pour handicapés ? Cela existe bien pour les cadres sup'.
A partir de quand est-on handicapé ?
Un cadre sup', c'est assez facile à définir, mais qu'est-ce qu'un handicapé ? Un handicap, c'est ce « ce qui défavorise, met en position d'infériorité » me dit un vieux dictionnaire Hachette. La notion d'infériorité pose le thème de l'égalité. Si on considère tout handicap comme une injustice, alors il faut œuvrer -pourquoi pas collectivement- à réparer cette injustice. Or, tout handicap est relatif à un but donné. Pour l'aider à être le plus mobile possible, la sécurité sociale finance le fauteuil roulant de celui qui a perdu l'usage de ses jambes, les bâtiments publics se dotent d'ascenseurs, etc. La société a plus de mal à aider les handicapés mentaux, néanmoins elle essaie de développer leur intégration à travers des formes variées (par le travail, les arts, le théâtre et d'autres activités).
Qu'il vivent dans leur famille ou dans une institution spécialisée, les handicapés sont néanmoins très souvent frappés par une forme d'exclusion : l'exclusion sexuelle. Sont-ils les seuls ? L'exclusion sexuelle n'a t-elle pas toujours comme origine première un certain handicap ?
Chasteté et prostitution
Il est bien connu que faire l'amour allonge la vie. Forniquer est donc souhaitable a tous ceux qui ne choisissent pas sciemment la chasteté. D'un autre côté, ce débat ne risque t-il pas de stigmatiser la chasteté. Une vie sans sexe, est-ce une tare ? Une déviance ?
En créant une profession spécialisée, on stigmatise d'autant plus les handicapés. Un handicapé physique deviendrait avec cette loi un handicapé physique et sexuel ; un handicapé mental deviendrait un handicapé mental et sexuel. Ont-ils besoin de cela ? Les prostituées « classiques » ne pourraient-elles pas faire le boulot ? D'ailleurs, ne pas réussir à se procurer des rapports sexuels, est-ce propre aux handicapés ? De toute façon, la chasteté forcée est en soi une injustice, quasiment une torture ? Cette injustice est toujours provoquée par un handicap (au sens large) : timidité maladive, laideur, traumatisme quelconque, etc. Alors, si l'on veut résoudre collectivement toutes les injustices sexuelles, dont un handicap (ou une tare) est toujours à l'origine, il faut simplement légaliser la prostitution.
Où trouver ces nouveaux praticiens ?
Peut-être que ce nouveau métier saura attirer des vocations. Mais, étant donné la précarisation de la prostitution en France depuis des années, peut-être que certain-e-s prostitué-e-s seront intéressé-e-s pour continuer leur profession auprès des handicapé-e-s, afin de connaître de meilleurs conditions de travail.
Mais le but est de créer de nouveaux emplois, perçus comme appartenant au domaine médical. Qui voudra ? Les candidats viendront-ils de tous les milieux ? Le risque est qu'il attire des personnes pauvres de France et d'ailleurs, exactement comme la vulgaire prostitution.
Questions pratiques
L'handicapé homme ou femme, comme tout le monde, doit être attiré par son partenaire pour pouvoir faire l'amour et prendre du plaisir. En conséquence, il faudra procéder à une élimination des candidats peu susceptibles de trouver des clients. Qui procèdera à cette discrimination ?
Tournant utopique : vers un communisme sexuel ?
Il serait plus beau, n'est-ce pas, pour éviter la discrimination des corps hérétiques, défiants les normes fabriquées, de s'émanciper de cette société standardisée. Il faut casser le couple et la fidélité, relativiser la hiérarchisation des corps. Tout du moins, il est indispensable que nous disposions tous d'un droit de jambage sur chacun. On pourrait aussi imaginer un monde où l'Etat distribue des droits à la consommation sexuelle, des chèques sexe comme il existe des chèques déjeuners. Cela abolirait la frustration de ceux qui n'arrivent pas, au quotidien, à séduire. La demande serait assurée sans problème. On pourrait créer l'offre en inventant un service sexuel obligatoire qui pourrait durer un an, par exemple. La prostitution, ainsi, disparaitra, avec l'adultère et l'injustice, ce serait le communisme sexuel.
Mais qu'en pense Mélenchon ?
Emmanuel Glais
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